Publié le 1 Dec 2022 - 16:48

 

La quantité de semences et celle du matériel agricole sont insuffisantes. Pis, les politiciens-businessmans accaparent le peu d’intrants et de tracteurs qui existent au détriment des cultivateurs. La révélation a été faite par un grand nombre de députés, hier, à l’Assemblée nationale, lors du vote du budget du ministère de l'Agriculture, de l'Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire.

 

Malgré la bonne pluviométrie, une faiblesse des rendements agricoles est attendue cette année. Quelle qu’en soit la cause, il y a des problèmes qu’il importe de régler en amont. Ils tournent autour des semences, des engrais et du matériel agricole. Hier, les députés se sont penchés sur cette question. Le ministre de l'Agriculture, de l'Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire, Aly Ngouille Ndiaye, défendait devant la représentation nationale le projet du budget de son ministère arrêté à 268 408 533 578 F CFA en autorisations d’engagement et à 187 630 633 780 F CFA en crédits de paiement.

‘’Beaucoup d’agriculteurs ne reçoivent pas les semences et les engrais. Et ceux qui parviennent à en avoir ne les obtiennent que très tardivement’’, a déploré Sokhna Ba qui doute également de la qualité des semences distribuées. ‘’Il faut veiller à ce que les semences arrivent à bonne destination. Parce que d’autres gens les reçoivent au détriment des agriculteurs pour les revendre sur le marché. Il faut que les semences soient bonnes’’, a renchéri Rokhaya Diouf. ''Ce sont des politiciens qui s’approprient ces semences et du matériel agricole’’, a indiqué Cheikh Alioune Mbaye, tout en déplorant les retards notés dans la délivrance.

En effet, beaucoup de maires ont des quotas, selon Astou Ndiaye. À cet effet, les députés ont sollicité l'évaluation de la distribution des intrants dans le secteur agricole. Sur ce, ils ont demandé leur mise en place à temps utile pour les acteurs, c'est-à-dire au profit des ayants droit que sont les agriculteurs, l'implication des élus locaux dans la distribution des intrants et plus d'équité territoriale concernant la mise à disposition du matériel et des semences. 

En outre, ils ont décrié les transferts d'argent effectués par certains opérateurs en lieu et place des semences et le coût élevé des intrants.

Ils ont ensuite plaidé la hausse de la subvention de l'État, l'augmentation des quantités de semences certifiées. Ils ont aussi défendu l’application des mesures en collaboration avec les Industries chimiques du Sénégal (ICS) en vue de baisser le prix de l'engrais. Toujours concernant l'engrais, les mandataires ont estimé que les phosphates de Ndendory devraient produire de l'engrais granulé qui, selon eux, est meilleur et surtout moins cher que l'engrais NKP des ICS.

Par ailleurs, les députés ont plaidé pour le développement de la culture et des engrais bio, la protection de la zone des Niayes menacée par l'exploitation du zircon et des sables lourds, mais aussi par l'urbanisation. Il en est de même du renforcement du Projet d'appui à la sécurité alimentaire dans les régions de Louga, Matam et Kaffrine (Pasa Lou-Ma-Kaf) et la culture du blé, afin de réduire les importations de ce produit, ont-ils ajouté.

‘’Ce sont des politiciens qui s’approprient ces semences et du matériel agricole’’

Le ministre de l'Agriculture, de l'Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire a apporté des éclairages sur certains points. S'agissant de la problématique des semences, notamment pour la culture de l'arachide, Aly Ngouille Ndiaye a rappelé la mise en place de 82 590 tonnes de semences, dont 57 932 tonnes certifiées pour la campagne agricole 2022-2025 pour une subvention d'un montant de 14,412 milliards F CFA. Poursuivant sur les normes retenues concernant les semences, il a précisé que sur les 120 000 tonnes, le tiers doit être constitué de semences certifiées et qu'au regard des quantités déployées, le Sénégal est à plus de 2/3. Pour terminer sur les semences, le ministre a déclaré que des efforts considérables ont également été consentis pour le maïs, le riz, ainsi que pour les autres espèces diverses.

Toutefois, il a estimé qu'il faudra davantage s'assurer de la qualité des semences utilisées par les producteurs. Sur la problématique de la distribution des semences et des engrais, le ministre est du même avis que les députés, sur la nécessité de s'assurer que ces intrants soient distribués aux ayants droit et à temps.

Sur ce, il a convié les députés, les maires, etc., à œuvrer ensemble pour cela, avant d'indiquer que des mesures sont en train d'être prises pour éviter notamment la distribution de sommes d'argent en lieu et place des intrants.

Au sujet de l'engrais subventionné, Aly Ngouille Ndiaye a soutenu que plus de 155 000 tonnes ont été distribuées pour un montant 47 milliards F CFA et des initiatives sont en train d'être mises en œuvre pour le développement de l'engrais bio, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne le prix de l'engrais, malgré la production des Industries chimiques du Sénégal (ICS), Aly Ngouille Ndiaye a relevé que parmi les trois principales composantes de l'engrais que sont le nitrate, la potasse et le phosphore (NPK), les ICS n'en détiennent qu'une seule, à savoir le phosphore. Néanmoins, l'usine a fourni des efforts considérables pour satisfaire la commande de son département en engrais à un prix moins cher, a-t-il précisé.

