Publié le 11 Jan 2013 - 22:09
PIERRE GOUDIABY ATEPA (ARCHITECTE-CONSEIL)

«Je me suis plutôt opposé au projet de Aïdara Sylla»

 

Après notre article d'hier sur «La jungle des sociétés vampires» dans l'affaire Alioune Aïdara Sylla, et au cœur de laquelle se trouve l'ex-président Wade, l'architecte-conseil Pierre Goudiaby Atepa, «coach de l'ombre», réfute toute implication négative dans le scandale. Au contraire, après avoir délimité les frontières de son intervention dans cette cette affaire, il rappelle son opposition historique à l'aliénation de cette frange du domaine maritime.

 

Votre avez été cité dans l’affaire Alioune Aïdara Sylla comme celui qui l'aurait aidé à identifier un terrain situé du côté de Terrou-bi, selon nos informations.

 

J’ai reçu beaucoup d’appels d’amis par rapport à ça (NDRL : l’information livrée par EnQuête dans son édition d’hier). Je voudrais rassurer les uns et les autres. Dans toutes ces affaires citées, s’il y a quelqu’un qui dort tous les soirs, c’est bien Pierre Goudiaby Atepa. Je ne tremperai jamais dans une affaire obscure ; je n’ai absolument rien à cacher. Donc, comme disait l’autre, jusqu’à l’extinction du soleil, on ne pourra jamais m’incriminer sur quelque chose de pas clair. En ce qui concerne cette affaire-là, c’est d’abord faux ! Je ne me suis jamais rendu sur les lieux en même que Aïdara Sylla et l'ex président de la République Abdoulaye Wade (NDLR : L'article en question ne dit pas que Atepa est allé sur le site en compagnie de Sylla et de Wade en même temps !). Par contre, je me suis rendu sur les lieux avec l’un et ensuite avec l’autre.

 

Qui est l’un, qui est l’autre ?

 

L’un, c’est le président Wade. Depuis 30 ans, je me bats pour la sauvegarde de la Corniche. La première fois que j’y étais, c’était avec le chef de l’Etat (Wade) lorsqu’il y avait plus de 5 000 jeunes qui étaient en train de s’amuser sur la plage un dimanche. Je suis allé prendre le chef de l’Etat sans escorte pour lui montrer que les gens de Terrou-bi (NDLR : les propriétaires dudit hôtel) avaient volé la plage des enfants - je pèse bien mes mots - et il fallait qu’il s’y oppose. J’avais dit au chef de l’Etat que j’allais faire un projet et lui en remettre une copie pour dire qu’il faut que cet espace soit dédié à la jeunesse. Il a pris des décisions qui n’ont pas alors été suivies d’effet. J’ai vu le président Macky Sall avant-hier (NDLR : mardi 8 janvier 2012) pour lui dire qu’il faut que cet espace soit laissé à la jeunesse. J’ai donc fait le projet qui est là (NDRL : Il nous montre une photo de la maquette). Quand Monsieur Aïdara Sylla a su qu’il y avait des terrains, il est venu me voir pour que je lui fasse un hôtel. D’abord, il avait vu un de mes dessinateurs qui lui avait fait un projet. Je lui dis : «Aïdara, fii ken du fi tabax» (NDLR : Aïdara, ici on ne construit pas). Je lui ai dit que les gars de Terrou-bi veulent mettre la main sur ce terrain, je m'y suis opposé.

 

Et après ?

 

Ensuite, il est allé voir le président qui lui a donné le terrain, et j’étais bien au courant. Il est venu me voir, je lui ai répété qu’on ne va pas construire sur cet espace. Il me répond que le président le lui a affecté pour l’ambassade de Libye, etc. Je lui dis : «Tant que je suis à côté du président, on ne va pas y construire. Maintenant, ce qu’on peut faire puisque tu veux y construire un hôtel, on pourrait à la limite épargner une partie pour la plage des enfants». En tout état de cause, je m’y oppose et j’ai des témoins. Donc, c’est faux de dire que je suis allé sur Google pour connaître le terrain. Je le connais depuis très longtemps, cet espace. Par contre, ce qu’on a fait sur Google Earth, c’est d’identifier ce terrain et d’y mettre cet espace-là (la photo de la maquette). Ces gens-là prennent une partie de la vérité… (Il ne termine pas sa phrase). Effectivement, j’étais avec lui, mais c’était pour m’opposer (à son projet). Je ne vais pas passer toute ma vie à refuser que l’on construise sur la Corniche et me réveiller un beau jour cautionner un projet comme celui de Aïdara Sylla !

 

Dans vos explications, vous dites que vous autorisez Aïdara Sylla à construire sur une partie…

 

(Il coupe net) Non, ce n’est pas moi qui l’ai dit. Je lui ai dit que si le président veut donner à la Libye et à d’autres une partie du terrain, on pourra éventuellement fermer les yeux, moi en tant que architecte conseil.

 

Ah oui !

 

Oui, je peux fermer les yeux à condition que la plupart de la plage soit laissée aux enfants. Ça, je l’ai dit. Pour illustrer mon combat dans cette affaire, j’ai publié une lettre ouverte dans les journaux dans ce sens. J’en ai fait une copie au président de la République. Je lui ai dit que Mixta (NDLR : une société immobilière de la place) pour ne pas la nommer, veut reprendre le dernier espace qui reste aux enfants. Il m’a dit : «Pierre, tu as parfaitement raison, je vais en parler au prochain Conseil des ministres pour qu’on récupère ce terrain.»

 

Pourquoi êtes-vous donc cité dans cette affaire ?

