Pourquoi l’Afrique trouble tant le sommeil des Européens ?
L’Europe est aujourd’hui le plus grand foyer de migration dans le monde car il y a chaque année plus de migrants légaux (1,4 million) que dans l’ensemble Etats-Unis- Canada-Australie (850 000). Or, l’Europe a été pendant très longtemps un continent d’émigration vers les terres à coloniser mais aussi vers les nouveaux pays à peupler. Durant plus de 4 siècles, ils ont eu à migrer en Amérique du Nord, Amérique Latine, en Australasie et dans une moindre mesure en Afrique.
Ils étaient à la recherche d’une vie meilleure ou fuyaient les persécutions religieuses de leurs pays. 2000 huguenots français se sont installés à Boston, New York et en Caroline du Sud pour fuir la révocation de l’Edit de Nantes en 1685.
Ceci explique le malaise de beaucoup d’Européens car ils ont le sentiment que les migrants modifient leur statut. Ils ont peur d’être détrônés culturellement et socialement par les Africains.
Aujourd’hui cette tendance s’est inversée. Ce sont les pays européens qui jouent le rôle d’aimant avec leurs richesses et leur stabilité : 90% des richesses mondiales sont détenues par eux. Depuis des décennies, l’UE attire des millions de migrants (18,5 millions de migrants légaux vivent dans l’espace européen). La plupart d’entre eux y entrent de manière légale mais certains le font de manière clandestine (4,5 millions de migrants illégaux y vivent). L’intensité du désir de migrer vers l’Europe se mesure aux risques que prennent beaucoup de ces candidats. Il y a eu plus de 15 000 morts aux portes de l’Europe entre 1988 et 2009. A cela s’ajoutent les 300 morts de Lampedusa du 3 octobre 2013 : une grande honte pour l’humanité.
L’immigration est à la fois une chance et un défi pour l’Europe face au vieillissement démographique et à la baisse de son taux de natalité : en Allemagne il y a 766 999 naissances en 2000 contre 673 675 en 2006, soit une perte de 12,6%. Les immigrants légaux sont nécessaires pour combler les manques de main d’œuvre.
Néanmoins l’UE doit juguler l’émigration clandestine et négocier avec les pays le retour digne et humain des clandestins sur la base du volontariat. L’UE a également le devoir de protection des demandeurs d’asile et des candidats de la migration forcée ou involontaire qui fuient les persécutions ou dont la vie est sérieusement menacée dans leur pays. Ils sont estimés à plus de 45 millions dont 25 millions de réfugiés et 20 millions de déplacés.
Les 50% de ces migrations concernent l’Afrique. Laisser ces Africains mourir en mer constitue la plus grande honte de l’histoire de l’humanité et confirme l’idée selon laquelle les Européens ont peur d’être submergés socialement et détrônés culturellement par les Africains.
Boubacar Sèye
Président d’Horizon sans frontières