Publié le 13 Dec 2019 - 00:59
TOP TEN DES MINISTERES LES PLUS PUISSANTS

L’ossature du président de la République

 

L’argent, au Sénégal, est au cœur de bien des relations humaines. Même au niveau de nos institutions, il est prépondérant dans le traitement réservé aux différents ministres du gouvernement. Il y a ainsi les nantis, les moins nantis, et les pauvres qui passent inaperçus. Même à l’Hémicycle. Au-delà de montrer l’importance qu’accorde le gouvernement aux différents départements, le vote du budget renseigne aussi sur ce que vaut chacun des maillons du Macky.

 

Dis-moi quel portefeuille tu gères, je te dirai quel est ton poids dans le gouvernement et la République. Les habitués du marathon budgétaire ont dû, tous, en faire la remarque. A quelques exceptions près, l’affluence et le nombre d’orateurs sont largement tributaires du budget alloué au département ministériel, de l’importance du ministre qui vient. Même la manière de saluer les ministres diffère en fonction des mêmes critères.

Avec son modeste budget de 3 601 928 220 F Cfa, le pauvre ministre du Travail et du Dialogue social, Samba Sy, en fait, tous les jours ou presque, les frais. Ponctuel, discipliné, assidu, l’homme semble passer inaperçu, aux yeux de nombreux parlementaires. Pourtant, il est censé être le ministre le plus proche des députés, en tant que dépositaire des relations avec les institutions. Courtois et respectueux, il se lève, à chaque fois qu’il a la ‘’chance’’ de voir un aimable représentant du peuple se déplacer, pour lui serrer la main. Ce qui est rare. Souvent, c’est juste en passant serrer la main des ténors du gouvernement que la plupart daignent penser qu’il existe. On n’en souffre certainement pas. Parfois, c’est même bénéfique de ne pas du tout être sous le feu des projecteurs.

Ceci n’est qu’un prétexte pour parler du Top Ten des ministres les plus puissants du gouvernement, en termes d’allocation budgétaire.

Mamadou Talla, le premier de la classe

Avec un portefeuille de 526 948 489 978 F Cfa, le ministre de l’Education nationale vient largement en tête de notre classement. Il faut noter, à ce niveau, la faible dotation (411 969 000 F Cfa) de l’éducation préscolaire. Pendant ce temps, l’enseignement élémentaire s’octroie 114 669 108 426 F Cfa des crédits du département, l’enseignement moyen général 16 421 774 075 F Cfa, l’enseignement secondaire général 7 714 786 516 F Cfa, le programme Education de base des jeunes et des adultes 1 169 710 765 F Cfa…

Mais, comme à l’accoutumée, la part réelle de l’investissement dans ce budget fait polémique. De nombreux députés relevant qu’une bonne partie de ces fonds ne sert qu’à payer des salaires. Il n’empêche, il s’agira, pour le département, de faire face aux nombreux défis du secteur dont l’éradication des abris provisoires, la résorption du gap en infrastructures et en personnels, la prise en charge des doléances des syndicalistes dans ce secteur névralgique.

Ainsi, le chef de l’Etat a certainement tenu à démontrer que son vœu de placer l’homme au cœur des politiques publiques n’est pas si pieux.

Oumar Youm, la main du président

Après le capital humain, place aux infrastructures. L’ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat, Oumar Youm, à la tête du ministère des Infrastructures et des Transports terrestres, va gérer 295 350 566 500 F Cfa. A la différence de son homologue de l’Education nationale, lui n’a pas pour vocation de payer essentiellement des salaires, de construire des salles de classe. En effet, une bonne partie des fonds de ce département va servir à la construction et à l’entretien d’infrastructures, notamment routières. Il ressort du budget que le programme Développement et modernisation des services de transport tient à cœur les autorités étatiques. Dans ce programme, 25 000 000 000 F Cfa sont réservés à l’investissement. Pour le programme Développement, gestion et entretien des infrastructures routières, ce n’est pas moins de 131 992 161 780 F Cfa qui sont destinés à l’investissement…

Face aux députés, Me Youm a pris l’engagement que d’importants projets vont démarrer ou continuer en 2020. Il a cité, notamment, la réhabilitation de la route Fatick – Foundiougne – Passy – Kaffrine – Mbacké, de la route national 1 Taïba – Kidira – Bakel, Sénoba – Ziguinchor ainsi que la construction des ponts de Foundiougne et de Rosso. C’était ainsi, pour les parlementaires, chacun en ce qui le concerne, de défiler pour réclamer des voies à l’élu.  