 

D’abord, Aïdara Sylla, ce n’est un secret pour personne, c’est mon ami. Ensuite, il y a des opérations que nous sommes en train de faire et pour lesquelles je suis l’architecte. Je suis l’architecte de Touba Building State et c’est lui l’entrepreneur. D’ailleurs, dans ses bagages, on dit qu’il y a un procès-verbal signé par mon cabinet qui atteste qu’on lui devait 160 millions de francs Cfa. C’est vrai. Nous avons de très bonnes relations, mais Pierre Goudiaby est quand même - je suppose - d’une certaine honorabilité.

 

Quel est votre degré d’implication dans toute cette histoire ?

 

Encore une fois, je n’ai aucun degré d'implication et je n’en aurai jamais. J’ai été moi-même voir le président Wade il y a deux semaines pour lui rendre visite. kollëré ginaaw lay féété (NDLR : Les amitiés se conservent). Mes amis, ce sont mes amis. J’ai travaillé avec lui dans des conditions totalement claires, même si on a eu quelques problèmes qu’on a réglés entre nous. Je ne me suis jamais mêlé de politique. Je n’ai jamais reçu un centimètre carré de terrain de Wade. Wade est parti en me devant 5 milliards de francs Cfa, tout le monde le sait. J’en ai parlé au président (Macky Sall). Il y a des projets que j’ai entamés comme la Maison du Sénégal, la Ville nouvelle, le Parc culturel, pour lesquels on me doit de l’argent. Et j’ai demandé qu’on me les paie. Donc, qu’on m’épargne ces choses-là. Goudiaby est clair et net. Je suis une maison de verre. Ce matin, j’ai reçu des inspecteurs d’Etat.

 

Pourquoi ?

 

Ils m’ont posé des questions sur le Monument de la renaissance. Tout à l’heure à 16h (NDLR : l’entretien a eu lieu hier après 14h heures), je vais à l’Inspection générale d'Etat pour la Maison de New York. J’en ai fait la demande auprès du chef de l’Etat.

 

On vous soupçonne de quoi ?

 

Il n'y a pas de soupçon. C’est normal. Il y a une gestion à laquelle j’ai été mêlé d’une manière ou d’une autre, il est normal qu’on m’interroge. Sinon, c’est moi qui vais demander des comptes.

 

Qu’est-ce qu’ils vous ont demandé par rapport au Monument ?

 

Ils m’ont demandé comment le financement a été structuré. Je leur ai dit que j’en étais l’architecte et je l’ai assumé, je n’ai ni manipulé de terrain, ni de l’argent. J’ai un contrat en bonne et due forme avec les Coréens (NDLR : Mansudae Overseas Projects Group, Corée du Nord) qui m’ont payé. Comment ils ont fait leur affaire entre eux et les autres intermédiaires ? Cela ne me regarde pas. Ils sont partis en me disant : «Avec vous, au moins, c’est clair.»

 

Qu’en est-il de l’immeuble à New York ?

 

C‘est moi qui l’ai initié, négocié, ai demandé et obtenu son permis de construire à New York, ai fait le montage. Je veux qu’on s'entende là-dessus. C’est normal.

 

Pouvez-vous nous en parler ?

 

(Il coupe) On ne va pas parler de 5000 choses à la fois.

 

C’est important pour l'opinion publique nationale.

 

Non ça ne me dérange. Allez-y puisqu’on est là.

 

Comment ce projet a été monté ?

 

Lorsque le Sénégal a vendu la fameuse licence de téléphonie (NDLR : celle de la société soudanaise Sudatel), je suis allé voir le président (Wade) pour lui dire : «Monsieur le président , je vous connais, l’argent va entrer dans les salaires, à gauche et à droite, le ministère des Finances. On ne retiendra finalement rien du fait qu’on ait vendu la licence. Ce que l’histoire retient de Idy Amine Dada (ancien président de l’Ouganda), c’est qu’en son temps, il a construit un immeuble à New York et c’est cette immeuble-là qui a payé les fonctionnaires ougandais quand ils avaient des problèmes. Je voudrais que nous fassions la même chose ; qu’on prenne une partie de l’argent et qu’on construise un immeuble. Demain, on dira au moins : Wade a fait l’immeuble du Sénégal à New York. C’est une opération qui nous coûterait 60, 70, 80 voire 90 millions de dollars. Et puisqu’on a de l’argent, on a qu’à le faire». Il m’a dit : «Pierre, c’est une bonne idée. Est-ce que tu peux aller chercher un terrain ?» Moi, j’ai un neveu, Pape Diédhiou, qui est à New York où il travaille avec l’un des plus grands bureaux d’étude de la ville. Je lui ai demandé de me trouver un terrain à New York mais loin du siège des Nation-Unies. Il a trouvé ce terrain-là de 500 m2 qu’on vendait à 37 millions de dollars. Tous les documents sont là. Il a reçu l'aval des autorités pour travailler avec l’ambassade du Sénégal et pour négocier le terrain à 27 millions de dollars soit 10 millions de moins parce que la crise (immobilière) avait commencé. L’idée était de construire une Tour de 23 niveaux à 60 millions de dollars à peu près. On a acheté le terrain. D'ailleurs, nous avons rendez-vous ce lundi à New-York en compagnie du ministre des Affaires étrangères.

 

Mankeur Ndiaye...

 

Oui, je n’ai rien à cacher. Lundi je vais à New-York à la demande du président Macky Sall pour voir dans quelles conditions on a demandé aux trois entreprises de faire des propositions. Nous allons avoir une entreprise qui va construire la Tour et qui va mettre en location les 17 niveaux. Il y aura une Représentation et la Résidence de l’ambassadeur ainsi qu’un pied à terre pour le président de passage. Après 20 ans, on aura notre propre immeuble. D’ici là, il aura une valeur de 200 millions de dollars...

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

 

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