Publié le 9 Dec 2024 - 21:11
CHORÉGRAPHIE - ALGORITHM OCEAN TRUE BLOOD MOVES

Un regard sur l'histoire

 

L’ancien palais de Justice a accueilli, samedi dernier, la dernière expression artistique de la Biennale de Dakar. En effet, Algorithm Ocean true Blood Moves a été une  expérience sensorielle inoubliable. À travers une danse puissante et émotive, cette prestation a  créé une atmosphère où le rythme, la musique et la liberté se sont rencontrés pour une performance qui semble aller au-delà de l’ordinaire. Un véritable chef-d'œuvre pour rendre hommage à l'histoire.

 

Les premiers battements du tam-tam captent l'attention. Les sonorités, vibrantes et profondes, se sont intégrées parfaitement aux mouvements des danseurs qui semblent guidés par l’énergie de chaque vibration. Vêtue de blanc, le batteur porte une couronne symbolique, formée de cornes, accentuant l’aspect naturel et spirituel de cette prestation. Cette touche visuelle, délicatement liée à la nature, crée un contraste frappant avec la majesté du lieu.  La danse, exécutée avec une étonnante fluidité, suit le rythme de la musique. Chaque geste, chaque mouvement semble être une réponse à la pulsation des tambours, un dialogue entre l’humain et le son. Il y a quelque chose de profondément africain dans l’exécution des gestes, qui résonnent dans les cœurs du public. Le son des tambours, avec sa force rythmique, fait écho au battement des cœurs, l'un ne pouvant exister sans l'autre. Cette symbiose captive et élève l’esprit, créant une énergie collective palpable.

Il semblerait qu'il n'y ait pas eu de hasard.  La chorégraphe et artiste de l’image Ana Pi explique : ‘’On essaie de trouver des repères liés à notre histoire, à notre généalogie et à notre héritage.On se rend compte de plus en plus qu’avec les réseaux sociaux et toutes les images qui circulent, qu'on est plus proche les uns des autres qu'on ne le pense et que les faits et gestes ont voyagé.’’

Pour Ana Pi,  le corps est ce grand vaisseau capable d'emmagasiner de la mémoire. Elle indique que cette danse se cache derrière le groove. "Le groove est un endroit profondément africain qui s'est télétransporté partout sur cette planète.  Le message est que le groove nous aide à ne pas nous casser. Si on est rigide, on peut se casser. Or, si on groove, on ne se casse pas et c'est de la résistance".

La performance n’était pas seulement une question d’esthétique, mais une invitation à s’immerger dans une expérience collective, où chaque spectateur ressentait la liberté de s'abandonner à l'instant. "Au-delà de la résistance, c'est une danse de liberté, de prière, une danse de  guérison", a souligné Ana. Un spectacle qui a touché des endroits et tous les maux.

Le bleu et le blanc, pour se souvenir des personnes dans les eaux

Au fil du spectacle, les danseurs, vêtus de blanc, se sont déplacés avec une grâce qui contraste parfaitement avec la puissance de la musique. Leur fluidité et leur souplesse rend chaque mouvement captivant, presque hypnotisant. L'ajout d'une touche de bleu sur le blanc  est subtil, mais significatif. L'artiste visuel et poète franco-caribéen, Julien Creuzet, nous a expliqué l'essence de ces couleurs : "Il y a du blanc et du bleu comme le ciel et l'océan. Comme l'océan qui est nécessaire et qui permet aux  personnes afrodiasporiques  d'exister (...).  On a été à Gorée  symboliquement". Il a soutenu qu’il est important pour une personne afrodiasporique de  recomprendre et de remonter le temps, mais aussi de comprendre le futur. C'est donc bel et bien une question d'identité.

Mais c'est aussi une symbolique. Le bleu, souvent associé à la profondeur, à l'infini et à la tranquillité, s’est allié au blanc, couleur de la pureté et de l’unité. Ce contraste suggère une forme de dualité, entre le monde visible et invisible, entre ce qui est perçu et ce qui se cache derrière la réalité.

Pour Julien, il y a un héritage transgénérationnel. "Souviens-toi de ceux qui sont restés au fond de l'eau". Cette recommandation a été renforcée par une vidéo, ‘’Sonjéo’’, dans laquelle on voit une statue exécuter des pas de danse en se métamorphosant. Un passage qui a également marqué les esprits présents à ce spectacle. "’Sonjéo’, veut dire rappelle-toi d'eux. Souviens-toi de tous ceux qui sont dans la mer". Il nous confie que d'après une légende, il est dit  qu'au moment où les statues ont quitté leur lieu d'origine et qu'elles sont devenues des œuvres d'art dans les musées, elles ont perdu leurs fonctions sociales et donc elles sont mortes. En conséquence, il y a des objets dont on ne connait plus les usages. On peut y voir une revendication, un hommage aux personnes mortes dans l'eau, peut-être en essayant de braver le froid de la mer à la recherche d'un avenir incertain,  mais aussi une solution pour ne pas finir brisé et meurtri en exécutant le groove.

Thécia P.NYOMBA EKOMIE

Section: 
JOURNÉE MONDIALE DU THÉÂTRE Arcot retrace l’histoire de Nder et célèbre la dignité féminine
FESTIVAL STLOUIS’DOCS 2025 Plus de 50 films de 24 pays seront à l’honneur
‘’FRANCOPHONIE SUR AK SEN NDOGOU’’ : Les arts en scène, pour l’éducation
Mouvement Naby Allah
EXPOSITION EDUC’ART : La Casamance expose et l’environnement s’impose
CONTE SUR SCÈNE : ‘’Génies’’ en spectacle à Dakar
‘’HÉRITAGES VIVANTS’’ AU MONUMENT DE LA RENAISSANCE : Cuba, Colombie et Venezuela affirment leur africanité
GRAND PRIX DE L'ÉDITION AFRICAINE 2024 : Les éditions Jimsaan doublement consacrées à Paris 
CHRONIQUE - RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL AU SÉNÉGAL : Un enjeu crucial pour le développement socioéconomique
LE GALA INTERNATIONAL DU COURT MÉTRAGE À NANTES : Un pont pour le cinéma sénégalais
NABOU CISSÉ, AUTEUR DU LIVRE "LES AILES DE FATIMA" : ‘’J’ai à mon actif plus d’une vingtaine de romans et recueils de poèmes non encore édités’’
Prix Cultura Afrique Francophone
Hommage au rappeur Youssoupha
FILM ‘’MERCATO’’ : L’avis d’agents de joueurs sénégalais
CONCERTATIONS RÉGIONALES POUR LA RÉFORME DU SERVICE PUBLIC : Thiès entame sa mue
DMX - MUSIQUES ACTUELLES : Le triomphe du ‘’jazz griots’’
La Fepaci rend hommage à feu Souleymane Cissé
Prix découverts RFI 2025
CINEFEMFEST, ‘’GËSTU NATAAL I JIGEEN’’ : Restitution des œuvres féminines et hommage à Safi Faye
LISTE DES MÉDIAS : "Injustement" exclu de la liste, Dakaractu décide de s'exiler