Publié le 31 May 2019 - 23:21
DAVID GOBE (PORTE-VOIX DES CHEMINOTS DU MONDE)

‘’J’ai pu constater le dégât du libéralisme ferroviaire au Sénégal et au Mali’’

 

Le président de la Fédération internationale des transports de la section cheminote (Itf), David Gobé a invité, avant-hier, à Thiès, tous les cheminots, toutes les populations et tous les syndicats à créer des associations pour défendre la ligne ferroviaire Dakar-Bamako ‘’mise à terre’’ par certains lobbies d’idéologie libérale.

 

‘’Les combats contre la privatisation des chemins de fer et l’automatisation des infrastructures sont au rang des luttes à mener au plan international. Une tâche immense, complexe’’, avait confié à ‘’l’Humanité’’ David Gobé, en octobre 2018, alors qu’il venait fraîchement d’être porté à la tête de la branche rail de l’Itf, par 2 000 délégués de 126 pays représentant 456 syndicats à l’issue du congrès de Singapour. 

Avant-hier, le combat pour restauration des chemins de fer qu’il entamé au plan international l’a conduit à Thiès, après l’étape de Bamako, au Mali. Ici, le Français de 45 ans a rencontré ses camarades cheminots de la société Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf) et a regretté de remarquer que la ligne qui relie les deux capitales n’existe quasiment plus, laissant derrière des cheminots complètement déboussolés. Une situation qui, selon lui, est engendrée par des lobbies qui développement l’idéologie libérale.  ‘’Durant mon séjour en terre malienne et sénégalaise, j’ai pu constater le dégât du libéralisme ferroviaire, poussé à son paroxysme, c’est-à-dire, l’anéantissement total d’une ligne de chemin de fer. Une ligne vitale pour l’économie d’un pays, vitale pour deux peuples. Une ligne qui est un patrimoine que j’espère sauver. Une ligne qui est, à la fois, symbole de vos malheurs, parce que, symbole d’un passé colonial. Mais, elle est aussi symbole de votre indépendance à travers la grève des cheminots de 1946’’, a soutenu David Gobé au terme d’une séance de travail avec les cheminots de Dakar-Bamako ferroviaire.

Ainsi, le porte-voix des cheminots du monde a rappelé l’impératif de s’unir pour la réouverture du corridor Dakar-Bamako. ‘’Cette ligne doit rouvrir entièrement et rapidement. Parce que c’est un apport social. Un apport économique. Et je pense qu’elle apportera la paix dans le Mali’’, a-t-il espéré. En revanche, comment réussir le pari de la réouverture immédiate de la ligne ferroviaire Dakar-Bamako qui est complètement à terre ? David Gobé, lui, trouve la meilleure solution dans la réhabilitation avec l’écart métrique.

‘’C’est la solution la plus rapide et la moins coûteuse. Il faut que les gens qui vivent de cette ligne retrouvent leur travail’’, déclare le cheminot, par ailleurs, secrétaire du comité d’entreprise européen de la Sncf. Poursuivant son propos devant ses pairs de Thiès, David Gobé, qui laisse entrevoir son sentiment de désolation, précise que la ligne Dakar-Bamako doit reprendre ses rotations quotidiennes, afin de permettre à des milliers de familles de retrouver leur dignité. ‘’J’ai vu des déserts complets. Des gens qui ont arrêté de travailler, parce que le train ne passe plus. Des artisans, des cultivateurs qui ne vivaient que par le train. Des gens qui sont délaissés. Quand tout a disparu, on voit ce que peut apporter le chemin de fer. Ce qu’ont vécu particulièrement les Maliens et les Sénégalais est intolérable, inacceptable. Les cheminots sont morts, les femmes n’ont pas pu aller à terme de leurs grossesses, les enfants sont déscolarisés, parce que la famille n’a plus de salaires. C’est malheureux’’, regrette profondément le patron de la section cheminote de l’Itf, rappelant qu’il est de tout cœur avec les cheminots du Sénégal et du Mali.

Le paradoxe Ter

Au Sénégal, le chemin de fer est en train de disparaître laissant la place au Train express régional (Ter) dont une partie des tronçons a été inaugurée, le 14 janvier 2019. Un projet phare du Plan Sénégal émergent (Pse) concocté par le chef de l’État, Macky Sall. Auparavant, la société en charge du transport ferroviaire disposait de 18 locomotives. Aujourd’hui, c’est 0X0 locomotives. Selon David Gobé, le fait d’investir dans le Ter ne peut résoudre certains problèmes d’ordre social dans l’immédiat, comme l’aurait fait la ligne Dakar-Bamako. ‘’S’il y a des investissements à faire une ligne à écart standard, il ne faut pas tomber dans les fantasmes, ni dans certaines folies. Installer une ligne ferroviaire à gabarit standard, ça demande des années d’étude, un temps de financement, un temps de construction et un temps d’exploitation’’, a-t-il analysé. C’est pourquoi, David Gobé dit avoir le sentiment que les Sénégalais et les Maliens ont envie de retrouver leur ligne.

Pour sa part, le secrétaire général de l’intersyndicale des travailleurs du Rail a demandé au président Sall d’agir pour la réhabilitation de Dbf. ‘’Nous l’attendons sur ce sujet. Lors de la campagne présidentielle, il avait dit qu’il allait le faire au mois d’avril. Nous sommes bientôt au mois de juin et rien n’est encore fait. Quand on parlait, les gens nous prenaient pour des fous. Aujourd’hui, c’est clair et c’est un étranger qui a fait le constat. Il appartient donc, au président Sall de réagir’’, a martelé Mame Mbaye Tounkara. Pour rappel, la relance de Dakar-Bamako ferroviaire doit coûter au minimum 20 milliards de francs Cfa aux deux États. 

GAUSTIN DIATTA (THIES)

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