Publié le 6 Apr 2023 - 21:37
AFFAIRE DES 45 MILLIARDS MEDD

Des agents se plaignent de la non-utilisation des équipements déjà réceptionnés

 

Parqués au ministère de l’Environnement depuis plusieurs mois, les équipements acquis dans le cadre du fameux contrat de 45 milliards F CFA n’ont toujours pas été distribués aux différents services du département dont certains sont dans le dénuement total. Pour les Parcs et Eaux et forêts, on espérait parader avec lors du défilé du 4 Avril, mais les espoirs ont été déçus.

 

Pour les corps militaires et paramilitaires, la fête de l’indépendance constitue une belle occasion de se montrer sous ses plus beaux apparats. Le 4 Avril dernier, certains agents des parcs et eaux et forêts espéraient enfin pouvoir poser devant les écrans avec les nouveaux équipements achetés depuis des mois par l’État du Sénégal à travers le ministère de l’Environnement, dans ce qu’il est convenu d’appeler l’’’affaire des 45 milliards F CFA d’armement’’. Hélas ! Ils n’ont toujours pas reçu les dotations. Et le sujet ne cesse d’alimenter les débats dans les couloirs et autres bureaux du ministère.

‘’Des centaines de voitures sont parquées dans le ministère depuis juillet 2022. Chaque mois, il y a des équipements qui arrivent. Les gens se demandent si les pièces ne vont pas finir par se gâter. On croyait qu’avec le défilé du 4 Avril, on allait pouvoir les utiliser, mais jusqu’à présent rien. On ne sait pas ce qui se passe, mais c’est louche’’, confie une source.  

Dans le lot de matériel roulant parqué au ministère, il y a des citernes, des camions, des bus, des pick-up, des ambulances… Pourquoi ils n’ont jusque-là pas été envoyés aux différents services ? Mystère et boule de gomme. Pendant ce temps, les services baignent toujours dans le dénuement ; les feux de brousse continuant de faire des ravages dans les différentes parties du pays. Il n’y a pas longtemps, rappelle notre interlocuteur pour s’en désoler, un violent incendie avait fait des ravages au niveau du ranch de Doli. ‘’Ce sont les riverains qui essayaient d’aider les éléments des eaux et forêts avec les moyens du bord. Vous pensez que c’est normal, au moment où des équipements de pointe sont en train de moisir dans les locaux du ministère ? Je pense que c’est inadmissible et qu’il est temps que les gens éclairent la lanterne, en leur disant pourquoi on n’arrive pas à utiliser le matériel’’.

Dans ce marché, il ne s’agit pas seulement de matériel roulant, même si c’est ce qui est visible dans le ministère susvisé. Il était aussi question de fusils d’assaut, de pistolets automatiques, de munitions, de casques lourds, de gilets pare-balles, de menottes à chaines, de dispositif fumigène à goupille…

Interpellé à l’Assemblée nationale, le ministre chargé de l’Environnement avait été laconique. Il disait : ‘’Je n’ai pas dit en commission que cela ne concerne pas mon ministère ; j’ai dit que je n’accepte pas qu’on parle tout de suite d’un scandale de 45 milliards, alors que mon budget ne fait pas 45 milliards. J’ai aussi dit, en ce qui concerne ce marché, que c’est un marché secret défense parce que concernant l’équipement, l’armement de structures des forces de défense et de sécurité. A ceux qui se demandent s’il y en a dans mon département, vous pouvez constater que je suis là avec des officiers.’’

‘’Le trafic de bois est fait par une mafia extrêmement armée’’

Dans la même veine, Alioune Ndoye justifiait de tels achats en ces termes : ‘’Le trafic de bois est fait par une mafia extrêmement armée, extrêmement déterminée qui, malgré la présence de nos FDS, continue de décimer nos forêts dans certains endroits. Nous sommes en train de lutter farouchement contre ce fléau.’’

L’affaire avait éclaté dans le deuxième semestre de 2022, grâce à des révélations faites par l’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Elle avait suscité l’indignation chez beaucoup de Sénégalais à cause surtout des méthodes empruntées pour passer le contrat avec un sulfureux marchand d’armes nigérien du nom d’Aboubakar Hima alias ‘’Petit Boubé’’. ‘’Au début de cette année, informait le Consortium de journalistes d’investigation basé en Israël, une agence de l'État sénégalais avait signé un contrat pour l'achat de fusils d'assaut, de pistolets semi-automatiques, de munitions et d'autres armes d'une valeur de 77 millions de dollars auprès d'une entreprise locale peu connue qui n'avait été créée que quelques mois plus tôt... L'agence qui a acheté les armes n'était pas l'armée, mais le ministère de l'Environnement. Pourtant, le contrat n'a jamais fait l'objet d'un appel d'offres et, une fois signé, il est resté secret, soi-disant en raison de la loi sénégalaise sur la sécurité de la défense’’.

Outre le Nigérien Petit Boubé, étaient également cités des professionnels israéliens dont certains sont présentés comme proches du  président Macky Sall.

Revenant sur la personnalité de Hima, les journalistes relevaient que de l’argent qui lui appartenait avait été saisi dans le cadre de ventes illicites d’armes par des autorités américaines et sud-africaines ; qu’il serait en outre recherché au Nigeria pour son rôle présumé dans la conclusion de marchés d’armes frauduleux.

Alors que l’opinion n’a pas fini de réclamer les comptes dans ce dossier qui sent le scandale, des agents du ministère de l’Environnement, eux, s’interrogent sur la non-utilisation du matériel déjà livré, le niveau d’exécution du contrat de 45 milliards, le reste du matériel à recevoir, entre autres. Les plus ébahis vont même jusqu’à se demander si les voitures dont des pick-up, des 4x4 et des bus ne sont pas réservées pour une utilisation future inconnue pour l’instant.

MOR AMAR

 

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