Publié le 1 Sep 2021 - 18:39
ENQUETE SUR L’EFFICACITE DES VACCINS

Révélations fracassantes autour du vaccin Sinopharm

 

Alors qu’il peine à vacciner 10 % de la population, au moment même où beaucoup de citoyens qui ont été vaccinés au mois de mars voient leur protection en chute libre, le gouvernement s’embourbe dans une stratégie vaccinale qui risque d’engloutir plusieurs milliards pour des résultats très mitigés.

 

Une chose est de vacciner en masse. Une autre est d’avoir une bonne stratégie de vaccination qui assure une protection efficiente. Sur ce second point, le Sénégal ressemble à un aveugle qui marche sur un chemin parsemé d’obstacles, sans guide. Faudrait-il des doses de rappel aux personnes déjà vaccinées ? Les moyens financiers sont-ils disponibles ? Est-ce que les vaccins utilisés protègent suffisamment ? Quelles sont les cibles ?

Pas mal de questions qui ne semblent pas trop préoccuper les gouvernants, plus prompts à magnifier des chiffres qui ne veulent pas dire grand-chose dans le fond.
 
Au détour d’une discussion sur l’efficacité des vaccins, ce médecin, fervent défenseur de la vaccination, confie : ‘’J’ai été vacciné avec le Sinopharm. Au bout de quelques mois, après avoir fait un test sérologique, j’ai constaté zéro anticorps. Je me suis revacciné, cette fois avec le Johnson & Johnson… Cette maladie est terrible. Vaut mieux être vacciné que de ne pas l’être’’, s’empresse-t-il toutefois d’ajouter.
 
Il n’empêche, ‘’EnQuête’’ a essayé d’en savoir plus sur le niveau de protection conféré par le vaccin chinois et éventuellement les autres vaccins, après plus de six mois d’inoculation. Et les rares témoignages soutirés de certains hommes de l’art suscitent pas mal d’interrogations.
 
En effet, à en croire cet autre médecin qui a été vacciné depuis le début, un test sérologique effectué dernièrement a montré une baisse drastique de son niveau de protection. ‘’Mes anticorps sont passés de 93 à 11 %’’, a-t-il précisé, non sans ajouter, lui aussi, avoir pris un autre vaccin.
 
Ces cas sont loin d’être isolés. Chez les personnels soignants, le constat s’amplifie. Dans le premier comme dans le deuxième exemple, nos interlocuteurs informent que d’autres collègues, mis au parfum, ont réalisé le test avec le même résultat. Peu ou zéro anticorps au bout de quelques mois.
 
Interpellé, un spécialiste de la virologie, qui n’a pas voulu que l’on cite son nom, explique : ‘’Il faut savoir que l’anticorps n’est pas le seul paramètre pour dire qu’une personne est protégée ou pas. On peut avoir zéro anticorps et être protégé, parce qu’il y a une réponse cellulaire. Il y a le lymphocyte B et le lymphocyte C qui mémorisent l’antigène pendant des années et des années… Ceux qui estiment qu’ils ne sont pas protégés en se basant sur le test d’anticorps prennent un raccourci. Parmi eux, il y a même peut-être des gens qui n’ont pas répondu. Cela peut arriver pour diverses raisons.’’
 
Dans tous les cas, dans beaucoup de pays où des études ont été faites, l’on se profile vers une troisième dose de rappel. Au Sénégal, le débat ne semble pas encore envisagé par les autorités sanitaires, au moment même où plusieurs témoignages concordants montrent que certains vaccins ne protègent pas du tout ou très peu, au bout d’une certaine période.
 
Selon le virologue, ce n’est pas encore une urgence au Sénégal. ‘’C’est sûr qu’il faut aller vers une troisième dose. Et c’est valable pour tous les vaccins. Pfizer est le plus efficace ; là, c’est à 66 %, d’après des études faites ailleurs. Mais dans nos pays, la bataille, c’est la deuxième dose. Parlons de ça avant de parler de la troisième. Ce qu’il faut dire aux Sénégalais, c’est que tous les vaccins sont bons. Et ils ont beaucoup aidé… Même si leur efficacité baisse au bout d’une certaine période’’.
 
