Publié le 16 Sep 2021 - 20:10
LITIGE FONCIER SUR 31 HA A DIASS

Une journée de ‘’combat’’ entre jeunes et gendarmes 

 

Hier, les jeunes du quartier Sakirack sont sortis dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol. Malgré la présence massive des gendarmes, ils les ont affrontés toute la journée. Ils donnent un délai de 24 heures aux personnes en train de faire des terrassements sur un site réservé à l’extension de leur quartier, pour renoncer à leur initiative, sinon ils viendront reprendre leurs terres, de gré ou de force. Plusieurs personnes ont été arrêtées.

 

Les terres de la commune de Diass sont devenues une cible privilégiée pour les investisseurs nationaux et étrangers, du fait de sa position géographiquement stratégique, mais également de sa situation politico-économique dans le pays. Toutefois, certaines dérives sont notées par les populations qui se sont décidées à mettre un terme à cet acharnement sur le foncier de la commune. Hier, un affrontement est survenu entre les forces de l’ordre et les jeunes du quartier de Sakirack, à cause d’un site réservé à l’extension du village.

Intrigués par la présence massive des forces de l’ordre pour encadrer les travaux de terrassement déjà entamés sur le site en question, les jeunes de la localité s’indignent. Ils ont opposé aux éléments de la gendarmerie déployés sur place une guérilla digne de ce nom.

Plus d’une dizaine de personnes ont été arrêtées. Et les échauffourées ont duré toute la journée, bloquant la route nationale n°1, avant de se poursuivre à l’intérieur du village, avec une vraie ‘’Intifada’’ entre les forces de l’ordre et les populations.   

Abdoulaye Faye estime d’ailleurs que ‘’cela montre tout simplement que le processus d’attribution du site ne s’est pas fait dans les règles de l’art. Et la population s’est levée aujourd’hui pour parler de la même voix’’. De ce fait, vocifère Pape Daouda Faye, un autre jeune du quartier, ‘’nous demandons l’arrêt des travaux qui se font sur le site dans un délai de 24 heures. Sans quoi, nous irons sur place pour déloger le propriétaire et les forces de l’ordre. Nous demandons aux autorités municipales de nous accompagner dans ce combat, parce que c’est un combat communautaire’’.

A l’en croire, la population est déterminée à se battre par tous les moyens. ‘’Donc, d’ici vendredi, si le propriétaire et les forces de l’ordre n’ont pas quitté le site, nous irons les déloger. La gendarmerie est en train d’effectuer des patrouilles dans le village pour intimider les habitants, mais nous allons lui faire face, parce que la population est déterminée’’, a informé M. Faye.

Selon des sources, il s’agit d’une ancienne forêt classée qui a été déclassée sous le régime actuel, qui l’aurait immatriculée au nom de l’Apix. La source indique que l’agence a ensuite cédé un espace de 5 ha à une entreprise qui est venue s’installer, en commençant par le terrassement de l’espace afin d’entamer ses travaux de construction.

Dans cette mouvance, il déplore la situation. ‘’Nous estimons que tout travaux entrepris sur le site sans le consentement des populations est frappé d’illégalité. Nous estimons que le site doit revenir légitimement aux populations dont l’habitat est étouffé de tout bord par les projets de l’État. Ce qui fait qu’elles ne disposent d’aucun espace pour une éventuelle extension de leur zone d’habitation’’, indique-t-il.

Abdoulaye Faye de préciser que le quartier de Sakirack, où se trouve le site controversé, est cerné de tous les côtés. ‘’L’aéroport, la route nationale et l’usine Kirène empêchent le quartier, qui est l’un des plus grands de Diass, de s’agrandir et de permettre à ses habitants d’avoir des parcelles où habiter. On leur avait donc affecté un site à l’entrée de Diass pour les besoins de l’extension du quartier. Mais les eaux et forêts ont octroyé des permis de coupe et la mairie a délivré des permis aux attributaires’’, révèle le jeune Diassois qui se demande ‘’au nom de quoi l’État octroie donc ces terres à un tiers au détriment des populations ?’’.

‘’L’espoir de toute la population’’

Pape Daouda Faye a rappelé que ce site, d’une superficie de 31 hectares, représente l’espoir de toute une population qui a accepté de céder des milliers d’hectares à l’État du Sénégal. ‘’Nous rappelons que la commune de Diass a cédé à l'AIBD plus de 75 % de ses terres, sans aucune indemnisation. A travers la Zesi, l’État et ses partenaires veulent réduire à néant l’existence de toute une communauté. Ce qui est inadmissible et inacceptable. Les projets de l’État doivent prendre en compte les préoccupations des autochtones. Malheureusement, nous constatons qu’ils ignorent complètement le mot ’intégrer’ qu’ils veulent substituer par le mot ’éliminer’’’, a-t-il déploré.

Il renseigne que la population a mené le combat depuis 2009, sans violence, pour viabiliser le site en question. ‘’C’est ce qui fait qu’elle dispose d’un plan d’urbanisme délivré par les autorités, d’un permis de couper délivré par les eaux et forêts et d’une délibération par la mairie. La population est donc légalement propriétaire de ce site’’, explique-t-il. Avant de poursuivre : ‘’Nous déplorons l’insuffisance d’informations concernant le démarrage des travaux entrepris sur le site. Ainsi que l’installation des forces de l’ordre dans la localité et qui sont en train d’intimider la population.’’

La tristesse du maire

Interpelé sur les rixes qui ont eu lieu dans sa commune entre les jeunes et les forces de l’ordre, le maire de la commune a exprimé sa tristesse devant une situation de cette nature et a appelé tout le monde à la sérénité et au calme. Dans ce sens, Cheikh Tidiane Diouf laisse entendre : ‘’C’est avec tristesse que j’appelle au calme, dans ces moments de tension dans ma commune.’’ il ajoute : ‘’Nous avons entamé les procédures administratives, en demandant à l’Apix de nous céder les 31 ha pour permettre à Sakirack de bénéficier d’une zone d’extension, car ce quartier est coincé entre l’AIBD, la route nationale et la zone économique. Malheureusement, la réponse de cette agence a été négative. Nous avons informé la population.’’

Pour lui, c’est ce qui a empiré la situation. ‘’Ce matin, la situation s’est dégradée et des affrontements ont eu lieu, suivis d'arrestations. Je suis descendu sur le terrain pour m’enquérir de la situation. L’autorité nous a garanti être dans les dispositions pour discuter et trouver une issue heureuse. J’ai saisi toutes les parties concernées pour trouver une solution d’urgence. Les autorités déconcentrées sont prêtes pour une réunion avec le collectif et les autorités locales. Il faut que l’on négocie, car la logique de l’affrontement ne peut pas prospérer.’’

IDRISSA AMINATA NIANG

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