Publié le 14 Apr 2022 - 15:29

La vente à réméré, par et au-delà du Code des Obligations Civiles et Commerciales (C.O.C.C.) du Sénégal

 

Par le C.O.C.C, le régime juridique de la vente à réméré est fixé. Au-delà du C.O.C.C, il s’agit d’un instrument juridique à finalité économique, plus précisément un outil de crédit et un moyen de transfert temporaire de titres financiers. Par un transfert de propriété qui s’opère, prétexte sera de faire un glissement vers le pacte commissoire, d’opérer un rapprochement avec la cession –bail, et de combiner le réméré avec la dation en paiement. Ces instruments juridiques peuvent avoir droit de cité chez les opérateurs économiques, s’ils sont accompagnés d’une fiscalité de faveur.

Première  approche : La vente à réméré, par le C.O.C.C.

L’article 334 du C.O.C.C s’intitule : Réméré, définition, Il dispose : «  Le vendeur peut, par stipulation expresse  insérée dans le contrat, se réserver pendant un certain délai le droit de reprendre la chose vendue ».La vente à réméré est donc  un contrat qui doit respecter les conditions générales de validité  tel que prévu par l’article 47 du C.O.C.C.Sont donc requis à cet effet ,le consentement des parties ; la capacité de contracter ; un objet déterminé et licite ,formant la matière du contrat et des obligations ; une cause licite pour le contrat et les obligations qui en résultent .Il faut observer que toute personne peut contracter ,sauf si elle n’en est déclarée incapable par la loi .Il s’agit des personnes auxquelles la loi enlève l’aptitude à participer au commerce juridique pour les protéger contre leur inexpérience ou la défaillance de leurs facultés intellectuelles( art 273 Code de la famille du Sénégal).

En outre, le régime matrimonial a une incidence dans l’expression du consentement  de la vente à réméré, notamment au cas où les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens .En effet , ne peuvent être faits que du consentement des époux les actes de disposition emportant aliénation totale ou partielle , à titre onéreux ou gratuit ,d’immeubles ,de fonds de commerce ou de droits sociaux non négociables (  art 391 CF) .Les époux doivent agir de concert s’ils veulent vendre à réméré , c’est la règle du  double consentement (Serge Guinchard , Droit Patrimonial de la Famille au Sénégal ,NEA,1980 ,p 162.) Cette règle  connait un assouplissement pour la femme grâce à l’article 371 al 2 CF sur les biens réservés, il  dispose «  les biens acquis par la femme dans l’exercice d’une profession séparée de celle de son mari constituent des biens réservés qu’elle administre et dont elle dispose, sous tous les régimes, suivant les règles de la séparation des biens ».

La femme a donc sur les biens réservés les pouvoirs les plus absolus .Cette plénitude de pouvoirs se manifeste particulièrement en régime communautaire car la femme a déjà les pleins pouvoirs sur ses biens personnels en régime de séparation des biens  et sur les biens paraphernaux et régime dotal . La femme peut sur les biens réservés disposer librement sans le concours ou consentement de son époux, et pour le Pr Françoise Dieng, c’est une manifestation du caractère féministe du code de la famille sénégalaise (voir Le cours sur les régimes matrimoniaux, Master 1.FSJP .UCAD.12/13 p .8).

Sous réserve de cette précision ,Il faut observer que la clause de réméré n’a pas de forme sacramentelle ( Claude WITZ, vente à réméré,Juris –Classeurs,1993,p11), les parties sont libres de recourir à un acte sous –seing privé , ou bien à un acte  authentique .Mais si le contrat de réméré porte sur un immeuble immatriculé la clause doit être contenu dans l’acte notarié ( Cour Suprême du Sénégal N°14 du 3 mars 1982 Samba Sow c/ Cisse) .Le recours à l’acte notarié est dicté par l’article 383 COCC « Le contrat doit , à peine de nullité absolue, être passé par devant un notaire territorialement compètent… »

Le réméré, pour quel délai ?

