Publié le 11 Mar 2019 - 17:11

Ces grands chantiers de Macky II (suite & fin)

 

Sur le plan économique, il reste beaucoup à faire. Pour une reprise réelle de l’activité économique, c’est le chômage des jeunes qui doit être réduit à sa plus simple expression, et non l’opposition qui, comme on le sait, est un rouage essentiel de la démocratie. Maintenant, la promesse électoraliste et démagogique du candidat Macky Sall de créer un million (1 000 000) de nouveaux emplois pour le quinquennat à venir, ne lie que ceux qui veulent bien la croire. Quand on n’a pas pu honorer son engagement de pourvoir la moitié de ce chiffre, c’est-à-dire, cinq-cents mille (500 000) emplois pour le quinquennat écoulé, c’est qu’on prend les Sénégalais pour des demeurés. 

D’autre part, à défaut de maintenir la tendance haussière du taux de croissance économique, il faut assurer sa stabilisation à un niveau de 6% en moyenne par an, en inversant la courbe, de sorte que la croissance ne soit plus tirée que par le capital étranger, très présent dans les secteurs tertiaire et quaternaire, mais par les secteurs primaire et secondaire. Le mal dans cette histoire c’est que tous les bénéfices et dividendes tirés de cette croissance positive mais extravertie, sont rapatriés chez eux par les investisseurs étrangers, raison pour laquelle il n’y a pas de ressenti dans le panier de Dièg la ménagère sénégalaise et dans la poche de Goorgoorlu. Les efforts pour le maintien de l’inflation à des proportions soutenables et les performances des politiques publiques devraient être maintenus.

L’accès des populations indigènes, réellement entrepreneurs agricoles, à la terre de leurs ancêtres, pour la mettre en valeur, devrait être facilité par l’Etat pour pallier les nombreux conflits sur le foncier. Le toilettage du Code des investissements, à l’effet d’attirer les promoteurs privés pour l’implantation d’unités industrielles et de PME/PMI, est de nature à booster un secteur secondaire encore embryonnaire au Sénégal. Afin d’éviter que tous les grands marchés soient captés par le puissant capital étranger, ce qui laisse en rade le secteur privé national, des accords de joint-venture devraient faire partie des clauses contractuelles exigées par l’Etat.

La préservation de nos ressources halieutiques repose sur la signature d’accords de pêche qui respectent les principes d’inviolabilité de notre espace maritime national bradé tous les jours par ces bateaux-usine prédateurs, la nécessité de respecter les pauses et repos biologiques, ainsi que la protection des espèces menacées et en voie de disparition. Il est important de trouver des mécanismes de subvention de l’agriculture qui emploie plus de 60% de la population, en accord avec les bailleurs de fonds (Banque Mondiale, FMI) qui sont allergiques à toute forme de subvention de l’Etat.

C’est une condition sine qua none pour booster le secteur agricole et lui donner la possibilité d’être compétitif au plan international et de tirer la croissance. Pour compléter le tableau, il est utile d’expérimenter, de mettre en œuvre et de développer d’autres systèmes alternatifs à la pluie, comme le goutte-à-goutte, les pluies artificielles ou pluies provoquées, la généralisation des serres, les cultures d’irrigation, le maraîchage et l’exploitation des bassins de rétention pour faire de l’agriculture en permanence, au lieu de se contenter de la saison des pluies, limitée dans le temps, avec un ciel qui ouvre ses vannes de façon très aléatoire, avec des pluies épisodiques, sporadiques et inégalement réparties dans le temps et dans l’espace. La rente pétrolière doit profiter au peuple sénégalais pour ne pas vivre « la malédiction du pétrole ». La viabilisation du Pôle urbain de Diamniadio est à l’ordre du jour, pour en faire une véritable cité d’affaires pour décongestionner Dakar et son concentré politico-administratif  du quartier du Plateau qui, de ce pas, vont bénéficier d’un véritable bol d’oxygène.

Nostalgiques du sifflement du train, les populations riveraines des rails, attendent avec impatience la réhabilitation du chemin de fer qui aura l’avantage de revitaliser les villes et villages traversés par la voie ferrée et de booster de nouveau l’économie locale de ces patelins devenus moribonds depuis la mise à mort du train voyageur sur instruction des institutions de Bretton-Woods (FMI, Banque Mondiale). Les nominations aux hautes fonctions de l’Etat et aux postes de Direction générale des établissements publics devraient faire l’objet d’appels à candidatures transparents. Le cumul des fonctions, dont un certain Mamadou Racine Sy, est l’incarnation personnifiée et le symbole le plus achevé, doit être banni des mœurs républicaines afin de briser les situations de monopole, d’accaparement et de concentration de pouvoirs et de privilèges.