Mouhamadou Makhtar Cissé, l’énergie au cœur

Avec les importantes découvertes en matière d’hydrocarbures, il fallait aussi s’attendre à ce que le ministère du Pétrole et de l’Energie soit bien doté par les pouvoirs publics. Le département arrive en troisième position, pour ce qui est des allocations budgétaires. Cela est d’autant plus compréhensible que le gouvernement a décidé de prendre à bras le corps le problème d’accès à l’électricité dans tous les coins du pays.

Ainsi, des ressources importantes ont été dégagées pour l’investissement dans le programme électrification rurale et énergies renouvelables, soit 32 393 500 F Cfa. Dans le volet optimisation du système d’offre d’électricité, une enveloppe de 90 304 433 759 F Cfa sera destinée à l’investissement. Là également, le chef de l’Etat a porté son dévolu sur une autre personnalité forte de son régime, en la personne de Mouhamadou Makhtar Cissé, ancien ministre du Budget, ancien directeur de cabinet, ancien directeur général de la Senelec. L’homme aura la lourde tâche de conduire la politique énergétique du pays, de sorte que tous les Sénégalais aient accès à ce produit de nécessité. L’homme fort de Dagana peut ainsi compter sur un budget de 255 396 691 327 F Cfa.

Cheikh Oumar Hann, la révolution du supérieur

Pour sa part, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation se tape 203 227 932 514 F Cfa. Ce budget est scindé en deux programmes principaux. D’une part, l’Éducation supérieure avec 114 638 039 891 F Cfa. D’autre part, les œuvres sociales universitaires avec une enveloppe de ‪84 777 314 623 F Cfa. Par-là, le gouvernement entend prendre en charge la bonne marche du secteur, en vue d’assurer le développement du capital humain et l’employabilité, si chers à la rhétorique des tenants du pouvoir.

Et comme pour les autres ministères importants, le chef de l’Etat a confié ce département névralgique a un de ses compagnons de la première heure, l’ancien directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar. Epinglé par plusieurs corps de contrôle, Cheikh Oumar Hann reste presque inamovible dans les schémas du président de la République.

Sidiki Kaba, l’avocat de la ‘’Grande muette’’

Dans la répartition du budget national, les Forces armées ne sont pas du tout en reste avec une enveloppe de 198 753 781 661 F Cfa. Le département géré par l’homme fort de Tambacounda, Sidiki Kaba, est scindé en deux programmes principaux. En l’occurrence, il s’agit, d’une part, de la défense du territoire national, d’autre part, de la sûreté publique et du maintien de l’ordre. Les deux programmes se partagent globalement plus de 190 milliards de F Cfa du budget. Une hausse du budget qui s’explique amplement dans ce contexte marqué par la montée en puissance du terrorisme et de l’extrémisme violent un peu partout dans la sous-région.

En confiant le département à un de ses représentants les plus en vue sur la scène nationale et internationale, le chef de l’Etat montre à suffisance l’importance accordée à ce secteur. Ancien ministre de la Justice, le néo politique a fini, en effet, de marquer de son empreinte la galaxie Apr où il jouit d’une grande notoriété.

Abdoulaye Diouf Sarr, le sauveur de Dakar

Avec Abdoulaye Diouf Sarr, la Santé et l’Action sociale auront également une place privilégiée dans ce qui est considéré comme le dernier mandat du président Sall. Avec un budget de 191 714 747 125 F Cfa, le maire de Yoff, coordonnateur des cadres républicains, a de quoi apaiser les acteurs de ce département connu pour leur bouillonnement syndical. La part importante des ressources réservées aux personnels témoigne de la volonté de l’Etat d’apaiser le climat. Mais vu l’ampleur de la demande en infrastructures, en équipements et de personnels qualifiés, c’est à se demander si le département ministériel a les moyens de ses ambitions.

En plénière, plusieurs voix ont plaidé pour une augmentation des allocations dans ce domaine plus que prioritaire. Au chapitre des investissements, il est prévu notamment 14 213 186 635 F Cfa dans le programme Pilotage, coordination et gestion administrative, 18 039 663 667 F Cfa au titre du programme Santé de référence… Là aussi, c’était l’occasion, pour les députés, de prêcher pour leur chapelle. Chacun essayant de charmer le chef du département pour espérer, à l’avenir, disposer d’un poste de santé ou d’un hôpital pour son terroir.

Moussa Baldé, la consécration

Département à problème, le ministère de l'Agriculture et de l'Equipement rural fait aussi partie des départements les plus pourvus, avec 152 044 525 199 F Cfa. Il ressort des programmes édictés par ce ministère que le gouvernement tient, d’une part, à l’augmentation de la production et à la valorisation des produits agricoles, d’autre part, à la sécurisation de la production et au développement des infrastructures rurales.

