Publié le 26 Sep 2012 - 20:10
NAUFRAGE DU JOOLA-TÉMOIGNAGE DE SERGE BOISSY(RESCAPE)

''La ruse qui m'a sauvé du naufrage''

 

 

Serge Boissy est frigoriste de profession. Il fait partie des rares civils qui travaillaient dans le bateau le Joola et des 64 rescapés du naufrage du bateau le Joola. Dans ce témoignage, il revient sur les derniers instants du bateau, le combat qu'il a mené cette terrible nuit pour sa survie, les appréhensions du commandant du bateau...

 

''Au moment de quitter Ziguinchor, un homme est tombé d'une embarcation qui passait à proximité du bateau le Joola. On a appelé les Sapeurs-pompiers qui l'ont recherché en vain. Déjà c'était un mauvais signe. Cependant, de guère lasse, le commandant s'est résolu à donner l'ordre de partir. Une fois à Carabane, c'était le même spectacle. Tout le monde voyait comment le bateau était incliné. Néanmoins, on a continué à charger le bateau de marchandises. Principalement des paniers de poissons secs et autres denrées de la même famille. Personnellement, j'ai cru que c'est là-bas que le bateau allait couler. J'étais assis dans le restaurant. Tout à coup, le bateau s'est penché sur un côté et ma chaise a glissé d'un bout à l'autre du bateau, avant d'en heurter la paroi. Imaginez l'angle d'inclinaison qui puisse amener une chaise à glisser d'un bout à l'autre du bateau. N'empêche que nous avons continué notre chemin.

 

La fébrilité du commandant de bord

 

Le commandant n'était pas dans son assiette. Chaque 5 mn, il demandait à l'un des travailleurs du bateau d'aller vérifier tel ou tel endroit du bateau. Comme s'il avait senti le naufrage. Arrivé aux larges de la Gambie, une tempête a éclaté. Il y a eu un grand vent. J'étais avec des amis sur la terrasse du bateau, on parlait de foot, assis sur un matelas. Il y avait Papis Diédhiou, un autre civil qui travaillait comme moi sur le bateau, Sagna et aussi Alassane Ba qui venait d'acheter un billet pour se rendre en France. Papis Diédhiou était un militaire ayant séjourné dans la brousse. Lorsque le vent frais s'est mis à souffler, il nous a fait comprendre qu'il précédait généralement la pluie. Il nous a conseillé de descendre. Il fallait rentrer dans le bateau, mais je devais travailler le lendemain matin. Donc, j'avais besoin de sommeil. Je ne pouvais pas les suivre. Je les ai laissés me devancer, en traînant les pieds pour ranger le matelas. C'était une ruse et c'est ce qui m'a sauvé. Lorsqu'ils sont partis, je suis descendu d'un palier, connaissant parfaitement le bateau, je suis entré dans la salle des machines où étaient disposés des groupes électrogènes, des pompes etc. J'y ai déposé le matelas et puis je me suis couché.

 

 

Il vent a redoublé d'intensité et la pluie s'est mise à tomber. J'ai senti les voitures stationnés dans le garage, au fond du bateau, cogner contre la paroi. J'étais couché sur le dos. Quelques secondes plus tard je me suis retrouvé debout. Ce qui veut dire qu'en moins d'une minute le bateau s'est retourné. Le temps de réaliser comment j'étais parvenu à me retrouver sur deux pattes, alors que je m'étais étalé sur le dos, j'étais dans l'eau. Je me suis retrouvé au fond de la mer. Ce qui m'a sauvé, c'est qu'il y avait toujours de la lumière, car les groupes continuaient à fonctionner. J'ai pu me faufiler et sortir du bateau. Mais avant cela, j'ai dû lutter contre une porte qui avait coincé ma main. J'ai même cru qu'elle m'avait arraché les doigts. Lorsque j'ai refait surface, il y avait un véritable bazar. Il y avaient des cris, des pleurs. Les gens se lamentaient. Ils invoquaient leurs croyances. Ils se demandaient comment cela était possible ; pourquoi un tel malheur les frappait.

 

Un silence sidéral

 

Rapidement, je me suis dit qu'on était en pleine mer. Je ne sais pas nager et je ne peux pas compter sur un autre. J'ai avisé une aussière. Ce sont les gros cordages qui servent à l'amarrage et le remorquage des navires. Je l'ai enroulée jusqu'à obtenir un gros tas. Je me suis installé dessus. Il s'était écoulé quelques minutes. Tout à coup, je me suis rendu compte du silence qui avait succédé aux lamentations. Il n'y avait plus de lamentations, ni de cris. Je ne voyais personne. Je pensais que j'étais le seul rescapé. Je me disais que Dieu m'avait choisi pour vivre. Maintenant, c'était une question de maîtrise et de courage. Il fallait trouver le moyen de m'en sortir. À cause du grand vent et de la pluie et il était impossible de voir à plus d'un mètre. C'est ainsi que j'ai été heurté par une caisse qui contenait des gilets. J'en ai pris un que j'ai enfilé et puis je me suis laissé entraîner par le courant, jusqu'au petit matin.

 

Sauvé par des pêcheurs lébous

 

Le naufrage a eu lieu à 23 h. Ma montre s'est arrêtée à 23h 15mn. Au petit matin j'ai vu des feux artificiels allumés par ceux qui avaient eu la chance d'entrer dans des canots de sauvetage qui sont équipés de torches, de feux artificiels, de vivres etc. Mais les bateaux de pêche qui se trouvaient à proximité ne sont pas venus à notre secours, je ne sais toujours pas pourquoi. Ce sont les pêcheurs lébous et leurs pirogues qui nous ont secourus. Ce sont eux qui se sont mis à la recherche des survivants, au petit matin. Lorsqu'on me repêchait, il faisait 7h 15mn. Le gilet que je portais contenait un sifflet que j'ai utilisé jusqu'à ce qu'ils me repèrent. Ensuite, ils m'ont transporté dans un bateau le Marétalia qui m'a amené à Dakar. Il faisait 9h. Mais je suis resté sur le lieu de l'accident jusqu'à 18h. Les secours gambiens sont arrivés à 14h 30mn. Nous étions 64 rescapés pour 2000 personnes.

Une fois au port de Dakar, j'ai été acheminé à l'hôpital Principal où je suis resté une semaine. Un an plus tard, ils nous ont dédommagés. J'ai reçu 10 millions F Cfa.

 

 

Gaston COLY

 

 

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