Le délai est extrêmement important, c’est un élément indispensable dans la qualification du contrat de vente à réméré .Ce délai est fixé par l’article 335 al 1 C.O.C.C « les parties ne peuvent stipuler la faculté de rachat pour un délai supérieur à trois ans ».Il faut noter que les parties peuvent fixer un délai inférieur, dans ce cas la clause est valable, ou ne pas fixer un délai, dans cette hypothèse on doit considérer, qu’elles ont stipulé pour la durée maximale. Dans  l’hypothèse où les parties ont fixé un délai supérieur à trois ans, donc en dehors des conditions légales du réméré, il faut considérer, qu’elles ont fait simplement une promesse de revente .Et là réside en effet l’un des intérêts essentiels de distinction entre la vente à réméré et la vente accompagnée d’une promesse de revente (Claude WITZ, op.cit.p10).

En outre, il faut signaler que le terme fixé par le contrat peut être prolongé par le juge et ne sera considéré définitif qu’en vertu jugement (art335 al 2 C.O.C.C).En ce qui concerne la computation du délai, il faut observer que le dies a quo, n’est pas comptabilisé, contrairement au dies ad quem.

L’exercice du réméré, par qui ?

Il s’agit des bénéficiaires du réméré .En premier chef , le vendeur lui-même , ou ceux à qui le droit a été cédé ou transmis ( les héritiers du vendeur, ses légataires, ou son cessionnaire).Les créanciers du vendeur peuvent exercer le droit de réméré par le moyen de l’action oblique prévue par l’article 201 C.O.C.C «  le créancier peut exercer les actions que le débiteur aurait négligé d’intenter , à l’exception  de celles qui sont exclusivement attachées à la personne » .L’exercice du réméré par voie oblique va permettre de faire rentrer le bien dans le patrimoine du débiteur, ce qui ouvre la porte à une possibilité de saisie par les créanciers.

Toutefois ,nous pensons  que l’acquéreur peut soulever  le bénéfice de discussion , ce qui va contraindre les créanciers à opérer des poursuites sur les autres biens du débiteur  et qu’ils pourront reprendre leurs poursuites contre le bien ,objet de revente, que s’ils ne sont pas complètement désintéressés .Dans bien des cas , l’acte uniforme portant organisation des sûretés prévoit le bénéfice de discussion à travers l’article 27 «  … la caution simple ,à moins qu’elle ait expressément renoncé à ce bénéfice ,peut sur premières poursuites dirigées contre elle, exiger  la discussion du débiteur principal ,en indiquant les biens de ce dernier susceptibles d’être saisis immédiatement sur le territoire national et de produire des deniers suffisants pour le paiement intégral de la dette… ».En cas d’exercice conjoint du réméré, c’est –à- dire lorsque le droit de réméré appartient conjointement à plusieurs personnes, le réméré doit s’exercer pour le tout…lorsque plusieurs personnes peuvent se voir opposer le réméré, celui-ci doit également s’exercer pour le tout (art 340 C.O.C.C).

L’exercice du réméré, contre qui?

Le réméré peut être exercé contre l’acquéreur primitif, le vendeur va agir directement contre lui, si le bien est toujours entre ses mains. En cas de décès, le réméré sera exercé contre les héritiers. Le vendeur rémérant  peut exercer son droit à l’encontre des ayants –cause de l’acquéreur qui ont eu connaissance de l’existence du pacte de rachat(art 338 al 1 C.O.C.C) , cela veut dire que si l’acheteur transfère des droits résolubles , le vendeur pourra  exercer son droit de réméré contre le sous-acquéreur .En matière immobilière le pacte de rachat est opposable au sous acquéreur une fois la publication foncière opérée au bureau de la conservation conformément à l’article 48 de la loi N°2011 -07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière au Sénégal , disposition qui exige la formalité de l’inscription pour assurer l’existence et la validité des droits réels à l’égard des tiers. Une fois l’inscription opérée, les droits de tiers acquéreurs disparaissent par l’effet rétroactif de la résolution de la vente. Il s’agit du droit de propriété à la suite d’une revente, ou de ses démembrements tels que les hypothèques, les servitudes, l’emphytéose, le droit d’usage ou l’usufruit. En matière mobilière  l’acquéreur de la chose d’autrui en devient propriétaire lorsqu’il en a reçu de bonne foi, c’est l’application de l’article 262 de C.O.C.C qui indique qu’en matière mobilière, possession vaut titre.

Le vendeur dans ses circonstances pourra agir directement contre le sous- acquéreur en lui notifiant la volonté d’exercer le réméré avec une offre de restitution du prix ; ou bien agir directement contre l’acquéreur primitif pour résoudre le contrat puis revendiquer le bien se trouvant entre les mains du tiers.  Le tiers évincé pourra agir contre son vendeur dans les conditions prévues par l’article 288 C.O.C.C «  le vendeur garantit l’acquéreur contre l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou dans une partie de la chose et contre la perte de jouissance que lui cause la découverte d’une charge non déclarée au moment de l’acquisition du bien. En matière immobilière l’action en garantie d’éviction est irrecevable ».le COCC  a prévu une sanction particulière contre l’acquéreur qui n’a pas dévoilé le caractère conditionnel de son droit de propriété , il sera tenu de verser au vendeur le double de la valeur de la chose( art 338) .

Par ailleurs, la résolution de la vente est la conséquence normale de l’exercice du réméré .Pour l’acquéreur , il a une obligation de délivrance , il est tenu de restituer la chose dont il était propriétaire a pendente conditione ( art 337 C.O.C.C).Pour le vendeur rémérant , il doit rembourser le prix stipulé pour un retour du bien dans son patrimoine .En plus , il doit désintéresser l’acquéreur des frais du contrat ,des réparations nécessaires et des impenses utiles jusqu’à concurrence de la plus-value créée. L’article 337 al 2 du C.O.C.C prévoit un droit de rétention jusqu’à remboursement intégral de ce qui lui est dû (sur le droit de la rétention, voir l’article de Gilbert Coumakh Faye, le caractère illusoire du droit de rétention en droit OHADA, mélanges offerts au professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, l’Harmattan, 2021, pp 501-524).

Deuxième approche : La vente à réméré, au-delà du C.O.C.C.

La vente à réméré, technique traditionnelle de crédit.

La vente à réméré permet la réalisation d’une opération de crédit lato sensu avec un transfert de droit de propriété au créditeur. En pareille situation la propriété transférée par le vendeur va servir de garantie au fournisseur des fonds .Les fonds sont versés sous la forme d’un prix de vente dont le vendeur même s’il n’est pas tenu de restituer , pourra le faire en cas de retour à meilleure fortune pour récupérer la propriété du bien, en exerçant la faculté de rachat .ici, la propriété va constituer une garantie intégrée dans l’opération de crédit.

La propriété est considéré comme la reine des sûretés, sous cet angle la vente à réméré présente un avantage incontestable .Le fournisseur du crédit a le bénéfice de la propriété du bien affecté en garantie et au cas où le vendeur n’exerce pas le réméré, ou n’est pas en mesure de le faire, parce qu’incapable de payer rubis sur l’ongle, il reste définitivement propriétaire. Il en découle qu’il n’a pas besoin de recourir aux voies d’exécution OHADA pour la réalisation de la sureté, le fournisseur de crédit ne court pas le risque d’être concurrencé par les créanciers de meilleur rang.

En tant qu’instrument de crédit, la vente à réméré va poser la problématique de la rémunération du créditeur, cette question est d’autant plus pertinente puisqu’il y a pas d’intérêts à verser par le vendeur –emprunteur. En réalité il y a pas de fonds empruntés au sens classique du contrat de prêt (voir l’article 6 de la loi N°-2008-26 du 28 juillet 2008 portant règlementation bancaire du Sénégal ; voir également l’article 4 de la loi  N°-2008 -47 du 3 septembre 2008 portant réglementation des systèmes financiers décentralisés). Donc pour s’assurer que l’acquéreur fournisseur va tirer un avantage au contrat à réméré, il a la possibilité soit : laisser le bien à la disposition vendeur  contre paiement de loyers, ou bien stipuler un prix de rachat plus élevé.

