Publié le 1 Jun 2019 - 17:35
PEDOPHILIE et DETOURNEMENT DE MINEURES

Les deux taximen et les ados françaises fugueuses

 

Alassane Sow et son ami Ibra Gning ont été relaxés du délit de viol et condamnés pour pédophilie et détournement de mineures. Ils ont pris chacun 2 ans et devront payer solidairement la somme de 5 millions à M. Taliana et à O. Nicolas, deux adolescentes de nationalité française. Récit d’une affaire décapante.

 

C’est une affaire abracadabrante, comme on en voit rarement, qui a été jugée par le tribunal de grande instance de Mbour, il y a une semaine. Le verdict est tombé hier. Les principaux protagonistes sont O. Nicolas (15 ans) et M. Taliana (14 ans), deux adolescentes françaises qui ont été rapatriées au Sénégal, il y a onze mois, et confiées à un centre de réinsertion sociale qui se trouve à Thiès. Dernièrement, elles ont réussi à tromper la vigilance des responsables du centre, pour fuguer à Saly, afin d’y passer du bon temps.

Invitée par le juge à revenir sur les faits, O. Nicolas a raconté, dans un discours confus et alambiqué, leur odyssée. Arrivées au croisement de Saly, elles ont interpellé le taximan Alassane Sow qui les a emmenées au restaurant puis, dit-elle, les a séquestrées dans une maison. ‘’On a couché avec eux, sans notre consentement. Ils nous ont donné de l’alcool et on ne savait pas quoi faire. J’ai escaladé le mur. Mais Taliana était restée sur place, elle ne pouvait pas bouger. J’ai hurlé très fort et le gardien est venu nous ouvrir la porte‘’, raconte O. Nicolas. Des propos non corroborés par M. Taliana qui est restée silencieuse, quand le juge l’a interpellée. Malgré les demandes de sa copine, du responsable du centre et de leur avocat, la jeune fille est restée de marbre.

Alassane Sow, entendu à son tour, a tenu un tout autre discours. ‘’O. Nicolas m’a dit qu’elles voulaient se rendre à la Somone. J’ai demandé 6 000 F pour le voyage. Elle m’a dit qu’elle ne détenait que la somme de 3 500 F ; j’ai accepté. Après avoir roulé quelques minutes, O. Nicolas m’a remis 2 000 et m’a dit qu’elle n’avait que ça sur elle. Je lui ai dit que ce n’était pas grave, qu’arrivé à destination, celui avec qui elle vit payera le reste. Mais, en cours de route, O. Nicolas m’a dit qu’elle ne connaissait personne à Saly, ni à la Somone’’. Le taximan souligne que les deux adolescentes ont pris la décision de rester avec lui. Que la jeune Nicolas lui a dit : ‘’Tu me sembles être une bonne personne. Comme nous ne connaissons personne ici et que nous sommes venues pour passer du bon temps, mieux vaut qu’on reste avec toi jusqu’à la tombée de la nuit, pour aller en boite de nuit.’’

Là, Alassane Sow dit avoir appelé son ami Ibrahima Gning pour lui expliquer la situation. Il lui a demandé de le rejoindre, car les filles étaient venues faire du ‘bégué’. Puis, il s’est mis à la recherche d’un gîte. Le trio a ainsi fait le tour de plusieurs auberges afin de louer une chambre. Malheureusement, toutes les auberges étaient pleines. Alassane a alors loué une maison où Ibrahima Gning les a retrouvés. ‘’Elles ne détenaient rien sur elles. Nous sommes sortis pour aller au restaurant. On a tout payé. On leur a acheté du poulet et de la boisson. J’ai dit à Ibrahima : le Blanc a de la reconnaissance et que si nous prenions soin de ces jeunes filles, qui sait ce que leurs parents feraient en retour pour nous, afin de nous remercier d’avoir pris soin de leurs enfants‘’, raconte Alassane Sow.

Ainsi, au retour du restaurant, les filles ont entretenu plusieurs rapports sexuels non protégés avec les deux garçons, à tour de rôle. Puis, Ibrahima Gning, qui est un nouveau marié, est rentré chez lui, laissant Alassane avec ses invitées.

