Publié le 19 Jun 2019 - 22:47
JUGE EN APPEL POUR FAUX

Abdoul Mbaye risque 1 an ferme

 

Relaxé en première instance dans la procédure de faux et de tentative d’escroquerie l’opposant à son ex-épouse Aminata Diack, Pape Abdoul Mbaye risque la condamnation. Le procureur général a requis l’infirmation du premier jugement, en demandant que l’ancien Premier ministre soit condamné à 1 an ferme. En sus, son ex lui réclame la somme de 1 milliard, au titre de dommages et intérêts.

 

Abdoul Mbaye n’est pas blanc comme neige, dans l’affaire de faux l’opposant à son ex-épouse Aminata Diack, selon le substitut général Sadikh Niang qui siégeait à l’audience de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar d’hier. Le maître des poursuites a, en effet, requis l’infirmation du premier jugement relaxant l’ex-Premier ministre. Il a demandé qu’Abdoul Mbaye soit condamné à 1 an ferme de prison.

En revanche, il a requis une requalification des faits de faux en obtention indue d’un document administratif. Le parquet général a aussi requis la relaxe de l’officier d’état civil Adama Thiam, condamné en première instance à 6 mois assorti du sursis.

Le parquetier considère que Thiam a agi sur ordre du président du tribunal et pour qu'il y ait faux, il y a une intention coupable. ‘’Objectivement, on ne peut pas lui reprocher quelque chose, puisqu'il a agi sur la base de ses supérieurs et d'une ordonnance du tribunal’’, a-t-il déclaré, tout en se désolant que ‘’toutes les personnes qui devaient être entendues ne le soient pas’’.

Seulement, si les avocats d’Abdoul Mbaye étaient suivis dans leur requête, le procès ne serait pas arrivé à son terme, hier. En fait, à l’entame, ils ont soulevé une exception de nullité, au motif qu’il n’y a pas d’appel, ou bien, celui-ci a été fait récemment. Selon leur argumentaire, dans le registre d’appel où le greffier mentionne les requêtes, il n’y a pas la signature du procureur Aly Ciré Ndiaye, qui a interjeté appel. En sus, on n’a pas mentionné la date du jugement. Ces griefs leur font dire que l’appel du parquet est nul.

L’avocat d’Aminata Diack a balayé d’un revers de main les arguments de ses confrères de la défense. Me Boubacar Koïta estime que ‘’c’est une manœuvre dilatoire’’, puisque l’exception soulevée ne repose sur aucun texte juridique. Le procureur général s’est également opposé à la requête de la défense. Selon lui, il y a toujours eu un appel incident du procureur, quand il y a un appel des prévenus. Donc, à ses yeux, on ne peut pas annuler l’appel, parce qu’il n’y a pas un texte qui sanctionne cela. Le président de la cour a joint les exceptions au fond et a ordonné la poursuite de l’audience.

Cette affaire fait suite à une procédure de divorce ouverte courant 2014-2015 par les deux plaignants, mariés en 1981. En fait, l’ancien Premier ministre s’était présenté devant la défunte présidente du tribunal de Dakar pour ladite procédure avec le livret de famille dans lequel est mentionnée la séparation des biens. Mais la magistrate a découvert que l’acte de mariage avait été signé sous le régime de la communauté des biens.

Attrait pour complicité de faux et usage de faux en écritures publiques authentiques et tentative d’escroquerie commis en 1994 au préjudice de son ex-épouse Aminata Diack, l’ancien Premier ministre Pape Abdoul Mbaye avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Dakar, le 18 mars 2017. Suite aux appels du parquet de la partie civile, hier, Adama Thiam et Abdoul Mbaye se sont à nouveau expliqué sur les faits.

Interrogé en premier, l’officier d’état civil a expliqué avoir reçu, le 26 mai 1994, des mains du greffier en chef Hyacinthe Gomis, une ordonnance du tribunal départemental hors classe de Dakar (devenu tribunal d’instance) pour la rectification de l’acte de mariage. ‘’Quand j’ai reçu l’ordonnance, je n’ai fait qu’exécuter la décision du juge. J’ai mentionné dans l’acte que le régime communauté des biens sur lequel le couple Mbaye s’était marié en 1981 a été supprimé et remplacé par le régime de la séparation des biens. J’ai fait 40 ans de service à l’état civil et je n’avais jamais contesté les décisions d’un juge. Je n’ai pas fait du faux’’, a soutenu M. Thiam.

