Publié le 10 Aug 2016 - 22:19

De l’urgence d’élaborer un cadre référentiel d’éthique dans la fonction publique sénégalaise

 

L’éthique ne rend pas les gens bons, il y en a toujours qui vont dévier. Mais ça fait réfléchir», (Hugo Roy, 2013).

 

Depuis quelques temps, l’actualité politique nationale est viciée par la controverse autour de la publication de documents confidentiels et du non-respect de l’obligation de réserve de la part de hauts fonctionnaires de l’administration publique. Ils savent évidemment que c’est en vertu du respect des grands principes qui régissent le service public que l’Administration est considérée comme la cheville ouvrière de l’État. Il me semble que le seul effet recherché à travers leurs actes c’est de créer le doute dans l’opinion sur la capacité de l’État à traiter des  questions qui relèvent de leur secteur respectif.

A vrai dire, nous ne pouvons pas souscrire à ce genre de  manquement et marquons  avec force notre réprobation quant au comportement inapproprié de certains acteurs sensés incarner la haute administration.

Notre consternation est encore plus grande quand, sous le prétexte de moralisation de l’action publique, ces mêmes personnes se permettent de  fouler au pied les règles et principes sacro-saints de la fonction publique. Le respect des règles et principes s’impose : respect de l’autorité hiérarchique, loyauté, discrétion, réserve… Sans cela, point d’administration.

Cette situation venant de très hauts cadres, moulés par l’École nationale d’Administration, interpelle les citoyens car elle touche aux valeurs de la république, au fonctionnement de nos institutions.

La question qu’on est en droit de se poser est qu’est ce qui pourrait motiver de tels comportements? Cette question, on ne se la pose que peu ou pas du tout. Et pourtant elle est fondamentale pour tenter de cerner les écarts de conduite observés.

Motivés par le jeu des collisions, certains cadres ont perdu  depuis longtemps le sens de leur mission, voire  même violer leur serment.

Même s’il est reconnu que  la liberté d’expression est le pilier de toute démocratie parce que consacrée par la déclaration des droits de l’homme, elle n’en connaît pas moins des atténuations particulières lorsqu’elle concerne les fonctionnaires, et cela découle du devoir de réserve.

Ainsi, l’obligation de réserve contraint les fonctionnaires à observer une retenue en toute circonstance au risque de s’exposer à des sanctions disciplinaires. D’ailleurs les protections statutaires ne donnent pas droit à s’exonérer du respect de ces règles et principes. Que l’on soit homme ou femme politique, un (e) syndicaliste, aucun engagement  de cette nature ne saurait prospérer face au besoin d’un fonctionnement normal et régulier du service public.

Un examen de la jurisprudence rendue au cours des dernières années révèle que de nombreux licenciements ont été maintenus suite à des manquements ayant pour effet le non-respect de ce principe.

C’est le cas dans le célèbre arrêt FRASER (2R.C.S 455), rendu par la Cour suprême du Canada, en 1985. En effet, M. FRASER, un fonctionnaire à l’Agence du revenu, formulait des critiques virulentes  et sur un ton cinglant à l’endroit du Gouvernement fédéral, de sorte que ses agissements débouchèrent sur un licenciement. La Cour suprême confirma le jugement au motif que le fait « d’attaquer de manière soutenue et très visible des politiques importantes du gouvernement » était considéré comme un manque de loyauté envers son employeur qui est ici l’État.

La morale de toute l’histoire est qu’assumer de hautes responsabilités nécessite pour les détenteurs d’une charge publique d'être en mesure de s’interroger sur les conséquences de leurs actes afin que la confiance du public à l’égard de l’administration ne soit ébranlée.

C’est ici que l’éthique prend tout son sens, son actualité, sa pertinence.

Nous précisons que les seules dispositions qui font référence à des considérations éthiques dans la loi n°61-33 du 15 juin 1961 relative au statut général des fonctionnaires, sont contenues dans les articles 9 et 10.

Il est clair qu’il y a une urgence de renforcer ces dispositions par l’élaboration d’un cadre référentiel d’éthique afin de prévenir toutes dérives.

A cet effet, nous saluons la volonté affirmée du gouvernement d’aller dans ce sens, suite à la mise en place, en juillet 2015, du comité de pilotage du processus d’élaboration du Code de déontologie générale des agents publics. Ce Code vise à renforcer l’éthique et la morale des agents de l’État dans la gestion des affaires publiques. Il est nécessaire, voire  indispensable d’en disposer; il constitue un ingrédient important dans la mise en place d'une culture éthique.

A présent le défi lié à l'application d'un tel code réside dans son appropriation par l'ensemble des agents et dans sa cohérence avec les valeurs de l'administration publique sénégalaise.

C’est pourquoi, nous pensons que trois ordres de solutions intimement liées, pourraient être  envisagés. Ainsi, il faut dans un premier temps finaliser la charte d’éthique et le code de déontologie ensuite, procéder à leur vulgarisation par la formation des agents et enfin, évaluer périodiquement les comportements des agents pour corriger les insuffisances éventuelles.

En définitive, il est loin de nous l’idée d’encourager l’impunité. D’ailleurs, nous souscrivons à toutes les mesures qui visent à renforcer la transparence dont le mécanisme de saisine de l’OFNAC en est une illustration évidente. En effet, il est permis à tout citoyen qui détient des informations sur des irrégularités avérées, la corruption caractérisée de la part de détenteurs d’une charge publique  de saisir l’OFNAC, et cet acquis est à mettre à l’actif du Président de la République Monsieur Macky SALL.

Hady TRAORE

Diplômé de HEC Montréal

École Nationale d’Administration Publique Québec

Évaluateur de programmes publics

Coordonnateur de la DSE APR Canada

 

 

Section: 
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