Publié le 24 Dec 2012 - 00:10
Me DJIBY DIALLO SUR LE FESTIVAL JOKO DE FLORENCE

''Youssou Ndour et des autorités du Sénégal ont déçu''

 

Me Djiby Diallo est rendu amer par l’absence d'autorités sénégalaises au festival Jokko de Florence, organisé le 13 décembre dernier, par sa structure Global sono label (GSL). Cette initiative de l’ambassadeur d’Italie au Sénégal, Arturo Luzzi pour rapprocher les deux peuples suite à l’assassinat de deux Sénégalais dans la ville berceau de la Renaissance en Italie, n’a enregistré la présence d’aucun membre du gouvernement sénégalais. Même pas Youssou Ndour, pourtant très attendu ; il a plutôt délégué son chargé de mission Oumar Pène. Une bonne occasion, mais ratée, de vendre la ''destination Sénégal'', pour le ministre de la Culture et des Loisirs.

 

 

Vous êtes connu pour votre profession d'avocat, pourquoi vous-vous êtes lancé dans l'événementiel culturel ?

 

Je suis avocat à la Cour, j’exerce depuis 22 ans. Ma pratique professionnelle m’a rapproché des artistes. Je suis l’avocat des artistes, Youssou Ndour y compris. Je travaille avec Youssou Ndour depuis 1992 et de cette expérience j’ai eu plusieurs connections avec de nombreux artistes sénégalais et étrangers. Ce qui m’a amené à intervenir davantage dans le showbiz sénégalais pour lequel j’ai une vision. J’essaie de produire les artistes en CD et en spectacles dans le cadre d’une structure qui s’appelle Global Sono Label (GSL). J’essaie de mettre également en place des concepts culturels que je propose aux artistes et à ceux qui le veulent, pour qu’ils les exécutent. Même dans le domaine de la lutte, j’ai créé la structure de Moustapha Guèye, ‘’Tiger production’’, qui produit également des combats de lutte.

 

Disons que vous faites du business culturel ?

 

Je ne suis pas dans le business. Je reste avocat mais je reste également un avocat moderne. J’essaie de manager compte tenu de l’expérience que j’ai dans le showbiz. J’estime que la meilleure chose que nous pouvons vendre à l’extérieur, c’est notre culture. Je suis d’avis que si nous sommes organisés, l’État du Sénégal peut engranger beaucoup de recettes à travers l’art, la culture.

 

A quand remonte votre passion pour la culture ?

 

C’est depuis ma tendre jeunesse. D’abord comme élève, ensuite comme étudiant. Et quand je suis devenu avocat, j’ai eu la chance de défendre des dossiers relatifs aux droits d’auteur. Pour la petite histoire, le premier dossier que j’ai défendu, c’était contre Youssou Ndour en 1991 chez Me Guédel Ndiaye, comme avocat stagiaire. J’étais chargé de monter le dossier de Walid Ezzedine contre Yousou Ndour, à propos de tee-shirt que Ezzedine avait produits et sur lesquels il avait inscrit ‘’Set Set Set’’ (une chanson de Yousou Ndour), pour les vendre sans l’autorisation de Yousou Ndour. J’étais avocat de Walid Ezzedine et j’ai gagné ce procès.

 

Comment avez-vous fait pour défendre Ezzedine ?

 

J’avais axé ma plaidoirie sur la différence des genres. C’était la chanson de Yousou Ndour, mais le textile et la musique sont des œuvres qui ne sont pas du même genre. Pour qu’il y ait contrefaçon, il faut que l’œuvre créée et l’œuvre contrefaite soient du même genre. C’était ça l’obstacle. Donc la musique et le tee-shirt ne sont pas du même genre. A la suite de cette affaire, j’ai eu la chance de rencontrer Youssou Ndour qui m’a fait confiance et depuis lors, il m’avait choisi comme son avocat. Et mon contact avec lui m’a ouvert beaucoup de portes avec le showbiz sénégalais, où pratiquement j’ai eu des contacts avec tous les artistes que j’ai eu à défendre ou à conseiller.

 

Et depuis quand avez-vous créé Global Sono Production ?

 

Cela fait juste un an et demi que j’ai créé cette structure pour mieux aider les artistes à se produire.

Vous avez récemment organisé un festival à Florence, dans quel cadre ?