La vente à réméré utilisée comme instrument de crédit a été considérée comme une forme déguisée de nantissement avec pacte commissoire, donc un moyen de contournement de sa prohibition  .L’acheteur acquiert ab initio, le bien assiette de la garantie avec conservation de la propriété si le vendeur n’exerce pas le rachat « les tribunaux n’hésitent –ils pas à requalifier la vente à réméré en contrats pignoratifs , expression utilisée pour désigner les prêts usuraires déguisés sous la forme de contrats de vente avec faculté de rachat  … pour designer de manière générale les opérations dissimulant un prêt sur gage illicite » .

La prohibition du pacte commissoire était le fait de l’empereur CONSTATIN en 326 après J.C, après son retour temporaire, par le Pape INNOCENT  III (Lotario dei conti di Segni) en 1198. Cette interdiction va passer dans le droit positif Français avec l’adoption du code civil de 1804(ce code est appelé aussi code Napoléonien, dont l’un des plus célèbre rédacteurs se nomme PORTALIS Jean Etienne Marie). Cette interdiction sera reprise par le droit OHADA (Voir dans ce  sens  F.Anouka, le droit des sûretés dans l’acte uniforme OHADA, Presses Universitaires d’Afriques, 1998, p.35 ; voir aussi  F Anouka, A Cisse Niang, M.Foli, J.Isssa Sayegh, I. Yankhoba Ndiaye et M.Samb, OHADA , Sûreté ,Bruylant, coll. « droit uniforme africain », 2002 p 126).

Cette interdiction sera levée  en France par l’ordonnance N°-2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés à travers l’article 2348 nouveau du code civil. Le droit OHADA quant à lui va consacrer le pacte commissoire lors de la réforme de l’acte uniforme portant droit des sûretés entré en vigueur le 15 janvier 2011. Son introduction dans l’arsenal juridique communautaire constitue l’une des innovations majeures de la réforme .L’intérêt était de répondre par des dispositions appropriées aux lenteurs des procédures de saisies ,dont la longueur , le cout et l’inefficacité étaient régulièrement dénoncées par les opérateurs économiques ( A ,Fenon, le pacte commissoire : une innovation importante du nouvel acte uniforme sur les suretés , penant N 877-oct /déc. 2011, p 429 et svts).

Cette nouvelle construction contractuelle , accessoire du mode  de sûreté ,aura pour finalité ,le transfert direct de la propriété du meuble ou de l’immeuble , et ce pour le paiement de la créance .Tout comme une dation en paiement , il permet au débiteur de voir s’éteindre à la fois , sa dette et la sûreté qui la garantit .L’option du législateur OHADA consacrée est une déjudiciarisation des procédures d’exécution , en rendant facultatif le recours au juge . L’admission du pacte commissoire intègre une philosophie de célérité  et d’évitement de l’aléa judiciaire.

Le mécanisme est logé à l’article 199 de l’acte uniforme portant droit des sûreté ( AUS) , il dispose : «A condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit  pas à usage d’habitation ,il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué.

A l’issue d’un délai de trente jours suivant une mise en demeure de payer par acte extrajudiciaire demeurée sans effet ,le créancier pourra faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par chaque Etat partie en matière de transfert d’immeuble ».Pour être valablement accueilli en matière immobilière , le pacte commissoire doit obéir à des conditions cumulatives , tenant , d’une part au constituant, qui  doit être immatriculé au R.C.C.M , et d’autre part à l’immeuble , qui ne doit pas être à  usage d’habitation .A  préciser que , même si l’article 199 AUS ne le dit pas expressément, l’immeuble ne doit pas s’agir de la résidence principale du débiteur .

En tout état de cause, malgré l’attractivité du pacte commissoire ,et cette volonté manifeste de contourner les lenteurs judiciaires , son effectivité sera mise à l’épreuve par le droit des procédures collectives  OHADA , notamment par l’article 75 al 2 acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP) .Cette disposition fait remarquer que la décision d’ouverture de redressement judiciaire ou de liquidation des biens arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les  immeubles ,ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la décision d’ouverture.  Il s’agit concrètement de la suspension des poursuites individuelles.

A ce niveau , le notaire ,officier public et ministériel ( voir l’article 1er du décret 2020-1524 du 17 juillet 2020 ) doit faire jouer son rôle de conseil , surtout envers le constituant de l’hypothèque en l’informant des conséquences de la clause .Il devra vérifier ,au cas où la nomination d’expert serait convenu dès la conclusion du pacte commissoire ,que les conditions de son intervention ne soient manifestement pas contraire à l’exigence d’impartialité ( art 200 AUS) .Le notaire devra prendre part à la mise en œuvre du pacte commissoire en s’assurant de la réunion des conditions d’exécution ,il devra également établir l’acte de réalisation par lequel le transfert de propriété de l’immeuble interviendra au profit du créancier. Cet acte sera rédigé comme une vente immobilière traditionnelle, comprenant les clauses usuelles, nécessitant les vérifications habituelles, avec une purge des différents droits de préemption ou d’hypothèque (A, Fenon, op.cit., p, 446).

Par ailleurs, le pacte commissoire admis en droit OHADA ne doit pas être confondu avec la clause de voie parée ou via parata, qui au demeurant, reste rigoureusement prohibée par l’article 246 de l’acte uniforme portant voies d’exécution (AUVE),

Les développements peuvent laisser penser que le pacte commissoire est utilisé uniquement en matière immobilière, il n’en est rien, son domaine est étendu aux sûretés mobilières, c’est -à dire portant sur des biens meubles corporels (art 104, alinéa 3 AUS)  et sur des biens meubles incorporels (art 134, alinéa 2 AUS).

La dation en paiement avec réserve de réméré

La dation en paiement est l’opération juridique par laquelle, en règlement de tout ou partie du montant de sa dette, un débiteur cède la propriété d’un bien, d’un ensemble de biens  ou des droits, lui appartenant. Les conditions et les effets sont prévus par le C.O.C.C , «  Sans pouvoir être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, le créancier peut convenir avec le débiteur d’une prestation de remplacement en nature » ( art 212 ), « la convention emporte transfert de la propriété dans les conditions de droit commun » ( art 213).

La combinaison des mécanismes juridiques de la dation en paiement et du réméré est d’un intérêt indéniable aussi bien pour le créancier que pour le débiteur. En effet ,le débiteur qui rencontre des difficultés pour honorer ses engagements ,peut valablement convenir avec son créancier une dation en paiement , ce qui va entrainer un transfert de propriété au profit du créancier , en y adjoignant  le mécanisme du réméré , le débiteur aura la possibilité d’exercer un droit de retour du bien dans son patrimoine .Mais faudrait-il ,qu’il faille déclarer son intention  par une notification avant l’expiration du délai d’exercice de la faculté de rachat , par acte extrajudiciaire ou par tout moyen laissant trace écrite .

En clair, le mécanisme permet d’éteindre une dette avec  une consécration pour le créancier d’un droit de propriété sur l’immeuble; pour le débiteur, la possibilité de redevenir propriétaire de ce même bien cédé ,par l’exercice du réméré, bien attendu avec un versement d’une contrepartie (le prix)  liée à l’opération intrinsèquement. Dans ce sens ,il a été jugé par le tribunal de commerce hors-classe de Dakar , le  05 décembre 2019 « dès lors que la dation en paiement est acceptée par les parties , l’acquéreur devient propriétaire du bien , donc en l’espèce la société X (demanderesse) disposait bien de la qualité de propriétaire des biens immobiliers qui lui ont été donné en dation en paiement de sa créance qui a été évaluée par les parties ; la clause de réméré dont se prévaut la société Y (défenderesse) concerne le délai d’attente pendant lequel le bien donné en dation peut être repris mais n’entache en rien la qualité de propriétaire de l’acquéreur» ( N° 1825 /19 DU JUGEMENT N°3263/ du RG).

Vers un rapprochement entre la cession -bail et la vente à réméré

La cession -bail s’entend comme l’opération par laquelle, l’emprunteur transfère au préteur, dès le départ, la propriété d’un bien que l’emprunteur racheté progressivement, suivant une formule de la location assortie d’une promesse vente .La cession-bail est donc une forme tout à fait particulière du crédit-bail, elle permet à  une entreprise  de céder des immobilisations à une société de crédit- bail afin d’obtenir des fonds. La société de crédit-bail achète le bien ,mais le laisse à la disposition de l’entreprise -vendeuse par une convention de crédit-bail .Sous ce rapport, la cession bail sera nommée « leasing adossé » ou «  leasing fournisseur ».

Il faut noter à présent que la vente à réméré et la cession -bail se rapprochent par leur structure juridique et leur finalité ,néanmoins  il va subsister une différenciation sur le mécanisme de l’opération de crédit .En effet , dans la cession- bail , la vente est accompagnée de relocation en crédit -bail ,ce qui permet au preneur de bénéficier d’une promesse unilatérale de vente . En plus, le prix  de vente va tenir en compte des loyers versés, ayant ainsi de manière progressive racheté le bien. Par conséquent, le preneur a un intérêt majeur à lever l’option d’achat pour redevenir propriétaire du bien. Une deuxième différence sur les mécanismes sera visible au moment du transfert de propriété, l’exercice du réméré va entrainer un anéantissement rétroactif de la vente, alors que la levée de l’option va aboutir à un second transfert de propriété.

La vente à réméré, technique de cession temporaire de titres financiers

L’objectif poursuivi par le vendeur des titres à réméré est l’amélioration du rendement de son portefeuille investi par le remploie des fonds sur le marché boursier par l’acquisition de titres mieux rémunérés. Si l’acheteur est un établissement bancaire, l’objectif poursuivi sera double, d’abord, faire un placement de fonds dont la remise en pleine  propriété des titres en sera la garantie, ensuite, faire un autre placement de titres sans encourir le risque de variation du capital investi. Les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM), qui pour satisfaire à leur quota de détentions de titres (obligations) achètent à réméré, à un établissement financier (vendeur), qui s’engage à les reprendre à l’issue d’une période convenue sous réserve du paiement du prix et d’indemnités.

En  tout état de cause, pour que les objectifs visés puissent être atteints, il faut en définitive que  le vendeur des titres exerce la faculté de rachat ; pour y arriver il est généralement signé une contre lettre qui vient contourner la faculté de reprise, pour imposer une reprise, d’où une certitude de résolution.

Pour une fiscalité de faveur de la vente à réméré en matière immobilière.

La vente à réméré s’analyse en une vente sous condition résolutoire ; elle est définitive dès l’origine et elle est taxée comme une vente pure et simple (J.Cl. Fiscalité immobilière Fasc.130).

Qu’en sera-t-il alors du régime fiscal applicable à l’exercice du droit de réméré ?

La question est d’autant plus prégnante du fait d’un possible retour du bien dans le patrimoine du débiteur par l’effet de l’exercice du réméré. Dès lors il est question d’appréhender l’opération sur la base de la formalité fusionnée (enregistrement-publicité foncière) de l’article 538-II de la loi 2012 -31 du31 décembre 2012 portant Code General des Impôts du Sénégal. En ce qui concerne les droits d’enregistrement, la vente à réméré est soumise au même régime fiscal qu’une vente ordinaire, il sera fait application du droit proportionnel conformément à l’article 472 -II -1 du CGI du Sénégal, qui dispose : « Sont enregistrées au taux de 5% : les adjudications, ventes, reventes, cessions, rétrocessions, les retraits exercés après l’expiration des délais convenus par les contrats de vente sous faculté de rachat».

