Publié le 16 Dec 2020 - 21:26
DEMOCRATIE EN AFRIQUE

Aminata Touré dit non au troisième mandat

 

 
Le National Démocratic Institute (NDI) organise, depuis hier, et pour trois jours, un panel virtuel sur la limitation des mandats en Afrique. Aminata Touré, ex-Ministre de la Justice, l’une des pénalistes de ce débat, a donné l’exemple du Sénégal. D’après Mme Touré, notre pays a, à travers Macky Sall, réglé depuis très longtemps la question du 3e mandat, avec le référendum de mars 2016.
 
 
L’ex-présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a participé, hier, à un débat virtuel portant sur l’’’Initiative sur la limitation des mandats constitutionnels en Afrique’’.  Ce, dans un contexte où le Sénégal est dans le doute sur un éventuel troisième mandat de son président Macky Sall. En outre, des pays de la sous-région, comme la Côte d’Ivoire et la Guinée, ont été fortement secoués, dernièrement, par cette question.
 
Selon l’ancienne ministre de la Justice, la question du 3e mandat a été, depuis fort longtemps, réglée par le Sénégal. Aminata Touré en veut pour preuve la modification de la Constitution, à travers un référendum le 20 mars 2016. A cette occasion, rappelle-t-elle, le Sénégal a modifié sa Constitution limitant les mandats présidentiels à deux consécutifs et précisant en son article 1er : ‘’La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.’’ 
 
Mieux, d’après l’ex-Premier ministre ‘’le président Macky Sall, réélu le 24 février 2019, a affirmé à de nombreuses reprises qu’il effectuerait son second et dernier mandat, notamment le 31 décembre 2018. Donc, au Sénégal, la question est derrière nous, comme je l’ai déjà dit à diverses occasions’’.
 
Aminata Touré est toutefois convaincu que la limitation des mandats n’est pas une question d’élites, mais plutôt sociétale. Elle évoque, à ce propos, la mobilisation citoyenne de 2012, lorsque le président Abdoulaye Wade voulait briguer un troisième mandat. D’après Mme Touré, à l’époque, ce sont les électeurs qui ont réglé la question, malgré l’accord du Conseil constitutionnel. ‘’Le rôle de la société civile et des mouvements citoyens est de continuer à travailler à l’éveil des citoyens, notamment les jeunes et les femmes, et d’aider à leur organisation, en utilisant les langues nationales de préférence. L’accès à l’information et le développement de capacités d’auto-organisation de la jeunesse en dehors des chapelles partisanes, sont un enjeu majeur pour le renforcement de la démocratie. En définitive, ce sont les citoyens qui sont les acteurs majeurs du changement ou du statu quo’’, laisse-t-elle entendre. Avant d’inviter la société civile à persévérer dans son rôle de régulation politique, en restant engagée dans le plaidoyer et le dialogue avec les autorités étatiques et tous les acteurs de la vie économique et sociale, pour faire respecter les constitutions et sauvegarder les acquis démocratiques.
 
Niger, Mauritanie, Liberia, Sierra Leone, Cap-Vert : les exemples à suivre
 
D’après l’ex-présidente du Cese, une étude d’Afrobarometer a révélé qu’environ 75 % des citoyens africains sont pour la limitation des mandats présidentiels. En outre, renseigne-t-elle, sur les 55 États membres de l’Union africaine, 35 pays disposent de la clause de limitation de mandats. Aminata Touré estime d’ailleurs qu’il y a de nombreux exemples à saluer et à encourager, en ce sens, en Afrique de l’Ouest. Elle liste ainsi le Niger, la Mauritanie, le Liberia, la Sierra Leone, le Cap-Vert… ‘’Depuis 1990, il faut noter que 21 leaders ont sagement quitté le pouvoir dans 14 pays africains, grâce à la disposition de la limitation de mandats. Ce qui prouve qu’il peut y avoir une vie paisible après la présidence. La limitation des mandats est un moyen important de faciliter l’alternance au pouvoir sur le continent. Son respect est aussi, de nos jours, un moyen de quitter le pouvoir avec les honneurs’’, rassure Aminata Touré.
 
La militante de l’Alliance pour la République n’a pas cependant manqué de lister les avantages liés au respect de la limitation des mandats. Ce qui permet, dit-elle, des transitions politiques à des intervalles réguliers et prévisibles. Ce qui permet aussi d’éviter de recourir à des moyens détournés pour renverser le système, à travers des manifestations violentes par les partis et les candidats rivaux.
 
Toujours aux yeux d’Aminata Touré, la limitation des mandats permet aussi de renouveler le leadership. Elle encourage la montée d’une autre génération de dirigeants politiques, l’apport de sang neuf et la possibilité de changements de politiques.
 
Seulement, d’après l’ancienne Premier ministre, le non-respect de ce principe démocratique entraine, en revanche, ‘’la tentation de la manipulation des élections, l’affaiblissement de l’autorité des autres pouvoirs de l’Etat et la marginalisation d’adversaires politiques qui, en cas de limitation de mandats, seraient plus enclin à honorer leurs prédécesseurs’’. Il s’y ajoute également les fortes tensions sociales avec des répercussions économiques et sociales graves, alors que pour consolider les progrès du développement, souligne Mme Touré, l’Afrique a grandement besoin de paix et de stabilité sociale pérennes.
 
Il s’y ajoute le risque de voir les forces de sécurité intervenir dans le jeu politique, en cas de forte tension qui paralyserait le pays, alors que, pense-t-elle, l’Afrique doit définitivement en finir avec les coups d’Etat.
 
HABIBATOU TRAORE

 

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