Publié le 30 May 2025 - 14:06
GACIRAH DIAGNE, PRÉSIDENTE ASSOCIATION KAAY FECC, DIRECTRICE ARTISTIQUE FESTIVAL KAAY FECC

“Le secteur de la danse a besoin d'un changement concret, d’un nouveau départ”

 

Après une pause imposée par la pandémie et les tensions politiques, le festival Kaay Fecc revient, du 29 au 31 mai, pour sa 13e édition placée sous le signe du renouveau. Intitulée ‘’Yessal’’, cette édition entend marquer une nouvelle ère pour la danse au Sénégal et en Afrique, en valorisant les jeunes talents, les danses enracinées, la créativité contemporaine, mais aussi en interpellant les pouvoirs publics sur l’urgence de réformes concrètes. Gacirah Diagne, présidente de l’association Kaay Fecc et directrice artistique du festival, partage ici sa vision et ses attentes pour un secteur qu’elle appelle à refonder sur des bases solides et inclusives.

 

Cette 13e édition a pour nom ‘’Yessal’’ (Renouveau). Pourquoi un tel choix ?

Le festival Kaay Fecc reprend son cours normal, après la période de calme forcée par la situation sanitaire Covid-19, qui a affecté le monde et la situation politique du Sénégal, qui a annulé sa 12e édition en 2023. Ces états de fait ont poussé à prendre du recul et à réorganiser les formats de représentation de la danse. L’édition 2021 était en majeure partie digitale. De manière plus large, une toute nouvelle génération d'artistes danseurs, de chorégraphes, de promoteurs d’événements de danse est en place. L’association Kaay Fecc est heureuse d’avoir contribué à leur développement. Nous sommes fiers de pouvoir en présenter quelques-uns durant cette édition et d’être en partenariat avec certaines jeunes structures.

Sur le plan esthétique également, on voit une volonté d’ancrer les nouvelles formes chorégraphiques dans le patrimoine, en particulier les danses traditionnelles, l’un des socles de notre identité culturelle, et de s’interroger sur les problématiques actuelles (spiritualité, immigration, genre, maux de la société, résistance, quotidien, amitié, patrimoine...).

De plus, le secteur de la danse a besoin d'un changement concret, d’un nouveau départ. Et ce sur toute la chaîne de valeurs, que ce soit la formation, la recherche, la création, la production, la diffusion. Il y a certes des avancées, le statut de l'artiste, les droits voisins, mais on attend la mise en place effective et les impacts tangibles sur la vie des artistes et des professionnels du milieu. Nous attendons également des nouvelles du Plan quinquennal de développement du secteur de la danse et du Fonds de développement de la danse élaboré en 2017 et en 2023 avec le ministère de la Culture.

Une fois mis en place, ces outils permettront d’améliorer considérablement le quotidien des acteurs, socialement et économiquement. Nous avons bon espoir qu’une nouvelle ère va s’ouvrir.

En quoi consiste le programme de cette année ?

Il consiste en des ateliers en danse tradi-contemporaine, en danse contemporaine, une matinée à destination du public scolaire, deux soirées musicales, la projection du film ‘’Jom’’ d’Ababacar Samb Makharam, suivie d’une discussion sur la danseuse Koura Thiaw, une soirée DJ et enfin de trois soirées de représentation d’une quinzaine de créations chorégraphiques, dont les chorégraphes sont originaires de Thiès, Saint-Louis, Louga, Dakar, mais aussi du Mali, de Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo. Le Battle national danse hip-hop va également accueillir des jeunes de huit régions du Sénégal. Des artisans montreront leur savoir-faire dans le cadre du village du festival que nous installons au centre culturel Blaise Senghor.  

Vous en êtes à votre 13e édition. Quel est le secret de votre relative longévité, si l'on sait que tenir ce genre d'événement nécessite certains préalables ?

La persévérance, la résilience et la patience de tous les membres de l’organisation du festival. Une foi inébranlable en la capacité du secteur de la danse à contribuer au développement du Sénégal.

Vous recevez un appui des autorités culturelles notamment ?

