Publié le 23 Dec 2021 - 05:17

Civisme et citoyenneté

 

La commémoration de la disparition du Président Léopold Sédar SENGHOR, nous offre l’opportunité de rappeler quelques notions de civisme et de citoyenneté, au regard des évènements récents relatifs à l’incivisme, et tout cela, sous le prisme de la pensée senghorienne.

Les évènements de mars 2021 dernier, le saccage de l’arène nationale et le pillage du stade Galandou DIOUF de RUFISQUE, sans compter ce qui s’est passé dans certaines universités publiques, nous interpellent à l’introspection collective. Dans cette période préélectorale, nous assistons à une violence verbale, une violence physique et une violence dans les réseaux sociaux. Comme si nous étions dans des enchères de la violence pour affirmer notre existence, de notre « MOI », dans le sens de notre « EGO ». C’est la politique de la terreur, pour mettre au pas son vis-à-vis. La liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté de marcher sont des droits garantis par la constitution, dans le cadre de la démocratie, dans un Etat de droit, comme le Sénégal.

Au demeurant, l’Etat de droit nous ramène à la notion de contrat social. Selon ROUSSEAU, le contrat social est : « une bonne organisation sociale qui repose sur un pacte garantissant l’égalité et la liberté entre citoyens. Dans le pacte social, chacun renonce à sa liberté naturelle, pour gagner une liberté civile. La souveraineté populaire est le principe fondamental du contrat social ». Le contrat social est organisé dans le cadre de l’Etat de droit ; l’Etat étant le seul détenteur de la violence légitime, monopole que lui confère la charte fondamentale. Alors, si chaque citoyen adhère à ce contrat, il doit en accepter les règles, sauf s’il est anarchiste, car ce dernier ne reconnait pas le contrat social. Dans une démocratie telle que nous la concevons, l’accession au pouvoir ne peut se faire que par la voie des urnes, lors d’élections libres, transparentes et démocratiques et après le comptage des voix et que l’on en détienne la majorité. La voie de l’appel à l’insurrection, par l’organisation d’émeutes savamment organisées, ne peut prospérer, c’est une voie sans issue !

Au Sénégal, nous avons la chance d’être une Nation, au sens étymologique, que nous ont légué les pères fondateurs de l’Etat- Nation, dont le Président SENGHOR.

La violence, pour être éradiquée dans notre société, doit nous amener (Etat, familles et toutes les autres parties prenantes) à nous réapproprier les notions de civisme et de citoyenneté. L’éducation à la citoyenneté est un ensemble de connaissances, d’aptitudes qui permettent à l’individu de reconnaitre les valeurs requises pour la vie commune et d’effectuer des choix et d’agir dans ce respect ; en somme, elle vise à sensibiliser aux valeurs requises pour la vie commune dans la société. La citoyenneté garantit le droit du citoyen, mais aussi fondamentalement son devoir vis-à-vis de la société, pour respecter les termes du contrat social.

La citoyenneté n’exprime que la condition du citoyen, tandis que le civisme exprime la condition du citoyen conscient de ses devoirs. Ceci nous amène à dire sans contredit, que ce qui s’est passé depuis les évènements du mois de mars dernier et les autres évènements évoqués supra, qu’il y a un manque notoire d’éducation civique dans les écoles, du primaire au secondaire, voire dans l’enseignement supérieur. L’éducation civique n’est pas une exclusivité de l’Etat ; la famille qui est la cellule de base de la société a un rôle prépondérant à jouer, sans compter la société civile et les média, comme ce fut le cas pour ces derniers, dans les années 70/80.

Le Président SENGHOR disait, je cite : « le civisme, c’est le patriotisme agissant, c’est la volonté consciente qui pousse chaque citoyen à vivre son patriotisme, à le traduire en actes, qui donne le sentiment de ne pas vivre pour soi, mais en société, ce qui implique : l’observation stricte des lois et règlements, le travail bien fait dans la discipline librement consentie, mieux encore dans la solidarité nationale, qui pousse chaque citoyen à faire plus que son devoir,  vaincre l’égoïsme personnel, à apprendre l’honnêteté, le dévouement ».

