Publié le 23 Dec 2014 - 13:24
DEMANDES DE MISE EN LIBERTE PROVISOIRE

Karim Wade et Mamadou Pouye en ont assez de la prison 

 

Les avocats de Mamadou Pouye et Karim Wade ont introduit hier des demandes de mise en liberté provisoire. Le parquet et les avocats de la partie civile s’y opposent. Ils seront édifiés lundi prochain.

 

Suspendu plusieurs semaines, le procès de Karim Wade a repris hier. Un seul point a été débattu : la liberté provisoire demandée par Mamadou Pouye et l’ancien ministre. Premier à prendre la parole, Me Pape Leïty Ndiaye a souligné que Mamadou Pouye a passé 20 mois en prison, alors qu’il est présumé innocent. L'avocat a ensuite fait part à la Cour de son dernier entretien avec son client qui lui a dit que sa détention est un obstacle majeur pour lui. «A Rebeuss, avant qu'il ne soit transféré ailleurs, il était avec 15 personnes dans une pièce de 20 m². 

Je pense qu'il n'est pas l'acteur pour lequel le procès est moins pénible. Pour comparaître devant la Cour, il se lève à 04 heures du matin. On le ramène avec des gardes qui sont habillés comme des ninjas, comme s'il s'agissait de Ben Laden», s’est-il plaint. Il s'y ajoute, selon Me Ndiaye, que dans la petite pièce où son client passe ses nuits, il lui est difficile de lire son dossier. Une autre raison pour lui de demander sa mise en liberté provisoire.

Cette demande a été balayée d'un revers de main par le substitut du procureur spécial. Antoine Diome a souligné que Me Ndiaye a avancé les mêmes arguments que ceux des conseils de Mamadou Pouye, le 8 septembre dernier. Pour éviter des risques de subordination avec les autres témoins devant comparaître, il a ajouté que le prévenu ne peut pas bénéficier d'une telle liberté.

Me El Hadj Diouf : «quand quelqu'un refuse de comparaître, c'est un lâche»

Même point de vue pour les avocats de la partie civile qui ont sollicité de la part d'Henri Grégoire Diop que cette requête soit rejetée. Pour Me Félix Sow, il n'est pas nécessaire de mettre en liberté provisoire Mamadou Pouye, au risque de mettre en péril la manifestation de la vérité. Me El Hadj Diouf est allé plus loin. L’avocat estime que les conseils de Pouye rendent mal service à leur client, car ce sont les mêmes questions qu’on pose aux témoins.

A son avis, cela retarde le procès. « Si on veut véritablement faire libérer son client, il faut aller à l'essentiel, plaider et laisser la Cour décider. Quelle est cette façon de procéder ? Il ne s'agit pas de clémence, sinon on n’a qu'à ouvrir toutes les prisons. Il y a des milliers de Sénégalais d'égale dignité qui attendent d'être jugés», a crié Me Diouf qui n'a pas manqué de pointer un doigt accusateur sur Bibo Bourgi. « Et son frère, il est venu ? De qui se moque-t-on ? Karim le poltron n'est pas là. Quand quelqu'un refuse de comparaître, c'est un lâche », a t-il ajouté. Le député refuse qu'on laisse Mamadou Pouye en liberté au risque qu'il prenne également la fuite.

Mamadou Pouye : « Pour avoir fait 616 jours de détention, je comprends ce que c'est la prison »

Le comportement de Me Diouf n'a naturellement pas plu au conseil de Bibo Bourgi qui a demandé au Président d'intervenir. « Maître, respectez les dispositions du code de procédure pénale », lui a enfin dit Henri Grégoire Diop. « Je ne savais pas que je ne pouvais pas attaquer un adversaire qui a fui », a répondu à son tour le député, invitant la Cour à ne pas se dédire. Pour son confrère Me Yérim Thiam, si le procès est retardé, ce n'est pas de la faute du parquet, encore moins celle de la partie civile. Mais, Me Baboucar Cissé a répliqué pour dire que la demande de mise en liberté provisoire peut se faire à tout moment de la procédure. A défaut, il a souhaité que son client soit placé sous contrôle judiciaire, étant donné qu'il s'est engagé à le respecter.

Mamadou Pouye a pris la parole en dernier pour se désoler de la façon dont les avocats de la défense minimisent les détentions provisoires. « J’ai l’impression qu’ils ne connaissent pas la prison. Ce n’est pas une histoire de pitié. Mais, j’estime qu’on doit me rendre justice », a lancé le coïnculpé de Karim Wade.

 «Aucun homme politique n’a fait autant de temps en prison»

Tout comme les avocats de Mamadou Pouye, la défense de Karim a plaidé la liberté provisoire pour le fils de l’ex-président. Me Madické Niang a lancé qu’il est temps de se poser des questions sur la situation de Karim Wade, d’autant que des personnes qui sont poursuivies pour détournement de deniers publics sont mises en liberté provisoire. Il a donné l’exemple de l’ancien directeur général du port Bara Sady. A son tour, Me Seydou Diagne a confié que leur client est maintenu en prison, alors qu’il a toutes les garanties de représentation devant la justice. « Aucun homme n’a fait autant de temps en prison. Aucun. Même pas son père qui a fait 26 ans d’opposition », a soutenu Me Diagne.

Mais le procureur spécial Cheikh Tidiane Mara n’a pas voulu l’entendre de cette oreille. Selon lui, cette demande de liberté provisoire est irrecevable et il s’y ajoute que l’inculpé risque jusqu’à dix ans de prison. Pis, selon Me Soulèye Macodou Fall de la partie civile, Karim Wade peut profiter de cette situation pour retourner auprès de ses enfants. « Si Karim Wade est mis en liberté, il va sur le champ se rendre aux côtés de ses enfants et échapper à votre Cour. Et tout le monde sait que les demandes d’extradition n’ont aucune chance d’aboutir ». Devant ce refus, Me Demba Ciré Bathily s’est demandé ‘’pourquoi Pierre Agboba est en liberté alors qu’il est de nationalité béninoise’’.

La Cour va statuer sur ces deux demandes, lundi prochain. N’empêche que le procès se poursuit aujourd’hui, avec le témoignage de Mansour Gaye, l’ancien comptable d’An Média.

REMERCIEMENTS DE BIBO BOURGI

«Si je suis là, c’est grâce à cette Cour»

Après 45 jours passés en France pour y recevoir des soins, Abou Khalil dit Bibo Bourgi a été l’attraction de la Cour hier, lors de la reprise du procès Karim Wade. Dès l’ouverture de l’audience, tous les yeux se sont rivés sur lui. D’un air calme, à l’aise dans sa veste de couleur noire, Bibo a commencé par remercier Henri Grégoire Diop et ses assesseurs.

«Il est de mon devoir de remercier la Cour qui a donné un avis favorable à ma demande.  Si je suis là, c'est grâce à cette Cour.  Mon état de santé s'est dégradé, mais, je suis arrivé à temps avant que l'irréparable ne se produise.  Je suis un homme de parole, c'est pourquoi, je suis là. Les médecins me l’ont déconseillé, parce que mon état de santé est précaire», a-t-il déclaré.

Après la formulation de ces remerciements, le Président de la CREI lui a fait savoir qu’il était dispensé de comparution, jusqu’à ce qu’on fasse appel à lui. Mais, par la voix de son conseil Me  Corinne Dreyfus-Schmidt, Bibo a tenu à rester encore quelques moments dans la salle. Une heure plus tard, il a quitté la salle d’audience, accompagné de son avocate.

NDEYE AWA BEYE

 

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