Publié le 23 Aug 2019 - 02:12
BULLETIN UNIQUE, PARRAINAGE, ELECTION MAIRE

Les pansements de la société civile au processus électoral

 

Bulletin unique, suffrage universel direct des maires, maintien, mais réforme du parrainage… Voilà quelques recommandations fortes de la société civile, suite à l’élection présidentielle de 2019.

 

Le Cosce et l’Ong 3D ont présenté au public, hier, les conclusions de leurs travaux sur le parrainage électoral, le bulletin unique, le mode d’élection des maires, entre autres. Sur le principe, les membres de la société civile sont sans équivoque, quant à la nécessité de maintenir le système de parrainage intégral. N’en déplaise à certains acteurs comme Doudou Wade qui estime qu’on ne peut mettre dans le même sac les partis politiques et les candidats indépendants.

Le professeur Ngouda Fall, présentant les travaux relatifs au parrainage, déclare : ‘’Du point de vue politique, le parrainage intégral apparait comme nécessaire. Il permet de crédibiliser les candidatures, en évitant la floraison de candidats fantaisistes. Nous militons pour son maintien.’’

Pour Doudou Wade, c’est ‘’négativer’’ les partis politiques que de vouloir les mettre sur le même pied que les indépendants. La Constitution de 2016, rappelle-t-il, a voulu donner un certain nombre de missions nouvelles aux partis politiques : œuvrer pour la formation de la citoyenneté, faire participer les citoyens à la vie nationale, œuvrer à ce qu’ils participent à la gestion publique. ‘’Vous voulez maintenant, dans le cadre des élections, faire en sorte que ces partis, qui ont ces trois missions fondamentales, soient logés à la même enseigne que quelqu’un qui viendrait, par exemple des Etats-Unis, après avoir séjourné là-bas pendant 15 ans ? Le problème politique, pour moi, c’est le fait des partis politiques. La religion, c’est pour les imams et les évêques, le football pour les footballeurs. C’est donc une injustice, à mon avis, de mettre tout le monde dans le même sac’’.

Nonobstant ce vieux débat sur l’opportunité ou non du parrainage intégral, les acteurs de la société civile ont relevé un certain nombre de couacs dans le système de parrainage tel que mis en œuvre à la dernière élection. Aussi bien au niveau de la collecte que dans le contrôle. Comment réussir à mettre en œuvre le parrainage dans les élections locales qui auront lieu dans 45 départements et 557 communes ? Les rédacteurs du rapport demandent une  démultiplication des systèmes de contrôle. Ils recommandent aussi, dans le cadre de ces élections, la réforme du cadre juridique et institutionnel, l’autorisation aux électeurs de parrainer plus de deux listes, la fixation du nombre de signatures dans chaque commune après la consolidation du fichier, la mise en place d’un dispositif permanent de contrôle et de validation en présence de la Cena et des représentants des listes de candidatures, entre autres. Mieux, les rapporteurs demandent même le relèvement du taux de parrainage aux locales qu’ils jugent très faible. Ce qui a provoqué l’ire du professeur Amsatou Sow Sidibé.

Pour ce qui est des recommandations générales, les organisations de la société civile réclament la création d’une plateforme centralisée de réception pour la collecte et la transmission, en temps réel, de signatures, l’institution d’une haute autorité chargée de vérifier les contrôles, la création d’organes décentralisés de contrôle (Cdcvp) pour éviter l’engorgement, l’unification du contrôle à travers la création d’une commission nationale de contrôle et de vérification des parrainages (Cncvp)…

Suffrage universel direct

Par ailleurs, les spécialistes de la société civile ont aussi fait des propositions sur le mode d’élection des maires et le bulletin unique. A leurs yeux, en l’état actuel des choses, les communautés, au niveau local, n’ont aucune mainmise sur le choix de ceux qui les gouvernent. Raison pour laquelle ils appellent de tous leurs vœux l’institution du suffrage universel direct.

‘’L’élection du maire dans le système actuel, disent-ils, favorise les marchandages. Pour nous, c’est un véritable problème’’. Dans le recueil, ils proposent même l’élaboration de la disposition suivante : ‘’Est directement élu maire le candidat occupant le premier rang de la liste majoritaire ayant obtenu le plus de suffrages valablement exprimés. Il sera imprimé, sur chaque bulletin de vote, la photo de ce candidat tête de liste.’’ Plusieurs acteurs politiques, dont Aymérou Gningue de la majorité, interpellés dans le document, se sont montrés favorables.

En ce qui concerne le bulletin unique, ils soulignent que leur simulation a permis de se rendre compte que s’il avait été là, en 2017, cela aurait permis à l’Etat d’économiser environ 4 milliards de francs Cfa.

Contournement de la loi sur le parrainage

En outre, les experts ont mis à nu les différentes pratiques mises en œuvre par les partis politiques, à la dernière présidentielle, pour contourner la loi sur le parrainage. Trois techniques de contournement de la loi sont à retenir, de l’avis du professeur Ngouda Fall. Il s’agit de la technique de l’assèchement des signatures consistant à demander à ses soutiens plus de signatures que nécessaires, de sorte que le vivier de potentiels signataires soit asséché pour les autres. Ensuite, il y a la technique de la pression qui invite les électeurs à ne pas parrainer certaines listes. Et, enfin, la technique du coup de pouce qui vise à favoriser la présentation d’un candidat, en lui octroyant notamment un surplus de signatures.

Les acteurs de la société civile se sont également beaucoup appesantis sur le contrôle, non pour critiquer le travail du Conseil constitutionnel, mais pour mettre en exergue les insuffisances de la loi qui sert de base de contrôle.

En guise de réponse, la professeure Amsatou Sow Sidibé a, pour sa part, estimé que le parrainage est une catastrophe. Elle se fonde sur les trois techniques de contournement invoquées par les experts de la société civile pour étayer son propos. Pour elle, le parrainage ne doit pas être pris à la légère, car il a même tué des candidats. Elle insiste : ‘’Le parrainage a eu un lien direct avec la santé des acteurs politiques. Certains sont tombés gravement malades, depuis les élections. Il y en a même qui ont perdu la vie’’, crie-t-elle, plongeant la salle dans l’hilarité.

MOR AMAR

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