Publié le 10 Nov 2021 - 16:29
HISTOIRE DE LA SCÈNE CULTURELLE SÉNÉGALAISE

La place incontournable de Sorano

 

Des acteurs, notamment des doyens, évoluant dans le secteur culturel, ont animé une conférence autour de la place du théâtre Sorano en tant que lieu de création et de diffusion, mais également en tant que temple qui a abrité plusieurs éléments historiques du Sénégal.

 

‘’Théâtre Daniel Sorano dans l’histoire de la scène culturelle sénégalaise’’. C’est le thème qui a réuni le week-end dernier des ‘’doyens’’ du monde culturel sénégalais. Initialement prévue le 17 juillet dernier (date d’anniversaire du théâtre), cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la célébration des 60 ans du Ballet national, des 56 ans du théâtre comme temple et des 55 ans de la compagnie. Moult raisons de marquer bien particulièrement cette année 2021, selon l’enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Dr Ibrahima Wane, modérateur de cette table ronde.

‘’Quand on parle de mémoire, il faut transmettre aux générations, surtout à ceux qui tiennent le flambeau. Ils doivent s’inspirer de ce qui a été fait, s’approprier l’histoire pour la féconder, pour faire des choses aussi grandioses’’, dit le Dr Wane. Il poursuit en estimant qu’il n’y a pas assez de moments d’échanges dans nos pays.

De son côté, le directeur de Sorano précise que l’objectif n’est pas d’avoir les yeux rivés dans le rétroviseur. Mais il soutient qu’il y a un besoin d’adosser notre développement à un socle bien solide. ‘’Ce socle-là, il ne faudra pas le chercher ailleurs. Nous savons ce que Sorano a représenté au Sénégal. Pas seulement dans le domaine de la musique, mais sur l’échiquier politique, il y a énormément de choses qui se sont tissées et ont été pensées à partir de Sorano. La diplomatie culturelle a été au centre de tout ce qui a été fait à Sorano. Dans un passé récent, il était impensable qu'une grosse pointure vienne au Sénégal sans faire un détour à Sorano. Et tout cela a fini de structurer le fondement de notre diplomatie’’, a-t-il détaillé.

Les différents intervenants ont, en effet, rappelé ce que Sorano a représenté en tant que lieu de création et de diffusion, mais également en tant que temple.  Le journaliste Aliou Diop salue une mémoire fondamentale de la culture du Sénégal. ‘’Ce lieu symbolise une ligne majeure d’une politique culturelle. C’est-à-dire les arts voisins, car c’est un théâtre qui accueille toutes les disciplines artistiques. De 1966 à nos jours, toutes les disciplines ont fréquenté Sorano, majoritairement la musique’’, dit-il.

Puis, il est revenu sur toutes ces dates. Ainsi, il souligne qu’en 1966, Sorano a accueilli le Ballet d’Alvine Ailey. ‘’Et c’est ici que la chanteuse Myriam Makeba, devant son mari, a vu son spectacle se faire arrêter, parce qu’il faisait l’éloge de Sékou Touré. J’ai l’habitude de dire qu’elle a vécu deux moments difficiles au Sénégal parce qu’en 2004, elle est revenue, mais elle a été victime d’un malaise. C’était dans le cadre du festival de Plan International sur la déclaration de naissance. Mais en 1969, avant que le groupe Guelwaar devienne Guelwaar avec Moussa Ngom, c’était les Alligators qui se sont produits ici. Si Eagles de Ifang Bondi n’ont jamais joué à Sorano, au moins un Gambien, Laye Ngom, s’y est produit’’, a-t-il relaté.

Selon M. Diop, à l’époque, le trajet le plus culturel, c’était le triangle RTS-Sorano-Demba Diop (un triangle rectangle). ‘’Parce que les artistes faisaient leur promotion à la RTS, venaient jouer à Sorano et partaient à Demba Diop’’ (un triangle rectangle).

Le metteur en scène Seyba Traoré a également partagé ses souvenirs. ‘’C’est assez émouvant de se retrouver dans ce temple : la même sensation quand on entre dans une grande mosquée ou dans une grande cathédrale. Il y a tellement de présence, tellement de force, une énergie qui se dégage et qui doit surgir de ces murs qui ne sont pas muets’’, a-t-il magnifié.

Alioune Diop a relaté plusieurs autres éléments illustrant l’importance du Théâtre national Daniel Sorano. Cette institution fut d’une certaine dimension qui répondait aux normes d’un spectacle. Il était difficile, en Afrique, de trouver une infrastructure de cette dimension-là.

Cette activité qui s’est tenue dans le hall du site, a marqué l’inauguration de la buvette. Abdoulaye Koundoul entend faire de cet espace un lieu d’échange, mais aussi une aire où l’on peut organiser de petits spectacles. ‘’L’état de la buvette a été changé. Et on s’est engagé à donner à cet espace une autre vie. Ce n’est pas seulement pour distribuer de la nourriture. Nous avons d’autres ambitions. Cet espace-là fait partie du théâtre. A l’intérieur, nous avons la scène. Mais dans ce théâtre où l’on se trouve, on peut faire de l’animation’’, a dit le DG. ‘’Cet espace est bien approprié pour accueillir des animations de petits ensembles. Et nous avons pris cette option d’en faire l’espace de la réflexion qui doit aller booster et impulser ce secteur-là. C’est pour cela que nous avons eu un format très allégé. Il y a énormément de choses à remettre en question dans ce secteur’’, a-t-il poursuivi.

Il faut dire que le théâtre Sorano, au point de vue infrastructurel, est en pleine mutation. Les tapis de sol de la grande salle ont été changés. La climatisation refaite. Toutes les lumières sont maintenant fonctionnelles. Même la salle d’attente a changé de visage. Elle est devenue plus accueillante et même un peu cocoon.

BABACAR SY SEYE

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