C’est une initiative humanitaire faite à la suite de l’assassinat des deux Sénégalais vivant à Florence (NDLR : Mor Talla Diop et Modou Samb, tués par balles par un forcené du nom de Gianluca Casseri, le 13 décembre 2011 à Florence ; lequel s'est suicidé après coup) et des deux autres qui ont subi des blessures graves. L’ambassadeur d’Italie au Sénégal, Arturo Luzzi, a estimé qu’il fallait, pour rapprocher les deux peuples, mettre en place un concept entre des artistes sénégalais et des artistes italiens pour communiquer avec un public composé aussi bien d’Italiens que de Sénégalais.

 

Comment avez-vous organisé ce festival ?

 

Je dois rappeler que c’est le festival humanitaire de Florence qui est baptisé Jokko en (concertation, en wolof). C’est l’ambassadeur Arturo Luzzi qui a eu l’heureuse initiative de proposer cela au maire de Florence. Cela a été tellement facile, car le maire nous a dit que même les Sénégalais vivant à Florence avaient une telle idée, mais qu’il était plus facile de l’organiser avec l’ambassade d’Italie au Sénégal, et que Youssou Ndour s’implique personnellement en tant qu’artiste et ministre pour faciliter les contacts au niveau de Florence. Ce que Youssou Ndour a accepté. Au niveau de l’Italie, ils avaient pris toutes les dispositions pour qu’un ministre soit présent durant ce concert. Malheureusement, le gouvernement du Sénégal n’a pas envoyé de ministre.

 

Pourquoi ?

 

Je ne sais pas...

 

Êtes-vous déçu par l’absence de Youssou Ndour ?

 

C’est le public, qui était là-bas qui l’attendait et qui ne l’a pas vu, qui était déçu, ainsi que les autorités italiennes. Parce qu’il y a plein de gens qui étaient venus rien que pour voir Youssou Ndour. Je regrette franchement qu’il ne soit pas venu, car j’ai vu l’enthousiasme avec lequel les gens l’attendaient.

 

Aviez-vous au préalable adressé des correspondances aux autorités sénégalaises ?

 

Depuis un an on a travaillé sur le projet, saisi toutes les autorités concernées, notamment le ministère de la Culture, le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur. Moi-même j’ai adressé des courriers aussi bien à la RTS, au ministère de la Communication, au ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur qu'à la Présidence de la République. Malheureusement, avant de partir, on n’a eu aucune réaction, ni du gouvernement ni de la RTS, malgré son engagement à nous accompagner dans ce projet.

 

Quel est votre sentiment ?

 

Je regrette franchement que le gouvernement du Sénégal ne se soit pas impliqué comme il se devrait dans ce projet, au regard du caractère de cet événement qui nous permettait déjà de vendre la destination Sénégal, parce que nous sommes partis avec des artistes sénégalais à Florence et le gouvernement est resté inerte. Donc, ce concert s’est fait sans la présence d’un seul membre du gouvernement. Même si Oumar Pène, qui est chargé de mission de Youssou Ndour, a parlé au nom de Yousou Ndour, pour s’excuser de son absence, parce qu’il avait pris l’engagement d’être présent et qu'au dernier moment il n’a pas pu le faire et c’est regrettable.

 

Est-ce que l’ambassadeur du Sénégal en Italie a réagi ?

 

Moi je ne l’ai pas vu. Il n’a pas envoyé de conseiller non plus. Parce que si son conseiller était là, je pense que je l’aurai vu. Et j’estime qu’il ne peut pas ne pas être au courant. Je regrette simplement que l’État italien ai fait autant d’efforts, la mairie de Florence de même et que nous autres soyons restés inertes pour un projet aussi important.

 

Est-ce que vous aviez saisi l’ambassade du Sénégal en Italie dès votre arrivée à Florence ?

 

En tant que privé, il ne m’appartenait pas de saisir l’ambassade, ce n’était pas de mon ressort. Il était du ressort du chargé de mission du gouvernement du Sénégal, notamment Oumar Pène, de faire le nécessaire. Moi j’étais là pour arrondir les angles, essayer de coordonner les artistes, de communiquer avec les organisateurs qui étaient là, pour au moins qu'il n’y ait pas de couacs du point de vu de l’organisation, en ce qui nous concerne, nous autres Sénégalais. C’est ce que j’ai fait. J’ai essayé de voir s’il y avait une autorité sénégalaise, ce qui n’a pas été le cas. Si j’avais vu l’ambassadeur ou le consul même, je lui aurais parlé. Parce que les autorités italiennes étaient très choquées de la non présence même d’un membre du gouvernement Sénégalais.