Abdoul Mbaye : ‘’3 ans que je suis poursuivi, sans qu’on me montre une preuve‘’

Abdoul Mbaye a lui aussi contesté les faits, en se disant innocent. ‘’Voilà 3 ans que je suis poursuivi et relaxé, sans qu'on me montre une preuve. On ne m’a jamais présenté de documents attestant que j’aurais commis un faux. Je les ai réclamés, mais on ne me les a jamais produits. Peut-être qu’aujourd'hui, on me les montrera ainsi que les preuves que j'ai tenté de soustraire à Mme Diack une partie de son patrimoine’’, a-t-il déclaré. Et de poursuivre : ‘’Nul ne peut produire un écrit par lequel j’aurais essayé de soustraire à la dame Aminata Diack des biens, que ce soit des biens immobiliers ou des avoirs. Jamais je n’ai cherché à obtenir un franc de Mme Aminata Diack. Dans les liens du mariage, je ne lui ai jamais demandé de contribuer le moindre franc aux dépenses quotidiennes.’’

Par rapport au changement de régime matrimonial, le leader du parti Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) a expliqué les raisons et la démarche adoptée. ‘’Nous avions décidé, d'un commun accord, de changer de régime. C'est une requête conjointe faite avec mon épouse d'alors. J'envisageais des investissements risqués et je voulais préserver le patrimoine de Mme Diack. Cette décision n'a pas été contestée, pendant 20 ans. Elle s'est prévalue de cette séparation pour faire des emprunts. Il y avait un bien immobilier et de la dette’’, a expliqué M. Mbaye.

Quoi qu’il en soit, Me Koïta estime que la procédure de changement du régime est entachée d’irrégularités. Et que si sa cliente a intenté la procédure, c'est parce que l’ex-Pm s'est lancé dans la politique, en risquant le patrimoine de la famille. Ainsi, il a réclamé des dommages et intérêts de 1 milliard, alors qu’il demandait 500 000 F Cfa en instance.

Pour Me Emmanuel Diatta, on ne peut imputer la faute à Abdoul Mbaye qui ignore même comment la décision a été rendue. Son confrère, Me Bamba Cissé, considère qu’il s’agit tout simplement ‘’d’une affaire de caprice, puisqu’un faux commis en 1994 est prescrit’’.

‘’On s’acharne contre Abdoul Mbaye et on a besoin d’Aminata Diack pour…’’

Me Baboucar Cissé n’y est pas allé par quatre chemins pour dire que cette procédure a été initiée pour nuire Abdoul Mbaye, du fait de son engagement politique comme opposant. ‘’Quand il était au pouvoir, elle n’a pas estimé nécessaire de déposer une plainte contre son mari pour soi-disant un délit de faux. C’est quand Abdoul Mbaye a été défénestré de son poste de Premier ministre et qu’il a décidé de créer son propre parti pour concourir à la vie publique, que la plainte est tombée. Elle a été obligée à déposer la plainte. On l’a prise par le collet’’, a soutenu Me Cissé.

A l’en croire, Aminata Diack a longtemps bénéficié des privilèges du changement de régime avant de se plaindre. ‘’Elle a utilisé ce régime et a acquis un bien personnel qu’elle a hypothéqué auprès d’une banque, sans l’aval d’Abdoul Mbaye. C’est à tort que Abdoul Mbaye a été poursuivi pour les infractions de faux et usage de faux et escroquerie’’, a-t-il plaidé. Son confrère Me Sadel Ndiaye a abondé dans le même sens. ‘’Abdoul Mbaye a été Premier ministre au Sénégal. On n’a jamais relevé un dossier de mal gouvernance durant l’exercice de ses fonctions. Il a occupé de hautes fonctions dans ce pays. On n’a jamais eu à le reprocher le plus petit écart, dans le cadre de son travail. On veut l’envoyer en prison comme un va-nu-pieds, pour une banale affaire de couple. Mais on l'a grossie, parce que c'est Abdoul Mbaye, du fait de son statut d'opposant. On a colmaté par-ci, par-là un soi-disant faux pour le présenter comme le diable. On s’acharne contre Abdoul Mbaye et on a besoin d’Aminata Diack pour qu’elle attise le feu…’’, a fulminé le conseil. Qui juge ‘’fantaisiste’’ la somme d’un milliard réclamée par son confrère de la partie civile.

Me Ndiaye n’est pas également d’avis avec le réquisitoire du parquet général, puisque, dans cette affaire, il n'y a pas de place pour requérir une sanction pénale, car il s’agit d’une décision de justice et non d’un document administratif.

La Cour d’appel rend son verdict le 23 juillet prochain.

FATOU SY 

 

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