Publié le 27 Nov 2017 - 15:47
VOTE BUDGET MINSTERE AFFAIRES ETRANGERES (MAESE)

La Libye occupe les débats à la place Soweto

 

Avec un budget en baisse et des dossiers épineux, le chef de la diplomatie sénégalaise a passé un grand oral assez difficile, ce samedi à l’Hémicycle.  

 

Sidiki Kaba était attendu avec tout ce qu’il y avait comme actualité concernant son département. Pour la journée du samedi, il a battu le record d’interpellations, 62 députés inscrits, qui avaient pour principale préoccupation la situation en Libye, mais aussi le cas presque obnubilé de Mbayang Diop toujours détenue en Arabie Saoudite, sous la menace d’une peine de mort. Il y avait aussi l’assistance à Cheikh Tidiane Gadio, le pèlerinage à la Mecque, les options de la diplomatie sénégalaise sur le différend Qatar-Arabie Saoudite et bien d’autres préoccupations. Paradoxalement, pour tous ces défis qui semblent se profiler, le projet de budget 2018, finalement adopté, du département dirigé par Me Sidiki Kaba, a connu une baisse de pratiquement 2 milliards, soit 2,86% par rapport à l’année dernière.

Une chute que ne comprend pas le député Déthié Fall : ‘‘s’il y a un budget qui devait connaître une hausse, c’est celui du Maese. Je suis étonné de voir que ça connaît une baisse’’, a-t-il déclaré. Une inquiétude que le ministre n’a pas jugée utile de calmer, préférant répliquer aux brûlantes questions d’actualité.

Solution militaire en Libye

Le reportage de la journaliste Nima Elbagir, de la chaîne américaine CNN, aura au moins le mérite de vulgariser dans l’opinion un problème que tout le monde connaissait mais feignait d’ignorer. Le député Aïssatou Mbodj dite Aïda a critiqué les instances africaines pour leur passivité. ‘’Je n’ai que déception et critiques à l’endroit de l’Union africaine. Il a fallu l’alerte de CNN pour qu’on se lève. L’indolence des autorités africaines est incompréhensible. Je suggère que l’Assemblée dépose une requête, pour que la question soit privilégiée au sommet UA UE qui se tient à la fin de ce mois-ci’’, a-t-elle déclaré. Son collègue Mamadou Diop Decroix, lui, a chargé les autorités. ‘‘Le gouvernement était au courant, depuis décembre 2016. Des associations ont fait des audios et vidéos dont les rapports ont été envoyés au président de la République. Jusqu’à ce que CNN en parle, ils le savaient, mais n’ont pas fait ce qu’il fallait. Maintenant, il faut que les Etats africains se solidarisent et aillent tirer nos gens par la force, s’il le faut’’, a-t-il déclaré.

Une solution de force que beaucoup de ses collègues ont exigée pour tirer d’affaires les compatriotes aux mains de ces passeurs. Le député de l’Union citoyenne Bunt-Bi, Théodore Chérif Monteil, est même allé plus loin dans son argumentaire, en convoquant l’histoire pour justifier une action dissuasive contre les bandes armées auteurs de ces pratiques. ‘‘Personne n’attaque les Juifs. Vous savez pourquoi ? Ils savent identifier les responsables et leur faire payer’’, a-t-il affirmé, accusant ouvertement les Etats-Unis, les anciens président français et sénégalais Nicolas Sarkozy et Abdoulaye Wade, d’avoir créé cette déliquescence ayant abouti à un ‘‘no man’s land’’ en Libye.