Même si le président Macky Sall a beaucoup investi sur le social, les besoins sont encore là, prégnants et toujours aussi pressants. En appoint aux Bourses de sécurité familiale et à la Couverture Médicale Universelle, la Loi d’orientation sociale et la Carte d’égalité des chances au profit des personnes vivant avec un handicap, la promotion de l’habitat social, les subventions de l’eau, de l’électricité mais aussi des transports publics (Dakar Dem Dikk, Petit Train de Banlieue) contribueront pour beaucoup à bonifier les politiques sociales de l’Etat. La poursuite du Programme d’Urgence de Développement Communautaire (PUDC), qui a fait ses preuves dans le cadre de la réduction de la pauvreté et de l’accès des populations démunies vivant dans les zones rurales aux biens de besoins primaires, est indispensable. 

Les travailleurs qui ont loyalement servi la nation sénégalaise pendant leur période d’activité, doivent être restaurés dans leur dignité et leur action reconnue. A cet égard, il y a lieu de réparer les injustices qu’ils ont subies, en rétablissant dans leurs droits les ex-travailleurs du secteur du nettoiement (ex-SOADIP, ex-SIAS, ex-VEOLIA), des cheminots de l’ex-Régie des Chemins de Fer du Sénégal et de Dakar-Bamako Ferroviaire, mais aussi et de toutes les autres entités dont les employés ont encore des dossiers d’indemnisation en souffrance. Mais puisque l’Etat ne peut pas tout faire en même temps, des accords devraient être trouvés avec les intéressés pour établir un calendrier de décaissement qui ne grève pas dangereusement les finances publiques déjà exsangues. Il en va de la justice sociale et de la préservation des grands équilibres macro-économiques, afin que le Sénégal reste encore debout, solvable et viable, mais aussi le pays où la justice sociale n’est pas un vain mot.

Cela étant, le président Macky Sall a un grand intérêt à préparer « l’après-Macky Sall » à l’APR, si jamais il décidait, à la fin de son second et dernier mandat de président de la république, de quitter aussi la présidence de l’APR, en adoubant un de ses lieutenants et d’en faire son poulain pour l’élection présidentielle de 2024. L’absence d’un véritable numéro deux actuellement à l’APR donne à réfléchir. La même recherche d’un successeur est valable au niveau de Benno Bokk Yaakaar, si cette coalition arrive à survivre au départ de son président. Entretemps, Macky Sall doit taper du poing sur la table pour discipliner ses troupes de l’APR, cette « armée mexicaine » si dissipée et qui constitue une balafre sur le visage de la république. Le chef de l’Etat est également interpellé pour mettre fin aux pratiques de patrimonialisation de l’Etat qui se traduisent par l’omniprésence et les immixtions intempestives de la famille du chef de l’Etat dans les affaires de la république. 

Les saillies de l’Etat/APR ont aussi transformé le palais présidentiel en une officine du parti au pouvoir qui y a tenu, jusqu’à une date récente, ses réunions du Secrétariat Exécutif National (SEN) ou des rencontres entre des délégations de militants de l’APR et le président Macky Sall, qui finissent toujours en queue de poisson et dans la grande confusion en raison des batailles rangées autour du partage (du butin ?) de l’argent offert par le président Macky Sall. Maintenant que l’APR a étrenné son nouveau siège national, ses conclaves doivent élire domicile dans ce nouvel écrin construit en moins d’un an, qui a coûté la rondelette somme de 1 milliards de francs CFA et qui a servi de quartier général à la coalition Benno Bokk Yaakaar pendant cette présidentielle de 2019. Toutefois, Macky Sall doit faire attention et se garder d’être tenté par le diable au point de songer à briguer un troisième mandat anticonstitutionnel. Ce serait vendanger tous ses acquis et compromettre ses chances d’entrer dans l’histoire du Sénégal, pour un président né après les indépendances, qui a accédé à la magistrature suprême, quatre années seulement après la création de son parti politique, qui a été réélu avec 58,27% des suffrages et qui devrait cumuler deux mandats consécutifs à l’âge de 63 ans seulement.

Une grosse marge de manœuvre pour se payer le luxe d’observer un « quinquennat sabbatique » et, pourquoi pas, revenir pour se présenter à nouveau comme candidat à l’élection présidentielle de 2029. Des anciens présidents de la République qui sont revenus démocratiquement au pouvoir, c’est monnaie courante en Afrique. Il y a les « jurisprudences » Amadou Toumani Touré (ATT) au Mali et Mouhamed Buhari au Nigéria. En effet, après le coup d’Etat sur le président Moussa Traoré auquel il a participé, le président Amadou Toumani Touré a gouverné le Mali entre 1991 et 1992, en prenant la présidence du Comité de Transition pour le Salut du Peuple, assurant ainsi les fonctions de chef de l’État pendant la transition démocratique. Puis, ATT, élu président de la  république du Mali, a dirigé ce pays entre 2002 et 2012, après  « l’intermède » Alpha Oumar Konaré (1992-2002). Après le coup d’Etat sur le président Shehu Shagari, Mouhamed Buhari a gouverné le Nigéria entre 1983 et 1985, puis est revenu démocratiquement au pouvoir depuis 2015.

Auparavant, il y a eu « les intermèdes » Ibrahim Babanguida, Ernest Shonekan, Sani Abacha, Abdulsalami Abubakar, Olusegun Obasanjo, Umaru Yar’Adua et Goodluck Jonathan entre 1985-2015. Ainsi, Macky Sall doit se persuader qu’il y a bien une vie après le pouvoir, et parfois, aussi radieuse qu’honorable. Après avoir épuisé ses deux mandats de président de la République du Mali, Alpha Oumar Konaré a été élu président de la Commission de l’Union Africaine, puis membre du Haut Conseil de la francophonie. À tout juste 72 ans aujourd’hui, Jerry Rawlings, ancien président du Ghana, reste une personnalité qui compte dans le paysage politique ghanéen et en Afrique de l’Ouest. Si l’ancien chef de l’État ghanéen s’exprime moins souvent dans les médias, chacune de ses interventions est très attendue. Même chose pour son successeur, John Kufuor, qui a été le président de la République du Ghana de 2001 à 2009.

Depuis décembre 2013, il occupe le poste d'envoyé spécial sur le changement climatique et parcourt le monde. Après son départ du pouvoir au Sénégal en 2000, le président Abdou Diouf n’a pas chômé, pour avoir occupé le poste de secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie de 2003 à 2015. Quant au président Abdoulaye Wade, il aurait pu connaître une vie après le pouvoir tout aussi prestigieuse s’il n’était pas empêtré dans une guerre sans merci pour tirer son fils, Karim Wade, des griffes d’un certain Macky Sall. Pour le cas de Nelson Mandela, élu à l'âge de 77 ans, il a gouverné l’Afrique du Sud de 1994 à 1997, après 27 ans de prison.

« Madiba » était le plus vieux président, et n'était pas candidat à un second mandat en 1999. Il s’était mis en retrait de la vie politique, laissant la présidence de la République Sud-Africaine au président Thabo Mbeki. Sa retraite n'était cependant pas inactive. Icône internationale, adulé et respecté de par le monde, Nelson Mandela, invité et honoré partout dans le monde, participait à de nombreuses œuvres caritatives et prenait position sur de nombreux sujets liés à l'actualité nationale et internationale. Le président Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo (RDC), qui a bouclé le nombre de mandats autorisé par la Constitution de son pays, et qui a cédé le pouvoir au nouvel élu, le président Félix Tshisekedi, est dans la même situation. Encore très jeune à 41 ans aujourd’hui, Joseph Kabila a tout le temps de « se reposer » pour, après, revenir démocratiquement au pouvoir dans son pays.

Prônant « une gestion saine et vertueuse », le président Macky Sall gagnerait à dégraisser le mammouth de la présidence de la république en ramenant à de plus justes proportions les ressources budgétaires qui lui sont votées tous les ans par l’Assemblée nationale. Et subséquemment, sortir de la présidence de la république la plupart des agences qui y sont logées et qui ajoutent à sa macrocéphalie, ce qui contribuerait à réduire le train de vie de l’Etat déjà très dispendieux et que la pléthore de ministres d’Etat, ministres-conseillers, conseillers spéciaux, conseillers techniques et chargés de mission ne fait qu’enfler.

Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

 

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