Le Président SENGHOR a tellement raison, et était en avance sur son temps, et sur ses contemporains. En effet, le civisme du mot latin CIVIS, désigne le respect et le dévouement du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit, ainsi que le respect de ses conventions et de ses lois. Cet ensemble de règles écrites et non écrites, de normes sociales vise la régulation de la vie en société et facilite la vie en groupe. L’on ne peut pas parler de civisme sans parler de civilité qui est davantage une manière d’être qui combine respect, politesse et courtoisie à l’égard de l’autre. La racine latine des deux mots est la même : CIVIS, qui à l’origine qualifiait l’ensemble des personnes dormant sous le même toit.

Malheureusement, nous sommes aujourd’hui à l’ère des réseaux sociaux où tout semble permis. Dans l’anonymat, l’on peut se cacher derrière son clavier et détruire sans raison, la vie de paisibles citoyens. Plus grave encore, certains sapent l’unité nationale par le biais de l’ethnicisme, du régionalisme, de la religion et n’hésitent plus à s’attaquer aux chefs des confréries religieuses. L’écrivain italien UMBERTO ECO, disait peu avant sa mort, je cite : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, auparavant, ne faisaient que discuter au bar après un verre de vin, sans causer de tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles ».

A ceux-là de chez nous, ils doivent savoir raison garder, ils doivent être rappelés à l’ordre ou être neutralisés. Nous n’avons pas intérêt à prêter le flanc, face aux menaces et périls qui nous entourent, comme l’extrémisme religieux, le banditisme transfrontalier, sans compter les perspectives en ressources naturelles, qui donnent de l’appétit à beaucoup de vautours, qui rodent déjà sûrement dans les environs.

Cependant, il ne faut pas occulter la crise multidimensionnelle que nous vivons, comme dans beaucoup d’autres pays. Certes, il y a des difficultés économiques qui peuvent être génératrices de la crise sociale latente dans le pays. Et, il y a assurément certains qui remuent le couteau dans la plaie de cette crise pour exacerber la tension. L’Etat est conscient de ses responsabilités face à ces crises, et il fait tout pour les résoudre ; notamment les crises consécutives à la pandémie de COVID 19, avec le plan de résilience mis en place.

En vérité, nous assistons à une crise « civilisationnelle » par la perte des valeurs cultuelles et culturelles que nous ont transmises nos aïeux. Est-ce la fin d’un cycle et l’ouverture d’un autre ?

In fine, en attendant d’y voir clair par rapport à ces mutations, devons-nous repenser notre façon d’un commun vouloir de vivre en commun ? Réadapter la démocratie telle que nous la vivons jusqu’ici, à nos propres réalités et valeurs ! Devons-nous revenir à la démocratie, telle que enseignée et appliquée en son temps par THIERNO SOULEYMANE BAAL ?

En tout état de cause, nous devons réintégrer le civisme et la citoyenneté dans nos habitudes, dans notre vie de tous les jours. Pour ce faire, la mise en place d’un Haut Conseil du Civisme et de la Citoyenneté, par les pouvoirs publics serait souhaitable ; à défaut, des membres de la société civile peuvent créer un Observatoire du Civisme et de la Citoyenneté. A défaut de remettre les choses à l’endroit, nous risquons d’assister à la dislocation de notre société et à la rupture du contrat social. Ce qui s’est passé en mars dernier ne doit plus se reproduire, les évènements qui ont suivi doivent cesser. Le monde nous observe, les investisseurs qui fondent beaucoup d’espoirs sur nos potentialités peuvent être hésitants. Aucun investisseur ne mettra son argent, dans un environnement instable, peu sûr.

                                                                                                  Pr. Serigne Ousmane BEYE

                                                                                           Secrétaire national chargé des études

                                                                                           Et de la prospective du parti socialiste

                                                                                 Président de la commission scientifique du parti

Section: 
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