Publié le 17 Jan 2014 - 02:12
NÉCROLOGIE – CULTURE

Les chantiers inachevés d'Oumar Ndao

 

Dramaturge, metteur en scène et enseignant de la littérature du Maghreb à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Oumar Ndao fut, depuis septembre 2009, le directeur de la Culture et du Tourisme pour la Ville de Dakar. Décédé le 14 janvier dernier à l'hôpital Principal de Dakar, le monde de la culture sénégalaise a perdu un artiste...utopiste, sans doute en avance sur son temps.  Silhouette de ses désirs, Omar Ndao part en laissant derrière lui un lourd héritage. Que de chantiers à achever !

 

C’est avant-hier mardi 14 janvier, vers 16 heures, qu’eut lieu à l’hôpital Principal la levée du corps de feu Oumar Ndao. Il s’était éteint plus tôt, le même jour, des suites d’une maladie qui, depuis plusieurs semaines, l’avait contraint à être hospitalisé... Titulaire d'une maîtrise de lettres modernes, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (1985), d'un diplôme d’études approfondies et d'un diplôme d’études spécialisées en littérature comparée, à l’Université Mohamed V de Rabat (Maroc), respectivement en 1987 et 1991, le dramaturge et metteur en scène sénégalais Oumar Ndao était aussi un acteur dynamique et polyvalent de la scène culturelle locale.

Oumar Ndao avait une fibre particulière. Celle créatrice, qu'on retrouve chez les grands faiseurs de contes et de formes... Un homme de l'art. ''Nous allons réhabiliter Sembène (car) le Sénégal n’a pas fait grand-chose pour lui'', avait confié le défunt Oumar Ndao dans une interview accordée à EnQuête (publiée le 03 juillet 2013) en marge de la cérémonie de lancement du single de sensibilisation Set wecc initié par la ville de Dakar. Oumar Ndao fut un enseignant, critique d'art et...  utopiste comme rarement on en trouve au Sénégal. 

À la tête de la Direction de la culture et du tourisme de la Ville de Dakar depuis septembre 2009, Omar Ndao s’est évertué, dans un esprit de concertation et de partage avec les acteurs culturels, à mettre en œuvre le programme "Développement d’animation culturelle et artistique" (DACAR). Cette initiative vise la construction d’infrastructures, la formation des acteurs culturels, la création de réseaux de diffusion des produits artistiques et l’appui à la production. La Ville de Dakar fut un de ses derniers chantiers.

Dakar, en pôles de convergences...artistiques

''La Ville de Dakar a sous sa tutelle dix-neuf centres culturels implantés dans les dix-neuf communes d’arrondissement. Dans leur état actuel, ces infrastructures ne peuvent pas accueillir des manifestations culturelles sérieuses. Parce qu’elles sont dans des espaces étroits, non équipés, elles ne sont pas destinées à des événements artistiques de qualité''. Il a donc fallu une redéfinition des centres culturels que ''nous appelons aujourd’hui des pôles''. 

Décliné en termes simples, cela donne cela : ''Dans chaque secteur, nous regroupons trois ou quatre communes d’arrondissement en pôles qui ont chacun une grande spécialité et deux petites spécificités artistiques. Si par exemple on prend la zone du Nord, vous aurez Ngor, Yoff et Ouakam qui s’occuperont du pôle majeur de danse dans des communes d’arrondissement pendant que les deux autres recevront d’autres disciplines artistiques comme la musique pour le second et le cinéma pour le troisième. C’est un programme qui s’adresse à un public populaire sur trois années.''

Le plan d'Oumar  Ndao pour rebooster l'art à Dakar n'a rien de bien poétique. Bien au contraire, il puise ses racines dans la terre, le vécu quotidien. 'Tout est bien concret. 'Nous avons pour la première année le pôle majeur qui s’occupe de l’enseignement général. Après, les apprenants reçoivent un enseignement spécialisé dans d’autres espaces de la ville où sont les pôles mineurs.

Par exemple, si vous réussissez vos tests la première année dans un pôle majeur de danse, vous êtes orientés dans un pôle spécialisé de la danse traditionnelle, la danse classique, la danse Hip hop, etc''. Plus qu'une simple réforme, ''c’est donc un plan de restructuration des infrastructures''. Mais pour importante qu'elle soit, ''tout n'est pas dans l'infrastructure''.  Il y a ce ''point capital'' qui est ''l’appui à la production''. Parce que ''les créateurs sénégalais ont souvent des difficultés pour accéder à des ressources techniques, financières ou d’un autre ordre. C’est pour cette raison que le conseil municipal a mis en place un fonds de 150 millions de francs Cfa renouvelable chaque année.''

La réhabilitation des salles de cinéma à Dakar

Pour un homme de sa génération qui a intensément vécu mai 68, la liberté est dans l'espace. ''En ce qui concerne le programme du pôle majeur que nous avons l’intention d’attaquer cette année (2013), c’est sur le site de l’actuel cinéma El Mansour. Vous savez qu’il y a eu beaucoup de légendes autour de ce cinéma. Même s’il est réputé avoir été un lieu de sauvagerie, c’est un mythe urbain qui fut un centre de diffusion de cinéma''.

Utopiste ? ''Pour corriger tout cela, nous avons décidé d’en faire un véritable multiplex avec trois petites salles de cinéma dont une sera consacrée à la formation aux métiers du cinéma. Étant donné qu’il y a une trentaine de métiers autour du septième art, nous inviterons les apprenants à venir se perfectionner''. Très influencés par Sembène Ousmane, il déclare : ''Nous aurons trois à quatre salles de cinéma dans le complexe qui s’appellera le complexe cinématographique Sembène Ousmane.

Nous voulons juste corriger une injustice qui frappe ce monument du cinéma africain pour lequel notre pays n’a pas fait grand-chose''. La générosité... géographiquement déclinée ? ''Dans ce complexe, vous avez au rez-de-chaussée des produits commerciaux, un petit centre commercial, des magasins, des boutiques, des fast-food, etc. Il y a aussi la grande salle de trois à quatre cents places. A l’étage, vous avez l’institut de formation, quelques petites boutiques et surtout une infrastructure technique qui peut être utile à la réalisation cinématographique locale.

On peut avoir un studio de montage ou d’enregistrement. Puisqu’il va falloir gérer toutes ces infrastructures, nous aurons évidemment un bloc administratif et aussi un réceptif hôtelier. Il arrive souvent à l’occasion de grandes manifestations culturelles et des festivals que les hôtels coûtent trop cher pour accueillir les participants.'' Sembène vaut sans doute toute cette générosité, Oumar Ndao aussi.

Almami Camara

 

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