Près de 400 000 cartes en souffrance

Hier, lors du lancement du programme ‘’Sama Baat’’ initié par l’Ong 3D, le Cosce et l’Usaid, il a été fait, en partie, l’état de la distribution des cartes d’électeur.
On en sait un peu plus sur le nombre de cartes d’électeur encore non retirées. Tout est parti d’une interpellation malicieuse de l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal, hier, à l’occasion de la cérémonie de lancement du programme ‘’Sama Baat’’. Une initiative de l’Ong 3D accompagnée par l’Usaid et Osiwa. L’ambassadeur Tulinabo Mushingui, très taquin, déclare : ‘’… On nous a donné des statistiques qui font état de 98 % de taux de distribution. Nous ne savons pas ce que ça veut dire exactement. Nous ne savons pas si ce sont des cartes disponibles au niveau des préfectures ou des cartes effectivement retirées par leurs propriétaires. C’est à ce niveau que nous attendons les relais qui, nous espérons, vont s’impliquer activement pour aider les citoyens à aller retirer leurs cartes d’électeur.’’
Déjà, le présidium fait la moue. Visiblement surpris par un tel taux de retrait. On se chuchote des choses entre voisins. Certains semblent douter sérieusement du taux avancé. Mais les incertitudes ont vite été amenuisées par l’un des intervenants suivants. En l’occurrence, Monsieur Mamadou Bocar Niane, Conseiller technique du directeur général des Elections. Il explique : ‘’En fait, Monsieur l’Ambassadeur, le chiffre que l’on vous a donné est bien le bon chiffre. Mais il s’agit des cartes produites à l’issue de la refonte du fichier électoral. En ce qui concerne les cartes issues de la dernière révision, le taux de retrait est de 40 %.’’ Les commentaires reprennent au présidium entre membres de la société civile. Cette fois, les visages sont on ne peut plus gais, rassurés.
‘’EnQuête’’ est allé un peu plus loin, en essayant de savoir ce que cachent ces pourcentages. Et là, les chiffres trouvés ne sont guère rassurants. Il ressort, en effet, de nos calculs, qu’au bas mot, 385 000 cartes sont en souffrance dans les préfectures. En effet, les cartes issues de la refonte du fichier avaient été évaluées à 6 050 000, celles issues de la révision à 440 000 environ.
Cependant, par rapport à la lanterne, il va falloir attendre encore un tout petit peu avant de la voir entièrement éclairée. La grande équation qui reste à être résolue, c’est le nombre de cartes d’électeur à rééditer, à cause de la modification de la carte électorale. A ce jour, c’est le grand mystère. Pourtant, lors d’une rencontre avec les journalistes et le Conseil de régulation de l’audiovisuel, le directeur de la Communication à la Dge avait clairement indiqué que l’Administration s’est employée à évaluer l’ensemble des électeurs concernés et que des campagnes de communication seront organisées partout où besoin se fera. Mieux, Bernard Casimir Demba Cissé avait révélé que 27 départements sur les 45 que compte le Sénégal sont concernés.
Mais malgré ces certitudes, le chiffre sur le nombre de cartes à rééditer demeure une énigme. Interpellé sur cette question précise, le conseiller technique déclare : ‘’Je ne peux donner le nombre de cartes. Il faut juste savoir que c’est quelque chose qui est normale, parce que due à la modification de la carte électorale. Ce que je peux vous assurer, c’est que toutes les dispositions sont prises pour que ces cartes puissent être distribuées le plus rapidement possible.’’
Pendant que l’Administration des élections rechigne à donner le nombre exact, Me Mame Adama Guèye, lui, avait donné son chiffre qu’il fonde sur la base de ses sources. Au conseiller technique, ‘’EnQuête’’ a demandé : ‘’Allez-vous confirmer le chiffre avancé par Mame Adama Guèye faisant état de 600 000 cartes ?’’ Voici sa réponse : ‘’Moi, je ne peux pas te donner un nombre. Si vous passez à la Dge ou à la Daf, ils pourront vous donner un chiffre exact.’’
Commissions de distribution instituées à partir du 9 janvier prochain
En tout cas, le président de la Commission électorale nationale autonome, lui, a la forte conviction qu’il est du devoir de chaque Sénégalais de tout faire pour retirer sa carte, afin de pouvoir voter. Il appelle politiques, société civile et administration à œuvrer dans ce sens. ‘’Le taux de participation est l’un des critères importants pour juger de la santé de notre démocratie. C’est en cela que je salue cette initiative et exhorte les uns et les autres à tout mettre en œuvre pour un retrait massif des cartes’’. Il a, en outre, rappelé que les commissions de distribution seront instituées à partir du 9 janvier prochain.