Les autorités culturelles ont toujours été à nos côtés. Depuis le début, elles soutiennent nos activités à des degrés divers. Même si l’autonomie fait partie de nos objectifs principaux, nous en sommes encore loin. Nos actions ont un caractère social qui doit être soutenu avant de pouvoir faire du ‘‘profit’’. Le secteur continue de se construire.

Votre opinion sur la danse sénégalaise, africaine. Comment se porte-t-elle ?

La danse sénégalaise, africaine se porte bien, car les acteurs sont créatifs, dynamiques et résilients. Elle est en train de conquérir le monde. Le sabar, la danse afrobeat se dansent sur tous les continents maintenant. Mais localement, la danse risque de s’essouffler si les conditions d’épanouissement, dont un financement plus spécifique, ne se mettent pas en place rapidement. Nous continuons à ‘’perdre de la matière grise’’, beaucoup de danseurs et de chorégraphes talentueux - de danses traditionnelles, contemporaines ou urbaines - finissent par s’exiler, découragés. Heureusement, certains font le pont entre l’Afrique et leur nouveau lieu de résidence avec des projets constructifs.

Par ailleurs, nous avons des ‘’bibliothèques’’ qui vont finir par brûler sans avoir pu transmettre leur savoir, si on ne les met pas plus en valeur. La transmission est une étape cruciale. Au-delà du divertissement, le danseur et le chorégraphe doivent s’interroger au préalable sur la portée de leurs créations, qu’elle soit artistique, sociale, économique ou politique, tout en gardant ou en recréant l’essence de nos racines dans la danse qu’ils choisissent de faire ou toute nouvelle forme de danse.

Mali, Côte d'Ivoire, RDC, Sénégal ; des pays francophones. C'est un choix ou le hasard ?

Le choix des compagnies se fait en fonction de plusieurs facteurs : la qualité des créations proposées d’abord, les coûts de production et de mobilité, ensuite. Par le passé, nous avons eu des compagnies originaires d’autres espaces linguistiques (lusophone, anglophone, germanophone, hispanophone, asiatique). Il se trouve que cette édition, les compagnies internationales sont francophones. Il se trouve aussi que beaucoup de femmes y participent. C’est l’œuvre du hasard.

Dites-nous-en un peu plus sur la rubrique Next Génération ?

Il s’agit du Battle national-Danse Hip Hop créé en 2006 après une édition 0, sous mon impulsion. Il regroupe chaque année de jeunes danseurs urbains issus des 14 régions du Sénégal. À ce jour, l’événement a débouché sur la création, l’organisation et la participation de crews sénégalais à des événements sous-régionaux et internationaux de haut niveau tels qu’Urbanation Bboy (championnat sous-régional, 8 éditions), Red Bull BC One (championnat mondial en solo), Battle of The Year (championnat mondial, en crew) et Jeux olympiques de la jeunesse (qualifications de 2017), Battle All Stars (Togo), Afro Break (Ghana), Liège City Battle (Belgique) ainsi que sur des concepts nouveaux comme le Battle Sabar et le Battle National Sabar. Il a également contribué à la révélation et à la création de leaders (Bboy Abdallah, Power Crew, Bboy Pape, entre autres). La 13e édition se tient le 31 mai et le 14 juin prochains. Après une année de pause forcée, l’événement national se tient à nouveau à Dakar. Le Breaking et le Popping sont à l’honneur durant cette édition, portés par une nouvelle génération qui prend ses marques, se déplaçant de Matam, Saint Louis, Louga, Thiès, Kaolack, Kaffrine, Tambacounda, Ziguinchor et Dakar. Elle se réunira pour le lancement d’une nouvelle ère. À quelques jours d’intervalle, une cinquantaine de jeunes Bboys et de poppers s’affronteront créativement dans le ‘’géew’’ (cercle) du centre culturel Blaise Senghor, sous le regard des ‘’anciens’’. L’enjeu Breaking des Jeux olympiques de la jeunesse Dakar 2026 est toujours là, bien présent. La discipline vient de la culture pour aller vers le sport. Elle invite au renouvellement et à l’essor d’un nouveau souffle.

Mamadou Diop

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