‘’Les filles voulaient du chanvre indien’’

Resté seul avec les deux adolescentes, Alassane Sow dit avoir commencé à prendre peur, quand elles ont demandé qu’on leur trouve du chanvre indien. ‘’J’ai commencé à avoir peur, à ce moment. J’ai tout tenté pour qu’elles retournent à Thiès. J’ai appelé Ibrahima pour lui dire que les filles réclamaient du ‘yamba’. J’ai dit aux filles qu’Ibrahima était parti à Dakar. Et que moi aussi je devais le rejoindre, parce qu’on avait une urgence. Elles m’en ont voulu et elles ont soutenu que je les avais séquestrées‘’, a soutenu Alassane Sow devant la barre. Ibrahima Gning a corroboré les déclarations de son ami.

Dans le procès-verbal, il est noté que M. Taliana a aussi couché deux fois avec un autre garçon du nom de Mohamed. Le juge lui demande si c’était le cas, elle a répondu par l’affirmative. En effet, les filles, après s’être séparées du chauffeur de taxi, sont allées frapper à la porte d’une maison. Elles ont demandé à être hébergées. Une tente a été mise à leur disposition dans ladite maison. Et un certain Mohamed a entretenu deux relations non protégées avec M. Taliana qui déclare : ‘’Je n’étais pas consentante. J’avais bu de l’alcool.‘’ ‘’Tu étais ivre ? Quel genre d’alcool tu avais bu ?‘’, lui a demandé le juge. ‘’Un peu. J’ai bu du whisky‘’, a répondu la jeune fille.

‘’Ce n’est pas la première fois qu’elles fuguent’’

Le responsable du centre qui a accompagné les filles devant la barre a expliqué que c’est dans un moment d’inadvertance que les ados ont pris la fuite. ‘’Elles étaient en cours. Profitant d’un moment d’inattention, elles ont pris la fuite. Ce n’est pas la première fois qu’elles fuguent. Quand elles sont rentrées, elles n’ont pas parlé de viol, mais de relations sexuelles par contrainte’’.

En effet, quand un adolescent fugue, de retour au centre, il est soumis à un interrogatoire serré. C’est ainsi que les responsables du centre ont découvert le séjour mouvementé des deux adolescentes.  L’avocat des fillettes a tenté de laver à grande eau les responsables du centre. Puisque Me Sow indique : ‘’Ce n’est pas à des amateurs que les enfants ont été confiées, mais à des professionnels.’’

Cependant, le conseil a chargé le taximan. ‘’Il avait un plan bien établi. Il s’est rendu à plusieurs auberges qui étaient toutes pleines. Il a finalement loué une maison. Il les a enfermées à clé et leur a demandé d’entretenir des rapports sexuels avec eux. Elles ont été obligées d’escalader le mur. Taliana était tellement ivre qu’elle ne pouvait même pas bouger. C’est des caractères typiques de malfaiteurs sexuels. Il y a un fait de détournement de mineures’’, a martelé l’avocat. Qui a réclamé des dommages et intérêts de 50 millions de francs Cfa. 

Mais le procureur s’est montré dubitatif quant au viol. Il a plutôt parlé de pédophilie. Car l’acte sexuel avec des mineurs a été reconnu et est établi. ‘’Dès qu’à voir ces filles, on sait que c’est des mineures. Il a profité de leur vulnérabilité‘’, a indiqué le procureur qui a requis 2 ans ferme.

Son réquisitoire n’a pas reçu l’assentiment de Me Kane qui estime que, dès qu’on relaxe pour le délit de viol, il devrait en être autant pour tous les chefs. ‘’Je ne trouve pas de logique qu’on pense que mes clients sont des prédateurs sexuels‘’, a déclaré l’avocat des prévenus. Ainsi, il a demandé au tribunal de les relaxer aussi pour le délit de pédophilie. Avant de se demander pourquoi ces adolescentes ont été emmenées au Sénégal. ‘’Pourquoi on protège ces jeunes filles, en les emmenant de la France au Sénégal, parce qu’elles peuvent être un danger pour elles-mêmes. Elles sont allées toquer à la porte d’une autre maison. On leur a ouvert et elles ont dit qu’elles voulaient un gîte. Elles n’ont pas été victimes. On n’a pas exploité leur faiblesse. Au contraire, c’est elles qui ont exploité les personnes qu’elles ont rencontrées.

Au final, les deux prévenus ont écopé d’une peine de 2 ans, chacun, et devront payer solidairement la somme de 5 millions aux deux victimes.

KHADY NDOYE (MBOUR)

Section: