Un nœud gordien
La santé est un droit inaliénable pour tout individu. Au centre hospitalier régional Heinrich Lübke de Diourbel, la prise en charge des urgences médicales est loin d’être satisfaisante. Des usagers jugent inacceptables les conditions d’accueil. La prise en charge des cas de traumatisme dus aux accidents est rendue difficile par les lacunes du personnel soignant. D’où les évacuations qui demeurent un casse-tête pour les malades et leurs accompagnants. On réclame la mise en place d’un fonds régional des urgences.
Au centre hospitalier régional Heinrich Lübke de Diourbel, le service d’urgence ne l’est plus que de nom, comparé aux années passées. En effet, il a fallu que le Conseil départemental de Diourbel, qui a la tutelle de cet établissement de santé, prenne les choses en main. Ce faisant, 90 millions F CFA ont été injectés pour la construction du service d’accueil et d’urgence, en plus de l’extension de la centrale à oxygène. Ce qui fait que les malades sont pris en charge 24 heures sur 24, avec des ambulances médicalisées. Le seul hic est que le malade débourse de l’argent pour son évacuation. Cette dernière ne se fait pas seulement sur Dakar, mais elle peut aussi, renseigne une blouse blanche, se faire vers ‘’des hôpitaux qui se trouvent à Touba ou à Thiès’’.
Pour soulager les malades et leurs parents, le chef du Service régional de l’action sociale demande la mise en place d’un fonds régional des urgences. À ce propos, Mbaye Dione propose : ‘’Il faut recourir aux travailleurs sociaux, pour qu’ils puissent contribuer à la prise en charge des patients. Il faut aussi la contribution des collectivités territoriales et l’argent tiré de la responsabilité sociétale des entreprises pour mettre en place un fonds régional des urgences.’’
‘’Si tu n’as pas d’argent, on ne te regarde pas’’
Rencontrés à la devanture du centre hospitalier régional Heinrich Lübke, des malades et leurs accompagnants racontent leur calvaire. Kardiata Ba, une patiente, confie : ‘’Lorsqu’on m’a amenée à l’hôpital, malgré mon état de santé très critique, j’étais délaissée. J’étais, malgré mes douleurs, assise sur une chaise, alors que je portais une grossesse. Je suis restée des jours. On m’a demandé au début de l’argent. L’accueil n’est pas du tout bon. Si tu n’as pas d’argent, on ne te regarde pas, encore moins te soigner. Pour nous, c’est un véritable calvaire.’’
Mabara Diop, chauffeur, confirme : ‘’C’est un véritable supplice pour nous autres usagers. Nous ne sommes pas respectés, encore moins bien accueillis. Au niveau de l’hôpital, dès que tu franchis la porte, on te demande de l’argent. Pour se soigner, il faut débourser de l’argent.’’ Pour Pape Guèye, ‘’la qualité de l’accueil est l’une des plus médiocres du pays. La direction de l’hôpital devrait faire des efforts à ce niveau. D’ailleurs, pourquoi la relation entre le malade avec les soignants est avant tout pécuniaire, avant d’être médicale ? Où se trouve le respect de la charte du patient ? Qu’en est-il du serment des praticiens ?’’.
Ici, poursuivent nos interlocuteurs, ‘’on ne sait pas qui est qui, parce que l’identification pose problème’’.
La problématique de la collecte et de la disponibilité du sang
Au niveau des urgences, l’accueil est vital. Ce qui manque, c’est l’infirmier-organisateur de l’accueil. Si la prise en charge médicale est plus ou moins satisfaisante, tel n’est pas le cas pour l’accueil où des efforts colossaux doivent être faits.
D’ailleurs, le secrétaire général national du Sutsas continue de revendiquer ‘’des assises nationales des urgences’’. Mballo Dia Thiam : ‘’Il y a 15 ans, on disait que le ventre mou de la santé, c’est l’urgence et l’indigence. Ce sont des questions qui ne datent pas d’aujourd’hui. Où est la volonté financière ? Comment, avec un budget de 165 milliards, peut-on régler cette question ? Où est le BCI (budget consolidé d’investissement) ? C’est le temps d’agir. On agit peu. Il faut aller vers les états généraux des urgences.’’ Le syndicaliste d’ajouter : ‘’Le sang, c’est le premier intrant des urgences.’’
Justement, s’agissant de la disponibilité du sang, des donneurs, comme Abdou Ndiaye, s’interrogent. ‘’Le sang collecté, on le met où ? Parce que des accompagnants sont obligés de débourser de l’argent pour obtenir du sang, pour la prise en charge de leurs malades’’, peste-t-il.
Nonobstant ces impairs, dans la région de Diourbel en général et dans la ville de Touba Mosquée en particulier, la question de la prise en charge des urgences médicales peut aussi trouver une solution définitive, depuis la mise en service du Samur (service d’accueil médical et d’urgence) dans la cité religieuse. Même si, concernant les évacuations des malades, les accompagnants continuent de mettre la main à la poche. Massaër Diop confie : ‘’Il faut que tu contribues, sans cela, le malade n’est pas évacué.’’
Prise en charge des cas de traumatisme : les lacunes du personnel
L’autre gros souci, c’est la prise en charge des cas de traumatisme. Et le tableau est loin d’être reluisant. C’est parce que, confie une blouse blanche sous couvert de l’anonymat, ‘’pour pouvoir prendre en charge ces cas, il faut être, au passage, outillé. Ce qui n’est pas le cas ici. L’hôpital ne dispose pas de psychiatre ni de psychologue. Les travailleurs sociaux ne sont pas bien utilisés. Et dire que ces derniers pouvaient nous valoir beaucoup de satisfactions. Le plus souvent, lorsque nous avons ces cas de traumatisme liés à des accidents, ils sont référés vers d’autres structures sanitaires’’.
Pour ce qui est du plateau médical, cet établissement de santé de niveau 2 pousse un ouf de soulagement. Outre la contribution du conseil départemental qui en a fait une surpriorité, des partenaires comme les organisations non gouvernementales françaises, Hôpital Assistance International et Horizons Sahel, ainsi que des donateurs ont mis la main à la poche, pour permettre une amélioration substantielle du plateau médical.
Pour les besoins de ce reportage, la chargée de communication du centre hospitalier régional Heinrich Lübke de Diourbel a fait part de l’indisponibilité des responsables des services d’accueil et des traumatismes pour répondre à nos interpellations.
BOUCAR ALIOU DIALLO (DIOURBEL)