Un plaidoyer sur le financement de l’agroécologie

Dans le cadre de la semaine mondiale d’action pour le climat, une marche a été organisée par ActionAid Sénégal, ce jeudi à Dakar. Dénommée « Marche verte pour le climat », elle s’est déroulée du Rond-point UCAD à la Place du Souvenir africain. Un plaidoyer a été fait pour que les politiques publiques répondent aux urgences climatiques et soutiennent le financement de l’agroécologie.
T-shirt blanc, casquette sur la tête, un nombre impressionnant d’hommes et de femmes, majoritairement jeunes, venus de plusieurs localités du pays, ont marché à Dakar, hier, sous le soleil chaud. Scandant en chœur « Justice climatique », ils ont marché du Rond-point UCAD à la Place du Souvenir. Sur les pancartes, on peut lire : « Nos voix comptent. Ensemble pour une transition juste et inclusive » ; « Pour une planète vivable et des communautés résilientes, investissons dans l’agroécologie » ; « Des sols vivants pour des vies dignes », etc. Dénommée « Marche verte pour le climat », cette randonnée a été organisée dans le cadre de la semaine mondiale d’action pour le climat.
Chapeau beige sur la tête, des lunettes bien serrées, la directrice pays d’ActionAid Sénégal, Khaita Sylla, déclare : « Cette marche s’inscrit dans une campagne mondiale de tous les bureaux d’ActionAid. Nous sommes présents dans 45 pays dans le monde, dont 19 pays en Afrique. » La campagne s’intitule « Financer notre avenir ». Chaque pays est libre d’adapter cette campagne à sa guise. Au Sénégal, l’agroécologie est au cœur des préoccupations. « Nous avons insisté sur les moyens de résilience face au changement climatique. Parce que nous travaillons avec des communautés agricoles dans des régions reculées du Sénégal. Et donc, pour nous, l’agroécologie est le point d’entrée pour cette campagne sur la justice climatique », martèle Khaita Sylla.
Ainsi, durant la marche verte, des revendications ont été faites dans ce sens. Élancée, coiffure afro, la « lead activiste artistique » au sein de la plateforme Global Platform, Fatoumata Binetou Touré, affirme que l’agroécologie n’est pas une alternative, mais une solution face à la crise climatique. « Nous marchons pour un avenir juste, durable et inclusif. Nous marchons pour que les politiques publiques répondent enfin aux urgences climatiques et soutiennent le financement de l’agroécologie », indique-t-elle, demandant une solution juste, résiliente et durable. « Elle protège notre environnement, renforce notre souveraineté alimentaire et valorise nos savoirs endogènes. Elle est la voie vers une transition écologique juste et équitable », assène-t-elle devant le public, depuis un podium, à la Place du Souvenir africain.
D’après ActionAid, cette transition ne peut réussir sans un engagement fort de l’État. Il est demandé un financement public structurant pour l’agroécologie, afin de soutenir des pratiques agricoles respectueuses de la nature et des communautés.
Intégrer l’agroécologie dans les politiques agricoles, climatiques et éducatives…
Khaita Sylla indique que l’État du Sénégal investit actuellement 10 % de son budget dans l’agroécologie. L’une des revendications des défenseurs de l’environnement est que cette subvention soit augmentée. Soutenant qu’il faut financer l’avenir et non la crise, ils réclament 30 % des subventions agricoles pour les engrais organiques d’ici 2028 ! « Nous demandons que 30 % du budget de l’agriculture soit dévolu à l’agroécologie pour mieux soutenir les populations », ajoute la directrice pays d’ActionAid Sénégal.
Ses collaborateurs appellent l’État du Sénégal et les collectivités territoriales à : intégrer l’agroécologie dans les politiques agricoles, climatiques et éducatives ; réduire l’usage des intrants chimiques et atteindre 30 % de surfaces agricoles en agroécologie d’ici 2030 ; finaliser la révision de la Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale pour y inclure la labellisation des produits agroécologiques.
Il est aussi demandé la création de marchés territoriaux et institutionnels pour les produits agroécologiques, et la mise en place de mécanismes de financement accessibles et équitables, notamment pour les femmes et les jeunes, acteurs clés de cette transition. « Souvent invisibles dans les politiques agricoles, les femmes n’en sont pas moins les gardiennes de la biodiversité et les piliers de la sécurité alimentaire. 70 % des femmes rurales sont actives dans l’agriculture, mais reçoivent moins de 10 % des financements agricoles. Les jeunes, porteurs d’innovation et de résilience, doivent être soutenus pour bâtir l’agriculture de demain. Nous ne demandons pas des faveurs », insiste-t-on.
Demande de réparation
« Au niveau des COP, est-ce qu’il ne faudrait pas que les pays africains parlent d’une seule voix pour donner plus de force à l’agroécologie ? » À cette question, Khaita Sylla rétorque : « Absolument ! Pas seulement au niveau des COP, mais également sur toutes les questions au niveau international. Nous avons l’impression que l’Afrique est toujours au banc des spectateurs. Nous avons vu comment la crise financière mondiale est en train d’affecter le monde. Les Européens sont obligés de s’adapter par rapport à ce qui se passe aux États-Unis. Mais en Afrique, nous ne voyons pas le leadership nécessaire pour avoir une voix africaine afin d’adresser ces questions. Et la question du climat en est une. Donc, je crois, comme vous l’avez dit, qu’il est important que les pays africains soient ensemble et aient un même discours par rapport à la justice climatique. »
Elle souligne qu’il s’agit de justice. En effet, elle explique que ce sont les pays riches qui polluent pendant que les autres subissent. « Les pays du Nord nous doivent beaucoup de réparations. D’ailleurs, cette année, l’Union africaine a déclaré l’année 2025 comme année de la réparation », soutient Mme Sylla. Elle parle de réparation par rapport aux injustices passées, comme l’esclavage et la colonisation, mais aussi les « injustices actuelles », notamment la question climatique. « Ils continuent de polluer. Donc, ils nous doivent beaucoup d’argent. Ils nous doivent bien plus que nous ne leur devons. Il est important que l’Afrique parle d’une seule voix pour adresser ces questions qui interpellent le continent », a-t-elle soutenu, demandant aux pays riches d’arrêter de réclamer le paiement de la dette.
Au-delà de la marche, un certain nombre d’activités ont été organisées : des panels sur les questions climatiques, tout en intégrant les questions de genre et de jeunesse. Des jeunes ont été formés sur le fonctionnement du budget. L’objectif est de les sensibiliser aux politiques fiscales, mais aussi de leur donner les outils nécessaires pour réclamer plus de justice budgétaire auprès de leurs élus.
« Une cinquantaine de jeunes ont participé à cette formation. Depuis notre présence au Sénégal, nous avons mis en place des clubs de jeunes : les clubs Activista et les Global Platform. Ce sont ces jeunes des clubs que nous avons formés. Activista existe dans tous les pays où ActionAid est présent. Les Global Platform sont des plateformes où des jeunes d’Afrique et du monde se retrouvent pour discuter des questions qui concernent l’Afrique. À travers les clubs Activista, nous avons des antennes dans toutes les régions du Sénégal… », indique Khaita Sylla.
BABACAR SY SEYE