Publié le 2 Oct 2018 - 13:34
PORTRAIT CHARLES AZNAVOUR

Une carrière hors-norme, entre quotidien et engagements

 

D'abord dans l'ombre des stars des années 30 et 40, Charles Aznavour s'est ensuite imposé comme un artiste majeur de la chanson française, dépeignant le quotidien et s'engageant pour des causes multiples, toujours entre mélancolie et gaieté.

 

Charles Aznavour, décédé ce 1er octobre 2018 à l'âge de 94 ans, a mené une carrière hors-norme, devenant un géant de la chanson française. Pourtant, ce n'est que sur le tard qu'il se fait connaître du grand public. Jusqu'à l'âge de 33 ans Charles Aznavour est resté un artiste de l'ombre : auteur de chansons pour Edith Piaf, Juliette Gréco ou Maurice Chevalier et un duettiste, partageant les scènes des cabarets parisiens avec son complice Pierre Roche.

C'est sous l'influence de Piaf qu'Aznavour décide dans les années 50 d'interpréter ses propres chansons. Ses trois premiers albums solo s'appellent d'ailleurs Charles Aznavour chante Charles Aznavour. Un sens inouï de la mélodie, un phrasé unique et une écriture soignée font la différence. À la façon d'un artisan, comme il le fera toute sa vie, Aznavour façonne des chansons définitives sur le couple, le temps qui passe, l'exil et le métier d'artiste. Premier triomphe en 1960 avec Je m'voyais déjà, titre refusé par Yves Montand. Son argument : "Les chansons qui racontent notre métier font toujours des bides".Malgré les critiques assassines comme : "Il ne faut pas laisser des infirmes faire ce métier", Aznavour, qui n'a jamais été une révélation pour la presse, s'accroche et gagne ses galons marche par marche, chanson par chanson.

Aznavour, l'écrivain de chansons, était pudique mais il n'a jamais eu peur des mots dans ses textes. En 1971, coup sur coup : deux scandales. Il déplore d'abord le suicide de Gabrielle Russier, cette professeur amoureuse de son élève... Il affirme ensuite son amitié pour la communauté homosexuelle... "J'habite seul avec maman", "À 18 ans j'ai quitté ma province" ou encore "Balayé par septembre, notre amour d'un été" : Aznavour a toujours considéré que la première ligne d'un texte était primordiale.

Lui, le complexé, fils d'émigrés d'un père géorgien et d'une mère arménienne de Turquie, n'a cessé de pousser sa plume à s'exprimer mieux. Il dévorait les livres, les dictionnaires pour mieux raconter l'attachement à sa terre originelle, ce sentiment d'exil et cette mélancolie, conscience du temps qui passe. Charles Aznavour jalonne les années 60 à raison de trois standards par an : Il faut savoir, Les comédiens, Et pourtant, La Mamma, Et il affirme, en pleine période yéyé son sens du swing. C'est à partir des années 60 qu'Aznavour parcourt le monde, ses albums sortent aux États-Unis, il chante Que c'est triste Venise, Paris au mois d'août.

En 1966, sur un ferry entre Hong-Kong et Macao, il observe une population misérable aux ballots mal ficelés. Mais les gens fument, rient comme si la pauvreté n'existait pas. La scène l'émeut au point de lui inspirer sur le pont du bateau Emmenez-moi. Aznavour avait un sens inné de la formule. "J'ai réussi tout ce que j'ai fait, mais je n'ai pas fait ce que je n'aurai pas pu réussir", disait-il. Lui qui a chanté en duo avec les plus grandes voix de la pop, du rock, du jazz et du lyrique a gardé toute sa vie son style, surfant sur les amours (marié trois fois, six enfants), les amis, les emmerdes et s'imposant contre toutes les modes. Aznavour ne croyait pas à la postérité : "De moi, répétait-il, il ne restera qu'une ou deux chansons et on ne saura pas qui les a écrites", répétait-il. Pas sûr... On lui en doit plus de 800.

RFI

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