Publié le 4 Jul 2019 - 19:50
MOUHAMADOU MAKHTAR CISSE, MINISTRE DU PETROLE ET DE L’ENERGIE

‘’L’important c’est de toujours avoir le contrôle de notre destin’’

 

Sous le feu de l’actualité, du fait de la récente hausse des prix à la pompe de l’essence et du gasoil et de la polémique les contrats pétroliers et gaziers, nouvellement installé, le ministre du Pétrole et de l’Energie, Mouhamadou Makhtar Cissé croit savoir que la polémique n’a pas sa raison d’être. Et que le débat sur le contenu local, à impulser dans le cadre de l’exploitation des ressources gazière et pétrolière, est le cœur du problème.  

 

Le Contenu local : vraie réponse aux questions actuelles

Le contenu local, c’est ce qui va structurer la vie économique de notre pays et l’avenir de sa jeunesse. Sur le plan légal et réglementaire, le président de la République a fait adopter un arsenal législatif afin d’encadrer dans la transparence, de la conception  aux décrets, la gestion des ressources du Sénégal. Le contenu local a pour finalité d’encadrer l’achat des biens et services nationaux, de faire la promotion des entreprises de droit et de capitaux sénégalais, lancer un programme d’industrialisation à partir des dérivés du pétrole et du gaz, sans oublier la santé, l’éducation ainsi que toutes les collectivités, surtout les moins nanties… Tout cela se fait dans la stricte transparence. Les termes sont inscrits dans l’article 25 de la Constitution. Et je précise que très peu de pays ont constitutionnalisé le droit de propriété sur les ressources. Le Président Macky Sall nous d’ailleurs fixé un contenu local de 50%, d’ici à 2030, ce que même de grandes puissances comme l’Angleterre n’ont pas fait à leur début lorsqu’ils ont découvert du pétrole sous leur sol.

Hausse des prix à la pompe de l’essence et du gasoil

Non, il ne s’agit pas d’un changement de cap ou de politique, mais d’un ajustement tarifaire. Cette hausse est une étape transitoire qui doit être gérée dans le calme et la sérénité en attendant le premier baril sénégalais. Il faut comprendre que l’important, pour l’Etat du Sénégal, c’est de continuer à avoir le contrôle de notre destin…

Cette hausse est consécutive à celle du prix du baril de pétrole, une contrainte qui s’impose à tous les pays exportateurs de pétrole dont le Sénégal, même si le nôtre est encore dans une étape non encore effective. Il s’agit donc d’ajustements nécessaires et je rappelle que l’on est ici dans le cadre d’une réalité exogène. Sous ce rapport, les Sénégalais ont encore à l’esprit les efforts consentis par l’Etat pour contenir pendant de longues années les répercussions des hausses successives sur le prix du baril afin de permettre aux populations de ne pas les ressentir.

Notamment en subventionnant les sociétés commerciales importatrices du combustible, ainsi que la Sar. Il y a aussi la prise en charge de la compensation de la Senelec pour éviter une hausse du prix de l’électricité. La dernière intervention de l’Etat sur le prix des hydrocarbures, c’était en 2016, et elle s’était traduite par une baisse de 100 francs Cfa sur le super et le gasoil. Cette hausse n’était pas générale. Sur les autres produits, l’Etat continue de contenir les effets en dépit de la hausse, pour soulager les Sénégalais, au nom de sa politique sociale. Je voudrais, dans le même ordre d’idées, mettre ici en évidence l’octroi des bourses et aides aux étudiants à hauteur de 67 milliards, dont 7 milliards au titre de bourses étrangères ; les bourses familiales dont le montant est estimé à 40 milliards Cfa par année et, last but not least, la Couverture maladie universelle (Cmu) qui, sur les cinq dernières années, a mobilisé à peu près 60 milliards. A cela s’ajoutent les dépenses qui viennent structurer et dynamiser le tissu économique à travers les injections de fonds dans l’agriculture notamment, pour les objectifs d’autosuffisance alimentaire et de programmes agricoles.

