Publié le 20 Oct 2018 - 00:58
CELEBRATION 150 ANS GHANDI

Khadi, le tissu qui ‘‘chassa’’ l’empire britannique d’Inde

 

L’ambassadeur de l’Inde au Sénégal et le recteur de l’Ucad ont expliqué, hier, lors d’une exposition sur le tissu indien khadi, comment ce matériau a mis fin à la domination économique de la Grande-Bretagne sur l’Inde britannique.

 

Comment un simple tissu indien, le khadi, est parvenu à renverser un empire colonial sur lequel le soleil ne se couchait jamais ? Pour répondre à cette question, c’est le professeur d’histoire, Ibrahima Thioub, Recteur de l’université, qui a expliqué les modalités par lesquelles Ghandi, au rouet, a utilisé ce matériau fait main pour faire prendre conscience à la grande masse appauvrie de l’Inde britannique qu’elle contribuait elle-même à perpétuer la domination coloniale, si elle ne s’appropriait pas le khadi. Ce tissu a, en effet, contribué à mettre fin au système de domination de l’économie textile de la Grande-Bretagne sur l’Inde.

‘‘Le khadi, c’est ce mouvement parti d’un tissu que Ghandi a encouragé dans sa lutte d’indépendance pour que les Indiens comptent sur eux-mêmes, en produisant leur tissu, avec l’expertise, la technologie locale. (…) La colonie visait à disqualifier les productions locales, les institutions sociales locales, les technologies locales et les cultures autochtones. Dans le mouvement de Ghandi, il s’est agi de revaloriser tous ces éléments de l’autochtonie, de la localité de la maitrise de soi, de faire que le centre de gravité de son histoire soit en Inde, et cela doit nous inspirer tous’’, a-t-il déclaré hier.

L’ambassade de l’Inde à Dakar, qui est sur une série d’évènements pour commémorer les 150 ans du père de l’indépendance, le Mahatma Ghandi, a organisé, hier, une exposition sur l’histoire de ce tissu à la Bibliothèque universitaire (Bu) de l’Université Cheikh Anta Diop. Ces festivités ont commencé le 2 octobre dernier et se poursuivront jusqu’au 2 octobre 2020.

D’après les explications de l’ambassadeur indien, le colonialisme britannique était fondé sur le fait que la Grande-Bretagne vendait à l’Inde les produits manufacturés coûteux (principalement les vêtements), basés sur les importations de matières premières bon marché de provenance indienne.

Ainsi, l’empire de Sa Majesté avait un énorme excédent commercial et des termes de l'échange extrêmement défavorables à l’Inde qui entraînaient la fuite continue des richesses, la désindustrialisation et la paupérisation dans cette colonie. L’Inde était obligée de commercer uniquement avec la Grande-Bretagne qui captait près de 90 % de ses échanges. Avec l'énorme déficit commercial, les ressources et la richesse disparaissaient rapidement et les Indiens devenaient de plus en plus dépendants de l’agriculture et, donc, de plus en plus appauvris.

Modèles de domination

Un modèle similaire a été de rigueur au Sénégal, alors sous domination française. ‘‘On nous a fait abandonner nos cultures céréalières pour nous imposer du riz asiatique, du Vietnam notamment, qui était également sous domination française. Ceci, alors que la Casamance a une très vieille civilisation du riz dont les ressortissants ont même enseigné la technique à la Caroline, d’où l’appellation de cette variété. Pendant ce temps, la colonisation veillait à nous faire consommer le riz qui venait d’Indochine. Tout cela pour que nos populations locales arrêtent la culture du riz pour se consacrer à l’arachide’’, a déploré le recteur de l’Ucad.

L’arachide n’a pas été le seul élément de dérèglement du tissu socio-économique, puisque le textile a aussi accompli sa part dans la domination économique.

Le professeur Thioub d’expliquer que des mesures arbitraires ont permis à la Métropole de se soutenir économiquement, alors que l’Europe était en pleine crise des années 30. Un procédé similaire a été de mise pour les tissus. ‘‘Il a fallu aussi consommer les produits de l’industrie textile française. Il se trouve que cette industrie était très arriérée, très primitive, qui ne pouvait pas compétir sur le marché mondial. La colonisation a alors enfermé le marché africain, car les territoires africains qui étaient sous domination coloniale ont entrepris une loi de 1933 qui a protégé le marché du textile en Afrique pour l’industrie de la France en Alsace. On a mis une taxe sur le colonisé sénégalais concernant toutes les importations textiles qui venaient dans les colonies, pour favoriser le textile français. Ce modèle du coton en Inde a été le même avec l’arachide au Sénégal’’, s’est expliqué le recteur.

Rajeev Kumar : ‘‘Le khadi, c’est plus qu’un tissu’’

Dans le cadre de son mouvement prônant la non-violence, le Mahatma Gandhi, qui a compris ce caractère d’exploitation de la domination coloniale britannique, a prôné la consommation locale comme arme et comme solution. Il s’en est suivi l’industrialisation locale de l'économie indienne associée au boycott des produits manufacturés britanniques, afin de détruire le noyau de l'exploitation coloniale. D’ailleurs, le rouet qui servait à filer le coton du khadi en est venu à symboliser la révolution du Mahatma Ghandi. Ce qui fera dire à l’ambassadeur indien à Dakar, Rajeev Kumar, que le khadi est plus qu’un tissu. ‘‘Le khadi signifie trouver une solution à votre propre problème. Il signifie donc industrialisation locale, production locale, dignité du travail, créer des emplois locaux, commerce équitable, commerce équilibré, indépendance totale, autosuffisance. C’est une idée, pas seulement un vêtement. Avec le khadi, Mahatma Gandhi a beaucoup dit’’, a avancé Rajeev Kumar.

Quant au Pr. Thioub, il a déploré qu’au-delà de cette domination économique, c’est l’aliénation culturelle, la décérébration des colonies. On a fait croire, dans les colonies, à ne plus croire en eux-mêmes, d’avoir honte de consommer local, de s’habiller local, de porter des chaussures de Ngaye Mékhé. Et de survaloriser les produits importés, même s’ils portent la marque de la domination. C’est d’autant plus grave que c’est un modèle de développement très destructeur des hommes et très destructeur de la nature.

Dans le programme du Pse, il est également question de créer ces chaînes intermédiaires, en transformant le tissu industriel local. L’objectif est d’éviter l’exportation des matières premières vers les pays industrialisés (phosphate, arachide) qui, en retour, revendent les produits manufacturés six ou sept fois plus chers (engrais, huile…). L’exemple de khadi pourrait bien les inspirer.

OUSMANE LAYE DIOP

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