Mais compte tenu des moyens de transport et de conservation, certains estiment qu’il faudrait faire des études propres pour savoir quel est le niveau d’efficacité des vaccins administrés au Sénégal. Ce, d’autant plus qu’il y a très peu d’études en ce qui concerne le Sinopharm massivement utilisé par le gouvernement sénégalais. ‘’Il n’y a pas d’études, parce que cela demande des financements. Ce dont on dispose, ce sont des études faites aux Etats-Unis, en Europe. Et le résultat qui en est ressorti, c’est que le monde va vers des troisièmes doses. Mais encore une fois, notre bataille, c’est comment faire pour que les Sénégalais se vaccinent. C’est ça notre problème’’.
 
En effet, malgré le bruit, le Sénégal peine même à vacciner ses citoyens les plus à risque : personnels soignants, personnes âgées et personnes à comorbidité. Les responsabilités sont partagées. D’une part, il y a des personnes à risque qui ne se ruent pas dans les centres de vaccination. D’autre part, il y a des problèmes de disponibilité des vaccins.
 
Un des membres du CNGE explique : ‘’La vérité est que nos gouvernements ne peuvent prendre le risque de passer des commandes très importantes, qu’ils vont peiner à injecter dans les délais. Il faut savoir que les vaccins ont une durée de vie très limitée. Il faut donc y aller avec prudence. Le problème est qu’en fonction de la gravité du moment, les gens vont se ruer vers les centres de vaccination. Quand cette phase passe, les centres sont moins fréquentés. Et le gouvernement ne veut pas faire des commandes qu’il aura du mal à administrer dans les délais.’’
 
Selon le bilan présenté hier par le directeur de la Prévention, ‘’1 159 369 personnes ont été vaccinées sur l’étendue du territoire’’, contre 1 017 569 le 7 août dernier, soit une progression de 141 800 en trois semaines, en moyenne 5 908 doses inoculées par jour. Mais le communiqué du ministère de la Santé et de l’Action sociale ne précise pas s’il s’agit de personnes complétement vaccinées ou non.
 
Par rapport à la population totale, ce chiffre officiel représente un pourcentage de 6 à 7 % de personnes vaccinées. Encore que ce sont des gens qui ne sont pas tous totalement vaccinés, soutiennent des sources. Les spécialistes sont quasi unanimes. Le rythme de vaccination est très faible…
 
Cela dit, la question de l’efficacité des vaccins divise dans tous les pays, les populations et même certains personnels soignants. Ce, d’autant plus que des personnes totalement vaccinées meurent et développent des cas graves de Covid. A ce propos, un autre médecin a confié : ‘’Ceci est vrai. Moi-même j’en connais. J’en ai eu comme patients. Mais la plupart des gens décédés de Covid, alors qu’ils étaient vaccinés, avaient pris le Sinopharm. Mais il serait trop hâtif d’en déduire que ce vaccin ne protège pas.’’
 
En début d’année, au lancement de la campagne, le ministère de la Santé et de l’Action sociale tablait dans l’urgence, pour 3,5 millions de personnes représentant la population totale des cibles prioritaires : personnels soignants, personnes âgées et personnes à comorbidité. Très vite, ce plan a été abandonné, faute d’affluence et le Sénégal a démarré, de manière prématurée, sa campagne de vaccination de masse. Même si, avec la troisième vague, la ruée des populations a vite montré que le pays ne dispose pas de stocks suffisants.
 
Avec l’hypothèse des troisièmes doses de rappel, la question qui se pose est de savoir si le Sénégal a les moyens de tenir ce rythme ? Au lancement de la campagne, le gouvernement parlait d’un coût qui se situe ‘’entre 20 et 380 milliards de francs CFA’’. Ces simulations ne tenaient pas compte de l’éventualité de troisièmes, voire quatrièmes doses de rappel.
 
MOR AMAR

 

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