 

Y a-t-il eu une couverture médiatique nationale ?

 

J’avais saisi, avant notre départ, toutes les télévisions. Et chaque télévision, en dehors de la RTS et de la 2STV, avait demandé un ticket d’entrée (tous frais affairant au voyage), ce que nous ne pouvions pas, car le gouvernement ne nous a pas appuyés. Ce qui fait que les télévisions sénégalaises étaient absentes à cet événement, qui a mobilisé pratiquement toutes les télévisions européennes. D’ailleurs, je suis revenu avec des enregistrements vidéos pour les proposer aux télévisions du Sénégal.

 

Quels sont les artistes qui ont pris part au concert ?

 

Le concert a eu lieu le 13 décembre, il y avait Yoro Ndiaye, Souleymane Faye et Oumar Pène. Il y avait aussi les plus grandes stars de la musique italienne, malheureusement, je ne connais pas leurs noms. Mais je peux vous dire que c’est un concert qui a été entièrement réussi et qui s’est déroulé à la salle Nelson Mandela, à Forum de Florence, et la salle a fait le plein. Je pense que nous avons laissé un impact au niveau de la conscience des Italiens et des Sénégalais. Ce qui s’est passé n’est qu’un acte isolé et je souhaite que les deux peuples, italiens et sénégalais, restent amis.

 

Qui a pris en charge les artistes sénégalais ?

 

Ils étaient 12 personnes, réparties entre les 9 personnes de Oumar Pène et son groupe, Yoro Ndiaye, Souleymane Faye et moi-même, en tant que coordonnateur. Ma structure a pris en charge les deux musiciens accompagnateurs de Souleymane Faye et Yoro, puisqu’ils avaient droit chacun à un seul musicien.

 

Vous avez parlé d'une salle Nelson Mandela qui a fait le comble. Combien avez-vous récolté pendant ces levées de fonds ?

 

Les levées de fonds n’étaient pas de notre ressort, c’est la mairie de Florence, l’organisatrice principale, qui gérait les entrées, les fonds. C'est elle qui peut savoir combien cela a rapporté. Vraiment, je ne me suis pas occupé de cet aspect du concert.

 

Combien avez-vous gagné dans ce festival ?

 

Je n’ai rien gagné dans ce festival. J’ai fait un montage avec ma structure et j’ai trouvé, dans ce montage, les moyens d’amener les deux artistes. Le plus important n’était pas l’aspect financier, car à travers le concert, il y a eu des contacts, des ouvertures, notamment pour ma structure (GSL) et pour les artistes avec lesquels je suis parti. J’ai négocié pour eux des contrats. Par exemple, on va faire prochainement un CD qui sera financé par les Italiens et dans lequel il y aura une compilation de blues où vont participer Yoro Ndiaye, Souleymane Faye et d’autres artistes que j’ai identifiés. C’est un investissement qui nous permettra d’avoir une ouverture sur le monde extérieur, notamment sur l’Italie. Je suis en train de monter un autre festival acoustique pour l’été à Rome, où je vais identifier les ''accoustiqueurs'' sénégalais qui vont y participer. Je vais accueillir, ici, à mon restaurant le Selebeyone, des artistes italiens et rendre compte à l’ambassadeur d’Italie au Sénégal.

 

Vous dites que c’est une affaire humanitaire, à qui sont destinés les fonds récoltés ?

 

Oui, c’est une affaire humanitaire et la mairie de Florence a pris l’engagement de verser les fonds aux victimes et à leur famille.

 

Quelle sera la périodicité de ce festival ?

 

Je suis en train de discuter avec eux, pour que le festival Jokko de Florence soit annuel. Mais faudrait-il que je discute avec les gens de Florence qui étaient au devant de la scène, et voir au niveau du Sénégal comment éviter les erreurs que le gouvernement a commises en ne s’impliquant pas.

 

 

PIERRE BIRAME DIOH

 

 

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