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LANCEMENT ‘’SAMA CARTE SAMA BAAT’’
Plus de 5 000 relais à l’assaut des électeurs
Innovante, colorée, populaire, euphorique, la campagne de retrait des cartes pour la présidentielle de 2019 a été officiellement lancée, hier, à la place du Souvenir par l’Ong 3D et ses partenaires dont l’Usaid et Osiwa.
De loin, on se croirait dans un meeting politique grandeur nature, organisé sur la Corniche-ouest, à quelques encablures de l'océan Atlantique. Ce n'est pas totalement faux. A une différence près. En lieu et place des politiques, il y a d’éminents acteurs de la société civile et des membres de l’Administration. ‘’Sama carte sama baat’’. C’est le programme lancé, hier, en présence de l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique, Tulinabo Mushingui.
Ainsi, pour 2019, la société civile sort des salons et hôtels douillets, des plateaux et studios climatisés des télévisions et radios. Comme les partis politiques, elle fait du terrain, des meetings et des foras. L’objectif est de sensibiliser les citoyens sur les enjeux d’une élection, en particulier celle de 2019.
Le directeur exécutif de l’Ong 3D, Moundiaye Cissé, revient sur des pans de son programme. ‘’Nous voulons, dit-il, à travers ce programme, faire enrôler 1,5 million d’électeurs. Pour ce faire, nous ambitionnons d’organiser 300 foras dans les communes et départements du Sénégal, avec les femmes relais présentes sur toute l’étendue du territoire national’’.
Le programme ‘’Sunu élection’’ ne s’en limite pas. Pour atteindre son objectif, il a engagé 5 600 relais qui vont aller à la rencontre des électeurs. Aussi, relève Moundiaye Cissé, 3 000 observateurs seront mobilisés pour accompagner le processus. Ainsi, pour le scrutin du 24 février, les acteurs de la société civile, dans le cadre du programme ‘’Sunu action’’, semblent fins prêts. Pour une action efficace, le programme a déployé un système de parrainage.
Un parrainage, non pas des candidats, mais des électeurs, sourit le responsable de 3D. Il s’agira, informe-t-il, de demander à chaque relais de parrainer 150 électeurs qui seront suivis jusqu’au jour du vote. Il leur sera en permanence demandé s’ils ont retiré leurs cartes et, le jour du scrutin, les relais les inciteront à aller voter. Pour le membre du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce), il s’agira ainsi de tout mettre en œuvre pour des élections libres, démocratiques et transparentes.
Venue massivement participer à la rencontre, la jeunesse a montré toute sa détermination et son engagement. Fatime Diaw, teint clair, la trentaine, témoigne : ‘’D’abord, je salue cette belle initiative. Nous n’allons ménager aucun effort dans la sensibilisation des citoyens en vue de les inciter à s'impliquer davantage dans le processus électoral. Chaque citoyen doit avoir sa carte et décider de ceux qui vont gouverner ce pays. Nous allons faire des campagnes de sensibilisation dans ce sens.’’ Pour elle, l’élection interpelle d’abord et avant tout la jeunesse. Celle-ci, à l’en croire, ne doit pas laisser les politiques décider de son sort.
Outre les jeunes et les femmes, le programme a également pour objectif de défendre les personnes vivant avec un handicap. Dame Diop vient de Pikine. La cinquantaine, les béquilles sous l’aisselle, il porte la voix de ses pairs : ‘’Les personnes vivant avec un handicap attendent des autorités qu’elles mettent en place des infrastructures pour leur faciliter d’accomplir leurs devoirs dans de bonnes conditions.’’
Très enthousiaste, le Pikinois estime que ‘’voter est un devoir civique’’. Il appelle donc ses semblables à aller récupérer les cartes, écouter les candidats en vue d’un choix éclairé au matin du 24 février. En ce qui le concerne, il explique : ‘’Moi, je vote depuis 1988. Ce dont je me souviens, ce sont les violences inouïes, à l’occasion desquelles Me Abdoulaye Wade a été arrêté. Je souhaite ne plus avoir à vivre cela.’’
Pour sa part, l’ambassadeur des Etats-Unis dira : ‘’Les élections, c’est une occasion unique pour vous les citoyens. Il faut participer au choix de vos dirigeants. C’est très important, parce que cela va impacter sur votre avenir. Il ne faut pas rester dans vos coins et proférer des critiques aux dirigeants. Car c’est vous qui les élisez. Personne ne le fera à votre place.’’
Mor AMAR