Cette épineuse actualité a été l’occasion pour les députés, suivant leurs affinités, de réciproquement rejeter la responsabilité de cette ‘‘traite des noirs’’ sur les carences soit de l’actuel gouvernement, soit de l’ancien régime. Pour Mberry Sylla, ‘‘c’est Abdoulaye Wade le responsable de ce qui se passe en Libye’’ ; tandis que Serigne Bara Mbacké Dolli estime que la politique actuelle concernant la jeunesse a échoué. Il n’a n’a pas non plus manqué d’égratigner le pouvoir sur un autre terrain. ‘‘On parle de l’esclavage en Libye, mais on a un cas chez nous avec Khalifa réduit en esclavage par Macky. Si ça lui tient tant à cœur, il n’a qu’à intervenir en Libye’’, a-t-il défendu.

Me Kaba : ‘‘Le Sénégal n’abandonne pas ses enfants ’’

Malgré les succès diplomatiques, comme l’élection en tant que membre non permanent au Conseil de sécurité de l’Onu, la résolution 2334 contre l’extension des colonies en Palestine, le dénouement du litige postélectoral gambien, l’élection au Conseil des droits de l’Homme, Sidiki Kaba reste confronté à de grands dossiers, dans un département où il entame à peine un trimestre. L’absence du Sénégal dans le G5 Sahel, l’échec de ses candidats à la tête des commissions de la Cedeao et de l’Uemoa, et son suivisme pro-saoudien dans la brouille Riyad-Doha, ont été vivement déplorés par les parlementaires. Parmi ces cas, les compatriotes en difficulté à l’étranger, Mbayang Diop et Cheikh Tidiane Gadio, sont revenus avec insistance. Mais on a tardé à entendre un parlementaire s’inquiéter du cas de ce dernier. C’est pratiquement à la fin des débats qu’Abdou Mbow, Aissatou Cissokho et Sira Ndiaye se sont solidarisés de leur collègue et ancien ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio.

 Si le ministre a effleuré le cas de Mbayang Diop détenue en Arabie Saoudite sous la menace d’une condamnation à mort, il a affirmé que la diplomatie s’active souterrainement pour la sauver, et pour porter une assistance ferme à Gadio. ‘‘Quand il y a un fils du Sénégal qui a un problème, Mbayang Diop, quand il y a un fils du Sénégal, Cheikh Tidiane Gadio, on se met debout. Le Consul s’est déplacé, il l’a vu, ils ont discuté. Il est en bonne santé et optimiste. Le Sénégal n’abandonne pas ses enfants’’, a-t-il déclaré.

‘‘On n’a pas attendu la CNN’’

En prélude au sommet UA-UE du 30 novembre prochain, le chef de la diplomatie sénégalaise est à Abidjan, aujourd’hui, avec l’ensemble des ministres des Affaires étrangères africains et sera en conclave demain avec ses mêmes collègues de l’UE. La déliquescence de l’Etat libyen ayant débouché sur la traite de noirs est naturellement au centre des préoccupations. Réagissant aux propos de certains parlementaires, il a rejeté la passivité dont les autorités sont accusées. ‘‘On n’a pas attendu CNN. De janvier à maintenant, 2 499 Sénégalais ont été assistés. Une assistance juridique et pécuniaire du Sénégal’’, a-t-il avancé, parlant d’un autre dossier, celui du secours porté aux compatriotes pris au piège en Centrafrique.

Toutefois, il s’est indigné de la situation en Libye et promet que le chef de l’Etat sera à la pointe de la lutte pour le rétablissement de la dignité humaine. ‘‘Ce qui se passe en Libye est contraire à tout ce qui peut être appelé humain. Le président Sall a été l’un des premiers à réagir, provoquant une réaction en chaîne de tous les chefs d’Etat. Il ne s’agit pas de s’indigner, mais d’agir. Il y a eu un ensemble d’actes posés par le Président Macky Sall qui montre qu’il ne laissera pas passer cette histoire. Le combat, c’est le président qui le prend en charge. Ce n’est pas seulement la couleur noire, mais la dignité humaine’’, a-t-il déclaré. Par ailleurs, il affirme avoir reçu les directives de renforcer davantage la diplomatie de bon voisinage.  

OUSMANE LAYE DIOP

 

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