Ce sont, en effet, les programmes phares du département avec des investissements respectifs de 26 676 640 000 et 49 217 065 061 F Cfa. Le département est dirigé par un des ténors du parti présidentiel à Kolda. Réputé être un grand universitaire, Moussa Baldé est également le président du Conseil départemental de Kolda. Il jouit de la confiance du chef de l’Etat et d’une grande notoriété dans le parti.

Aly Ngouille, l’inamovible

Quant au ministère de l’Intérieur, il se taille 126 698 134 778 F Cfa répartis en trois programmes majeurs : Administration territoriale, Sécurité civile et Sécurité publique. Dans le premier volet, les investissements exécutés par l’Etat sont chiffrés à plus de 10 738 000 000 F Cfa ; dans le deuxième, les investissements sont évalués à 9 470 000 000 F Cfa et, dans le troisième, plus de 5 milliards sont réservés aux investissements. Homme fort de Linguère, Aly Ngouille Ndiaye a la lourde tâche de conduire ce département objet de toutes les polémiques. Là aussi, on peut s’interroger sur la suffisance des moyens dans un contexte marqué par la montée en puissance de l’insécurité, l’insuffisance décriée de personnels, ainsi que le déficit de commissariats sur l’étendue du territoire.

Serigne Mbaye Thiam, l’allié sûr

Parmi les ambitions du chef de l’Etat, figure aussi en bonne place l’accès à l’eau et à l’assainissement de toutes les populations. De ce fait, le département conduit par le socialiste Serigne Mbaye Thiam, seul allié dans le Top Ten, fait partie des ministères les plus pourvus. En accordant un budget de 118 329 743 144 F Cfa à M. Thiam, Macky Sall montre également que les relations Ps-Apr sont toujours au beau fixe, malgré le départ d’Ousmane Tanor Dieng. Et que plus que jamais, Serigne Mbaye Thiam bénéficie d’un grand respect auprès du chef de l’Etat, malgré son départ de l’Education.

Le budget du département est réparti comme suit : Programme d'accès à l'eau potable avec des investissements de l’Etat chiffrés à 35 067 839 608 F Cfa, Programme d'assainissement et de gestion des eaux pluviales avec des investissements exécutés par l'Etat pour un montant de 28 651 500 000 F Cfa, Programme de gestion intégrée des ressources en eau avec des investissements de l’Etat de 2 635 000 000 F Cfa. Malgré les moyens colossaux accordés à ce département, les pénuries persistent dans les centres urbains, au moment où, dans les zones périphériques, le liquide précieux et indispensable demeure encore un luxe.

Oumar Youm, pour la cohérence territoriale

Dans le Top Ten, il y a également le ministère des Collectivités territoriales et de l’Aménagement du territoire qui s’accapare 106 001 178 229 F Cfa. Les investissements dans ce département sont répartis comme suit : Pour le programme Cohérence territoriale, un montant de 18 396 000 000 F Cfa est réservé aux investissements. Pour le volet Financement du développement territorial, le programme Gouvernance territoriale, c’est 3 864 668 709 F Cfa… Inamovible dans le dispositif de Macky depuis 2012, Oumar Guèye, Maire de Sangalkam, a l’honneur et le privilège de gérer le portefeuille, lui qui est pourtant cité dans de nombreux scandales fonciers.

EXCEPTION MANSOUR FAYE

Un gouvernement dans le gouvernement

Dans le classement des portefeuilles, il est certes à la 11e place. Il n’empêche, à l’Hémicycle, il est l’un des plus courus, pour ne pas dire le plus couru. De lui, tous les portraits ont été dressés par l’opposition. Les gens sont allés jusqu’à le traiter de dauphin du président de la République qui souhaiterait, selon leurs dires, bâtir une dynastie Faye-Sall.

En fait, même s’il est loin d’être le premier dans le classement, le beau-frère du chef de l’Etat est surtout sollicité du fait qu’il gère l’essentiel des programmes sociaux du gouvernement. Avec un budget de 101 375 554 272 F Cfa, il va s’occuper des fiertés du régime comme le Programme d’urgence de développement communautaire, (Pudc), le Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma), le Programme de modernisation des villes (Promovilles), le Programme national des bourses de sécurités familiales et sociales (Pnbsf), la Couverture maladie universelle (Cmu)...

Le budget est articulé autour de deux axes principaux : développement communautaire et équité territoriale pour 35 465 179 155 F Cfa, d’une part, équité sociale avec 65 397 369 825 F Cfa, d’autre part. Suffisant pour sortir l’opposition parlementaire de ses gonds. Là où l’allié Cheikh Tidiane Gadio parle de la réunion des compétences d’une trentaine de ministères entre les mains d’une seule personne. En effet, le frère de la première dame, de par ses programmes, pourra intervenir dans tous les secteurs qui intéressent le développement.

MOR AMAR

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