Concernant le recours à l'engrais offert par l'Office chérifien des phosphates (OCP), il a soutenu qu'il s'agit d'une initiative tendant à renforcer la sécurité alimentaire et que cet engrais est destiné aux producteurs de la vallée du fleuve Sénégal et du bassin de l'Anambé.

53 milliards F CFA prévus pour l'année 2023, pour le matériel agricole

Le matériel agricole a beaucoup intéressé les députés qui ont insisté sur ce point. À ce sujet, ils ont souligné la faiblesse des quantités distribuées, avant de demander davantage de petits équipements, de décortiqueuses, de moissonneuses-batteuses, notamment en Casamance pour la culture du riz, de motoculteurs et de tracteurs surtout pour les localités de Mbour, Foundiougne, Louga, Kédougou, Tivaouane, Darou Mousty, Kolda et Pout où est implanté l'usine Sismar.

Toutefois, au sujet de l'acquisition des tracteurs, certains députés ont tenu à rappeler que les demandes sont reçues par les autorités administratives territoriales (préfets et sous-préfets), avant la notification à l'intéressé par le gouverneur. Dans le même ordre d'idées, ils ont souhaité des chambres froides et des magasins de stockage pour la conservation des produits horticoles, afin de diminuer les pertes post-récoltes, le renforcement de la production de l'oignon dans la zone de Notto, Tassette et Keur Moussa, du manioc et du niébé, ainsi que la promotion de l'horticulture à Kolda, grâce au fleuve Casamance.

‘’Macky Sall a révolutionné l’agriculture. Il a mis sur pied un programme pour équiper le monde rural. Et il a mis le système solaire mixte depuis longtemps’’, s’est félicité Cheikh Seck.

Pour sa part, le ministre a infirmé, en ce qui concerne la conservation des produits agricoles et horticoles, notamment l'oignon et la pomme de terre, de l'existence d'un certain nombre d'initiatives aussi bien au sein de son ministère que de la part d'acteurs privés pour disposer d'entrepôts en nombre. À ce propos, il a estimé que des concertations doivent être engagées, afin de trouver la meilleure formule pour l'installation de chambres froides ou autres magasins de stockage sur toute l'étendue du territoire national. Ce qui constituera, selon lui, un moyen de réguler le marché en fonction des besoins.

Sur la même lancée, Aly Ngouille Ndiaye a informé du démarrage imminent d'un programme y relatif en vue de mettre en place, dans un premier temps, 20 chambres froides et 100 magasins de stockage.

Relativement au matériel agricole, le ministre a d'abord tenu à souligner les efforts importants réalisés par le gouvernement dans la mise en place de ce matériel. À cet effet, il a révélé qu'entre 2012 et 2022, 77 212 unités de matériel attelé, 8 845 motorisés, 64 moissonneuses-batteuses et 200 motoculteurs ont été distribués pour un montant global supérieur à 66 milliards F CFA. En outre, 53 milliards F CFA sont prévus pour l'année 2023 pour le matériel agricole, dans le cadre d'un nouveau programme d'équipement et réalisation d'entrepôts.

L’huile d'arachide

Dans la même veine, l'évaluation de la loi d'orientation agro-sylvo-pastorale et des politiques agricoles a été préconisée, au regard des nombreux investissements exécutés par l'État dans le secteur. Les députés ont, en plus, suggéré le recensement agricole.

À ce sujet, Aly Ngouille Ndiaye a soutenu qu’il est encore sur le terrain, avec ses services, auprès des différents acteurs pour s’enquérir de la situation, afin de prendre des mesures appropriées. De plus, l’accaparement des terres a été fortement dénoncé. ‘’Toutes les terres cultivables sont en train d’être transformées en logements’’, regrette Sanou Dione.

Guy Marius Sagna et Cie ont souhaité la réforme du cadastre rural pour l'immatriculation des terres, en vue de faciliter le développement de l'agriculture, la promotion des fermes familiales et villageoises, ainsi que du consommer local, notamment en ce qui concerne l'huile.

Sur ce point, le député Oumar Youm a répliqué : ‘’En écoutant certains députés, c’est comme si on est dans une jungle. Ils doivent savoir qu’on a un État et qu'il y a une loi. On ne peut pas accaparer des terres comme ça. Il y a la loi domaniale.’’

‘’Si on veut atteindre la souveraineté alimentaire, il faut accepter l’agrobusiness’’, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne la campagne 2022-2023, les députés sont revenus sur la filière arachidière pour souhaiter une subvention plus soutenue de l'engrais, des mesures pour accompagner la Sonacos dans la commercialisation en vue de renforcer la production de l'huile et éviter le bradage de la production.

Ils ont aussi interpellé le ministre sur le prix au kilogramme pour la présente campagne, avant de demander une gestion rigoureuse et orthodoxe pour la Sonacos.

S'agissant de l'huile d'arachide et de la possibilité de ramener son prix à 1 200 F CFA le litre, Aly Ngouille Ndiaye s'est montré sceptique, car, selon lui, il faut triturer au moins trois kilogrammes d'arachide à un prix de 250 F CFA le kilo pour en obtenir un litre d'huile.

Il a informé d’ailleurs qu'il travaille sur un programme pour le développement de la production de l'huile de palme dans toute la région naturelle de la Casamance, qui serait commercialisée à moindre coût dans tout le Sénégal, avant de rappeler la disponibilité de l'huile Niani sur le marché.

BABACAR SY SEYE

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