De cette disposition il en ressort que si le réméré est exercé pendant le délai de trois (3) ans tel que prévu par l’article 335 al 1 C.O.C.C , le droit proportionnel va laisser la place au droit fixe .Ce résonnement conduit à dire que si le débiteur est forclos ,le droit de propriété de l’acquéreur est définitivement consolidé . Par conséquent, la reprise éventuelle du bien par le débiteur va s’analyser en une nouvelle opération de vente à rebours, d’où une réapparition du droit proportionnel .A la remarque , il faut considérer que l’application du droit fixe à l’exercice du réméré est un avantage , car rendant moins onéreuse l’opération.

Par ailleurs, pour rendre plus attractif le mécanisme juridique de la vente à réméré, nous pensons qu’il faut une fiscalité de faveur au niveau des droits de publicité foncière .La publicité foncière est définie comme l’ensemble des règles , des techniques , et des modalités de leur mise en œuvre qui concourent , en vue , généralement de la production d’effets de droit ,à assurer ,la constitution ,la conservation et la délivrance d’informations juridiques sur les immeubles. La publicité foncière tend à la détermination précise et à la consolidation de la situation juridique des immeubles soumis à ce régime et du patrimoine immobilier des personnes.

De ce fait, elle est strictement nécessaire à la sécurité aussi bien des transactions immobilières que du crédit garanti par les immeubles (exposés des motifs de la loi N°-2011 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière). Il sera question pour l’opération initiale d’observer les dispositions de l’article 537 CGI ou les tarifs des droits proportionnel sont de 1 pour cent pour l’immatriculation au livre foncier, ce taux  a été ramené à 0,80 pour cent pour les actes déclaratifs, constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels ou personnels soumis à publicité. Il est observé également un taux de 0,10 pour cent pour l’inscription des actes portant mutation d’immeuble et un taux  de 0,20 pour cent pour l’inscription de tous les autres actes constitutifs ou extinctifs de droits  au profit du conservateur, à titre de salaires (Voir le décret N° 88 -1004 du 22 juillet 1988 fixant les salaires et émoluments dus pour l’accomplissement de publicité foncière modifié par le décret N° -2017-1050 du 17 mai 2017).

Nous suggérons un autre sort pour l’opération du réméré. Il sera question de réaménager le dispositif fiscal en permettant le retour non tarifé du bien immobilier dans le patrimoine du débiteur .Concrètement il s’agit d’opérer une seconde mutation , un transfert de propriété sans paiement de droits .Il faudra simplement mentionner dans le bordereau analytique  que la vente est faite sous condition résolutoire d’une durée de trente-six mois  , pendant cette période , à l’exercice du réméré, le conservateur de la propriété et des droits fonciers  pourra ,par un jeu d’écritures, transférer la propriété au débiteur .L’objectif n’est la soustraction à la double mutation , mais la soustraction à la double liquidation.

Nous nous inclinons également pour une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour l’exercice du réméré. En d’autres termes , l’acte constatant l’exercice du réméré doit échapper à la TVA au sens de l’article 361-7 du CGI du Sénégal relatif aux exonérations .En outre , pour la question de la TPV ( taxe de plus-value) ,elle doit point se poser .Si au moment de la rétrocession du bien l’acquéreur propose un prix plus élevé que lors de la vente initiale , il va s’en dire que ce prix sera un élément à prendre en considération dans la détermination de la TPV.

A tout prendre, malgré le requiem chanté à l’interrogative pour le COCC par le Pr Papa Talla FALL (C.O.C.C. :cinquante ans après, vol 2, l’Harmattan, 2018,pp 337-359) , à juste titre, du fait des attaques ohadien, avec l’amputation de sa troisième et quatrième partie, il n’en demeure pas moins que son vent continue à souffler sur le droit positif sénégalais, et la vente à réméré en constitue les alizés . Notre réflexion vise à susciter l’utilisation de cette technique contractuelle par les opérateurs économiques ; au demeurant l’Etat doit l’accompagner par un allègement fiscal et le notaire doit en être l’architecte.

Maître Christophe François Niokhor-Ndiack DIOUF,

Notaire, Docteur en droit privé, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques UCAD.

 

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