Publié le 3 May 2019 - 20:17
INDUSTRIES DE TABAC

Le fisc pour hausser le prix du tabac et réduire sa consommation

 

L’application des mesures fiscales vigoureuses pour une hausse essentielle du prix du tabac reste un challenge pour les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). D’où le lancement d’un projet de recherches de données afin de ‘’mieux fonder’’ les politiques axées sur la fiscalité.

 

Considéré comme la plus grande épidémie ‘’évitable’’, le tabagisme tue plus de 7 millions de personnes chaque année, dont la majorité dans les pays à faibles revenus. Selon le Directeur exécutif du Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres), les consommateurs de tabac qui décèdent prématurément privent leur famille de revenus. Mais aussi, font augmenter les dépenses de santé et freinent le développement économique de leur pays. Le Pr Abdoulaye Diagne s’exprimait hier, lors d’un atelier.

Au Sénégal, rappelle-t-il, des études de leur centre indiquent que le coût annuel, en 2017, du tabagisme est estimé à près de ‘’122 milliards de francs CFA’’. Et que ‘’17% du budget du secteur de la santé’’ est dépensé aux traitements liés ce phénomène. ‘’Le projet de recherches lancé par le Cres, avec 4 autres centres basés au Ghana, au Nigéria, en Afrique du Sud et au Royaume Uni, vise à produire des données pour mieux fonder les politiques axées sur la fiscalité. Il y a beaucoup d’obstacles à l’application des mesures fiscales vigoureuses pour une hausse essentielle du prix du tabac qui découragerait sa consommation’’, dit-t-il.

Toutefois, le Directeur exécutif du Cres admet que derrière les industries du tabac, il y a beaucoup d’intérêts. ‘’Les coûts de production du tabac sont trop faibles. Ce qui autorise les producteurs à avoir de très grandes marges bénéficiaires. Et toutes ces ressources sont utilisées pour annihiler les efforts des gouvernements, organisations de la Société civile, visant à combattre le tabagisme. Donc, il faut lutter contre ces puissances d’argent, les influences nocives sur les politiques publiques’’, ajoute-t-il.  Sur ce, le Pr Diagne estime que les taxes sur le tabac sont le moyen le ‘’plus efficace’’ de réduire sa consommation et de prévenir les maladies connexes. Ceci en plus de diminuer la pauvreté et d'augmenter les recettes fiscales nationales.

En fait, d’après lui, dans les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), le total des taxes, en dehors de la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva), ne représente qu’environ 30% du prix moyen de vente des cigarettes. Alors que la Convention cadre de lutte contre le tabac de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), ratifiée par l’ensemble des 15 Etats membres, indique que ce taux doit être égal au moins à 70%. En effet, en décembre 2017, la Cedeao a adopté de nouvelles directives sur la taxation du tabac, qui recommandent l’adoption d’un taux de taxe ad valorem (Ndlr : suivant la valeur du produit) au moins égal à 50%. Et également, l’instauration d’une taxe spécifique en plus de celle ad valorem.

‘’Cependant, pratiquement aucun Etat membre ne se conforme encore à ces directives. Ce sont seulement deux Etats à savoir le Nigéria et la Gambie qui l’appliquent. L’existence d’une directive de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), différente de celle de la Cedeao, constitue très certainement la contrainte la plus forte’’, indique le Directeur de l’Union douanière et de la fiscalité de la Cedeao, Salifou Tiemtoré.

Une taxe de 10 FCFA sur chaque tige de cigarette

M. Tiemtoré soutient que des actions sur le terrain sont certainement nécessaires, notamment en direction de ces deux commissions ou d’autres personnes influentes dans la sous-région, pour parvenir à une position unique dans l’arsenal législatif communautaire. ‘’La différence réside dans l’introduction dans la directive de la Cedeao de la possibilité ouverte aux Etats de faire une taxation spécifique. C’est-à-dire taxer les produits du tabac sur les quantités et le nombre. Ce qui veut que, désormais, l’Etat ne va plus se contenter de regarder la valeur des produits et de leur conférer un taux de taxation. Mais, nous voudrions bientôt que les administrations, pour bien maitriser les prix sur le tabac, introduisent des taxations spécifiques’’, renchérit M. Tiemtoré.

En réalité, la directive de la Cedeao dit que sur chaque tige de cigarette, il faut une taxe de 10 F CFA. Mais, le Directeur de l’Union douanière et de la fiscalité de la communauté économique reconnait que la taxation seule ‘’ne suffit pas’’. ‘’Il y a aussi d’autres actions complémentaires. C’est dans ce cadre que la Cedeao travaille pour l’adoption d’une autre directive sur le suivi et la traçabilité des produits du tabac. Ce qui permet de lutter contre la fraude et de maitriser la circulation des produits du tabac. Si celle-ci est bien appliquée, tous les produits qui circuleront seront répertoriés. Ainsi, lorsqu’il y aura des saisies, cela permettra de savoir son origine, afin de prendre les mesures qu’il faut pour sanctionner’’, fait-il savoir.

MARIAMA DIEME

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