Nous avons augmenté les prix de l’essence et du gasoil, mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’au Sénégal, nous avons 13 produits pétroliers que nous importons et commercialisons. Donc 11 produits n’ont pas été impactés dont le pétrole lampant, le gasoil pour pêcheurs, le gaz de tous les conditionnements de 2,7 à 38 kilogrammes, sans compter les produits qui vont dans les industries etc. En 2017, le Président avait décidé de diminuer le prix de l’électricité de 10%, alors qu’il n’y avait aucune pression ni sociale ni politique, encore moins syndicale. Sans contrainte, ne tenant compte que de la baisse du coût du baril dans le monde, il avait décidé de baisser le prix de l’électricité au profit donc du consommateur. 

Affaire des contrats pétroliers : Constantes, confusions et exagérations

Sur cette affaire, beaucoup de choses ont été dites. Mais je retiens pour ma part je retiens que, dans le reportage de BBC, il n y a que trois chiffres qui sont donnés. On a parlé de 25 mille dollars pour un salaire, de 250 mille dollars de transfert pour contourner les Impôts. Si c’est pour cela, le Sénégal a les moyens de récupérer cette somme. On a parlé de 6 mille milliards que l’Etat aurait perdus sur différentes transactions. Pour moi, c’est faux. Comment peut-on perdre sur une ressource qu’on n’a pas commencé à exploiter ? On fait beaucoup de confusion dans cette affaire. Il y a deux types de contrats.

Il y a les contrats pétroliers dans lesquels un pays signe avec la société et celle-ci exploite pour verser un pourcentage établi donc en amont. Ce n’est pas le cas du Sénégal. On a d’ailleurs changé notre législation. L’article 25 de notre Constitution dit clairement que ces ressources appartiennent au peuple. Il y a aussi les Contrats de recherche et de partage. C’est le schéma que nous avons au Sénégal. Cela veut dire que la société investit pour la recherche et une fois que le pétrole ou le gaz sortent de terre, on défalque les dépenses et les Impôts. Pour le gaz que nous partageons avec la Mauritanie par exemple, nous ne serons pas à moins de 60%. Sur le gisement de Sangomar, nous attendons au moins 653 millions de barils et pas moins de 55 %, selon les estimations. Il nous faudra pour l’extraction, 33 milliards Cfa.  Dans les gisements du Nord, Saint Louis offshore profond, c’est l’équivalent du Produit intérieur brut du Sénégal qui y sera investi, soit 15 milliards de dollars sur les trois phases, pour pouvoir extraire la ressource. Je précise avec force que les différentes parts de l’Etat du Sénégal sont publiées et accessibles à tous. Cela est parfaitement accessible.

Du Budget et de ses contraintes

C’est le budget qui dicte les règles du jeu. Le budget, ce sont les recettes et les dépenses. Il y a des pays qui ont des avantages du fait qu’ils ont une monnaie comme les Etats-Unis qui jouent sur cela. Nous avons le Cfa avec la parité fixe qui ne nous donne pas toutes les possibilités. Donc, ce que nous avons, c’est le budget. Et les taxes alimentent le budget en vérité. Le Sénégal vit en gros avec les recettes des Impôts et des Douanes. Et si on va vers les marchés financiers pour emprunter de l’argent, c’est parce que souvent ce n’est pas suffisant. Et l’Assemblée nationale autorise, chaque année, l’Etat à emprunter pour faire face à cette situation pour avoir assez de ressources et faire face aux besoins des populations. Le développement, c’est un processus qui n’est pas simple et qui peut être long. Donc, dans ces étapes pour aller vers l’émergence, la maîtrise de l’Energie est centrale. Mais pour que ce secteur puisse respirer comme il faut, les réformes sont nécessaires pour que des sociétés comme la Société africaines de raffinage ou la Société nationale d’électricité (Senelec) ou d’autres sociétés privées puissent rester solides.

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