Publié le 21 Nov 2019 - 19:57
FLUX FINANCIERS ILLICITES

Les autoroutes de détournements de deniers publics

 

Pour lutter contre les flux financiers illicites, le Forum civil sonne la mobilisation des acteurs de la société civile. Son coordonnateur est largement revenu sur le fameux Programme de défense des intérêts économiques et stratégiques, les corps de contrôle qui ne publient plus de rapports…

 

Un carnage financier continu ! Pendant que la population croule sous le poids de la misère, que les prix de certains produits et denrées de première nécessité ne cessent de grimper, des flux financiers importants échappent tous les jours, de manière illicite, à l’Etat et ses services. Une bonne partie de ces fonds illicites profite à des privés, mais il y a aussi des fonctionnaires qui se sucrent sur le dos des contribuables sénégalais.

C'est, en tout cas, la conviction du coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck.

A la suite d’Ousmane Sonko qui parlait récemment de décaissement de 6 milliards de francs Cfa fait à partir du Programme de défense des intérêts économiques et sécuritaires (Pdies), Birahime Seck enfonce le clou. Le plus grave, c’est que le décaissement dont parle M. Seck, a bénéficié à un haut fonctionnaire de l’Etat. Il déclare : ‘’Cinq milliards de francs Cfa lui ont été payés dans des conditions que l’on ignore. Aujourd’hui, il urge que le gouvernement fasse un audit de ce programme, qu’il nous dise pourquoi ces 5 milliards ont été versés à ce haut fonctionnaire. Nous avons besoin de savoir comment sont gérés nos deniers…’’

Même s’il ne veut pas, à ce stade, livrer le nom du bénéficiaire, il met l’Etat et la justice face à leur responsabilité. ‘’Nous sommes à la disposition de la justice, si tant est qu’elle veuille faire la lumière sur cette affaire’’, fait-il savoir.

Dans sa dernière sortie, le leader de Pastef, Ousmane Sonko, faisait un réquisitoire très sévère à propos de ce programme. Il expliquait que, dans le cadre des procédures d’expropriation, que l’Etat, souvent, passe par ce procédé pour payer les victimes. Pourquoi ? A l’en croire, c’est principalement parce qu’il n’est pas soumis aux contrôles de l’ordre administratif. ‘’Même la Cour des comptes n’effectue aucun contrôle au niveau des rubriques budgétaires au sein desquelles ces crédits sont logés’’, tranchait l’ancien inspecteur des impôts. Très en verve, il s’interrogeait en ces termes : ‘’Le compte Programme de défense des intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (Pdies) est-il logé à la présidence de la République et rattaché aux fonds secrets ? En quoi payer des indemnités toxiques, suite à des rachats de créances fictives, relève-t-il de la sécurité nationale ? Pouvez-vous nier que ces comptes ont servi à payer des dizaines de milliards aux sociétés Sofico et Cfu ?’’

Le réveil des corps de contrôle

Voilà, entre autres raisons qui entrainent des dégâts incommensurables au niveau des finances publiques, selon les experts. Le Forum civil et ses partenaires s’engagent à combattre le mal. Mais, pour ce faire, il y a des préalables que l’Etat du Sénégal devrait relever.

Tout d’abord, Birahime Seck exige des corps de contrôle qu’ils se réveillent, avant qu’il ne soit trop tard. Aujourd’hui, ils sont nombreux, les acteurs de la société civile, à pleurer l’absence des rapports de la Cour des comptes, de l’Inspection générale d’Etat, de l’Agence de régulation des marchés publics, etc. ‘’Pour mobiliser plus de ressources domestiques à travers non seulement les impôts collectés au niveau national, mais également les impôts collectés dans le cadre des conventions fiscales, il faudrait impérativement que des mesures de transparence soient prises par le gouvernement. Des mesures allant notamment dans le sens de libérer totalement ces corps de contrôle’’, souligne le coordonnateur du Forum civil.

Mais depuis quelque temps, on a comme l’impression que ces corps se sont passé le mot. C’est l’omerta totale sur la manière dont sont gérés les deniers publics des Sénégalais. Le principe de la redevabilité et de la transparence dans la gouvernance des ressources publiques est ainsi sérieusement mis à rude épreuve. Mais le problème, ce n’est pas seulement les corps de contrôle ; la justice également n’inspire plus confiance, selon Birahime Seck. Qui ajoute : ‘’Au niveau de la Dgid également, il y a un refus catégorique de publier les dépenses fiscales. Ce, depuis 2014-2015. On ne connait pas les exonérations fiscales : celles qui vont dans le sens social, celles qui ont une vocation économique, les copinages… Il y a un besoin d’information des Sénégalais et je pense que les fonctionnaires ont l’obligation d’y répondre.’’

Par ailleurs, le Forum civil est revenu sur la nécessité de mettre à la disposition des populations des conventions de certains programmes comme le Bus rapide transit. Ils interpellent l’Etat sur la durée de la convention, les sources de financement, les différentes commissions… s’il en existe comme dans les programmes Aser et Prodac.

AFFAIRE BOUGAZELLI

‘’C’est une question d’honneur pour la Gendarmerie nationale’’

Profitant de l’atelier de partage sur les flux financiers illicites, le coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, s’est aussi prononcé sur l’affaire Seydina Fall Bougazelli qui défraie la chronique. Cette question, à l’en croire, pose surtout un problème d’honneur pour la Gendarmerie nationale qui a intérêt à redorer son blason. ‘’Je pense que les plus hauts gradés de cette institution doivent réagir pour sauver l’honneur de la gendarmerie. Il n’est pas acceptable qu’une personne soit indexée dans une affaire aussi grave et qu’on le laisse se pavaner comme il veut, parler aux médias comme si de rien n’était… Il faudrait qu’on soit plus sérieux dans ce pays. La gendarmerie, le procureur et le ministre de la Justice doivent des informations aux Sénégalais’’.

Selon Birahime Seck, il faut faire haro sur les finances illicites issues notamment de la drogue, des détournements de deniers publics, du trafic de faux billets… Il en appelle à la mobilisation de tous les Sénégalais.

 ‘’Dans tous les pays, les gens sont en train de se battre pour lutter contre l’injustice. Vous avez vu ce qui s’est passé en France avec les gilets jaunes. En Iraq, les gens sont dans les rues. En Algérie, les gens sont dans les rues. Même en Chine, les citoyens sont dans les rues. Ce n’est pas un appel à l’insurrection, mais juste une mobilisation pour plus de justice et une gouvernance transparente de nos ressources. C’est le meilleur moyen de nous prémunir contre les conflits qui sévissent dans tous les pays qui nous entourent’’.

MOR AMAR

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