Le déséquilibre persiste

L’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) a publié les résultats de l’enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) portant sur l’année 2024. Cette publication fournit une photographie précise du marché de l’emploi formel au Sénégal, en mettant en lumière des évolutions notables en termes d’effectifs, de structures socioprofessionnelles, de rémunérations et de répartition selon le sexe.
En 2024, le secteur des entreprises formelles (hors Administration publique) comptait 335 653 salariés contre 337 751 un an plus tôt, soit une baisse de 0,6 %. Cette contraction est principalement due à une décrue significative des effectifs dans le secteur industriel, notamment dans les activités de fabrication, qui enregistrent un recul de 8,3 %.
En revanche, les secteurs de la construction (+12,4 %), du commerce (+2,5 %) et des services (+0,4 %) affichent des progressions. L’emploi permanent domine largement dans le secteur formel : 78,3 % des salariés y sont des permanents. Toutes les branches d’activité présentent une majorité d’emplois permanents, bien que certaines recourent davantage à la main-d’œuvre saisonnière. C’est le cas notamment des activités de soutien de bureau (44,0 % de saisonniers), de l’enseignement (42,3 %), des industries extractives (37,0 %) et de la construction (30,5 %).
Parmi les salariés permanents, les ouvriers représentent la part la plus importante (48,4 %), suivis des techniciens, agents de maîtrise et ouvriers qualifiés (36,8 %). Les techniciens supérieurs et cadres moyens (7,5 %) ainsi que les cadres supérieurs (7,3 %) restent minoritaires. Les répartitions varient selon les secteurs. Dans la construction, les ouvriers représentent 67,9 % des salariés. Dans le commerce, ils sont 47,2 %. Le secteur des services est plus hétérogène : les ouvriers dominent dans les activités de soutien (77,9 %), l’immobilier (63,4 %), les arts et loisirs (54,9 %), l’hébergement-restauration (54,6 %) et les services sociaux (41,7 %). En revanche, les cadres supérieurs sont majoritaires dans l’information et la communication (39,1 %), tandis que les techniciens et agents de maîtrise dominent les secteurs financiers (62,6 %) et du transport (40,7 %).
Répartition hommes-femmes
Les hommes représentent 74,2 % des salariés permanents. Cette prépondérance se retrouve dans presque tous les secteurs, à l’exception notable de certains domaines de services où la proportion de femmes est élevée : santé et action sociale (47,6 %), services financiers et d’assurance (45,0 %), et activités scientifiques et techniques (43,3 %). La masse salariale du secteur formel a atteint 1 540,4 milliards F CFA en 2024 contre 1 440,5 milliards F CFA en 2023, soit une augmentation de 6,9 %. Cette hausse est tirée par les secteurs suivants : construction (+27,8 %), industrie (+11,2 %), commerce (+6,6 %) et services (+2,0 %). Malgré cette progression générale, certaines branches de services connaissent une baisse des rémunérations : immobilier (-11,8 %), santé (-3,5 %) et services financiers (-3,3 %).
Les salariés permanents captent la majeure partie (92 %) de cette masse salariale, bien que dans certains secteurs, une part significative soit versée aux saisonniers : enseignement (31,1 %), construction (25,1 %) et soutien de bureau (25,0 %). Des inégalités notables apparaissent dans la répartition de la masse salariale entre les catégories socioprofessionnelles.
Ainsi, 42,7 % de la rémunération totale est perçue par seulement 14,8 % des salariés. Les cadres supérieurs (7,3 % des permanents) perçoivent 26,7 % de la masse salariale, tandis que les techniciens supérieurs (7,5 %) en perçoivent 15,9 %. À l’inverse, les ouvriers (48,4 % des effectifs) ne perçoivent que 21,8 % de la masse salariale, et les techniciens et agents de maîtrise (36,8 %) en reçoivent 35,5 %.
Ces écarts sont encore plus visibles lorsqu’on analyse les différents secteurs d’activité. En effet, dans l’industrie, les techniciens/agents de maîtrise représentent 39,2 %, les ouvriers 28,6 %, les techniciens supérieurs 16,4 % et les cadres supérieurs (15,8 %). Dans la construction, les ouvriers représentent 32,5 %, les cadres supérieurs 24,6 %, les techniciens et agents de maîtrise 27,0 %, les techniciens supérieurs 15,9 %. Dans le commerce, les cadres supérieurs sont à 34,8 %, les techniciens/agents de maîtrise à 28,0 %, les ouvriers à 22,2 % et les techniciens supérieurs à 15,0 %.
Enfin dans les services, les techniciens/agents de maîtrise représentent 36,0 %, les cadres supérieurs 32,2 %, les techniciens supérieurs 15,9 % et les ouvriers (15,8 %). Les hommes perçoivent 72,7 % de la masse salariale versée aux salariés permanents. Toutefois, certaines activités offrent une meilleure répartition au profit des femmes dont celles scientifiques et techniques (46,6 %), immobilières (44,1 %), de l’enseignement (43,3 %) et de la finance/assurance (39,9 %).
Enfin, la durée hebdomadaire moyenne travaillée par salarié est passée de 41,4 heures en 2023 à 41,3 heures en 2024, soit une baisse de 0,1 %. Cette réduction est attribuable à la diminution du temps de travail dans les services (-1,7 %) et dans l’industrie (-0,6 %). En somme, l’année 2024 se caractérise par une stabilité relative du marché de l’emploi formel au Sénégal, avec des dynamiques contrastées selon les secteurs. Si les effectifs sont globalement en légère baisse, les niveaux de rémunération augmentent et la structure de l’emploi reste dominée par les ouvriers. La question des inégalités de rémunération, tant socioprofessionnelles que genrées, demeure centrale dans l’analyse du tissu économique formel.