Publié le 26 Dec 2012 - 15:24
POST-POINT – PAR MOMAR DIENG

Candidats au martyre et gaffeur

 

 

Quand un pouvoir tombe aussi benoîtement dans la provocation (politicienne), on se pose des questions sur sa maturité et sa sérénité. Ce qu'a dit Me Amadou Sall sur les pratiques mystico-fétichistes supposées du président de la République aurait dû être en effet la dernière des raisons qui mériteraient une convocation devant la Division des investigations criminelles (DIC).

 

On s'attendait d'autant moins à ce retour de la fameuse Dic que l'avertissement solennel du chef de l'Etat lancé depuis Mbodiène samedi dernier contre ceux qui ternissent «l'image de l'institution qu'est le président de la République» a paru suffire comme rappel à l'ordre. Avec les faits survenus lundi et mardi, il semble que ce fût plutôt un ordre politique d'exécution qui venait d'être adressé à la Justice. Le principe de la séparation des pouvoirs, pôle moderniste de la «Rupture» promise par l'ex-candidat devenu président de la République, en prend donc un sacré coup.

 

 

Au bout du compte, le pouvoir transforme une banale et insipide déclaration politicienne en une affaire judiciaire et politique qui repose en débat public l'éternelle question du «statut moral» du président de la République. Mais surtout, elle éloigne un tant soit peu de l'imaginaire collectif les minutes quotidiennes des différentes mesures d'Etat ayant trait à la lutte contre la corruption et les enquêtes sur les biens mal acquis... Deux niveaux d'action politique qui gênent stratégiquement le Parti démocratique sénégalais (PDS) et ses dignitaires mis en cause dans l'opinion publique nationale.

 

 

De fait, avec la complicité voulue ou involontaire du pouvoir, le Pds d'opposition devenu héritier de la guérilla politique d'Abdoulaye Wade est en train d'organiser par et pour lui-même l'agenda de la République. Ce jour mercredi, l'Assemblée nationale a déjà été contrainte d'examiner la motion de censure libérale contre le Premier ministre Abdoul Mbaye. Le texte sera forcément rejeté mais il dénote d'une prise d'initiatives politiques généralisées qui vont amener le pouvoir à jouer sur des terrains et des débats non favorables. Les propos de Me Sall relèvent sans doute du degré zéro de la politique, et les responsables libéraux le savent mieux que tout le monde. Mais on s'oppose comme on peut dans l'opposition, avec les armes dont on dispose...

 

 

Que gagne le pouvoir dans cette chasse aux petits diffuseurs d'histoires irrationnelles à la petite semaine ? Pas grand-chose, on dirait. Il y perd surtout du temps, de la hauteur, et du crédit. Car lorsqu'on attache autant d'importance à des inepties aussi grotesques alors que l'on détient toute la machine d'Etat, c'est que l'on est quelque part en difficulté dans la gouvernance promise aux Sénégalais. En cédant aux délires primesautiers de Me Sall, l'Etat prend le risque de brouiller les repères des Sénégalais et de parasiter sa propre démarche dans ses différents chantiers dont celui, éminemment politique, de la traque des biens mal acquis. Le Pds s'en frotte les mains, car justement ce parti est en quête effrénée de martyre pour asseoir définitivement le quinquennat d'opposition qui l'attend.

 

Aujourd'hui, le Sénégal a tellement d'autres urgences plus essentielles à sa destinée qu'il est du devoir du pouvoir de corriger très vite cette gaffe qui vaut à l'ancien ministre sa convocation à la Dic. Sinon, qu'il soit implacablement logique : traîner tous les responsables libéraux qui ont fait du refrain de Me Sall sur les pratiques sorcières du président Macky Sall un chant de résistance...

 

 

 

Section: