Publié le 31 Oct 2013 - 11:30
SAER NIANG, DIRECTEUR GÉNÉRAL ARMP

 ''Aucun marché n'a encore été signé...''

 

Le Directeur de l'Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) Saer Niang rame à contre-courant de Birahim Seck du Forum Civil qui a fait une sortie remarquée hier sur le marché de 400 milliards de francs Cfa que nous évoquons dans cette édition. Saër Niang explique que rien n'a encore été signé. Il revient sur la procédure engagée depuis quelques mois pour en décortiquer les différentes étapes...Morceaux choisis...

 

''Le marché n'est pas encore signé...''

Ce sont des montants estimatifs et indicatifs, provisoires. Le marché n'est pas encore signé. Il n'y a pas de marché pour le moment. D'ailleurs dans notre jargon, on utilise le terme de quasi-marché pour faire la différence. C'était plus un contrat de mandat pour réserver les fonds.  C'est un cas spécial pour nous car ce mode de financement n'existait pas dans le Code des marchés publics. Pour faire un marché public, il faut en effet avoir l'argent. Donc l'attestation d'existence de crédit est indispensable pour pouvoir passer un marché. Dans ce type de marché, clef en main, comme on les appelle, les ressources sont apportées par l'entreprise. L'entreprise chinoise vient donc avec un projet et de l'argent, avec un taux concessionnel, un différé de payement et également étalement de paiement sur 20, 25 ans. Cela, notre dispositif réglementaire et juridique ne l'avait pas prévu dans les marchés publics. Il n'y a qu'au Sénégal qu'on a pris le soin de prendre quand même un consultant pour compléter notre réglementation et nous confectionner un modèle de contrat-type qu'on a mis à la disposition des autorités contractantes pour ce type de financement.

Quid des autres pays de la sous-région

Alors que dans les autres pays de l'UEMOA, les Etats sont allés directement signer avec les entreprises chinoises sans aucune précaution, notre pays a pris beaucoup de précautions. Le cas du Sénégal va d'ailleurs faire école, parce que nous sommes le seul pays de la sous-région à avoir pris le temps de compléter la réglementation et de bloquer l'Etat. Cela fait quand  même quatre, cinq mois que le projet démarre partout. Au Sénégal, aucun marché n'a encore démarré. Alors que si tu vas au Mali, au Niger, au Burkina, les projets sont en train d'être déroulés.

A propos de la réunion au Palais sur la question...

Il y a quatre mois au moins, nous nous sommes effectivement retrouvés au Palais. Il y avait le président de la République, quelques ministres, Mansour Kama de la CNES, Baïdy Agne du CNP, Birahim Seck du Forum Civil ; Il y avait aussi l'ARMP et la DCMP. Le Président nous a dit : voilà le nouvel environnement. Je voudrais que vous m'accompagniez. Ecoutez, nous sommes indépendants au niveau de l'ARMP. Chez nous, il y a toutes les composantes : société civile, secteur privé. En tant que Directeur général, je ne suis même pas membre du Comité règlement des différends (Crd). J'y participe en tant que porte-parole, j'assure le secrétariat. Donc, c'est le secteur privé, la société civile et l'administration qui sont représentés dans ledit comité, qui discutent de ces questions-là et qui approuvent. Mais l'ARMP n'est pas impliquée. Je connais le dossier et maintenant quand on dit des contrevérités, il faut rétablir la vérité.

Un expert a été désigné par l'ARMP

Pour toutes les informations dont Birahim Seck a parlé, c'est nous qui avons commis un expert, qui avons décortiqué la proposition chinoise, par rapport au dispositif exorbitant. Maintenant, l'entrepreneur chinois travaille pour ses intérêts personnels. Quand quelque chose peut coûter 100 F, il va venir te le proposer à 150 F. C'est à toi de te donner les moyens de négocier, pour dire : ''Non je ne peux pas mettre 150 F, je mettrai 80 F''. Donc, on a pris un consultant qui a analysé, décortiqué l'offre chinoise et démontré tout ce qu'il y a comme dimension exorbitante. Le rapport est mis à la disposition du ministère des Infrastructures et de Ageroute, pour dire ''voilà ce que cela va coûter : quand les Chinois vous ont proposé à 400, vous pouvez avoir à 300''. Donc eux, ils disent aux Chinois : ''OK, mandat de rechercher des ressources. Il ne faut pas que demain, quand on arrive sur le marché, on nous dise que l'argent est fini, que les autres pays africains ont tout pris. Bloquez l'argent, les 400 milliards, mais ce n'est qu'une réservation d'argent. Maintenant, on va continuer à discuter. On a des études techniques à terminer et quand on aura fini, on discutera, pour voir le montant réel. Et quand on tombera d'accord, on signera un contrat de marché à ce moment-là.

L'étude que nous avons réalisée a dit que ça devrait coûter 300 milliards, par exemple ; et lui, il dit : ''mais ils ont signé 400 milliards, donc il y a surcoût, surfacturation de 100 milliards''. Mais non, ce n'est pas le marché qui est signé, c'est un mandat qui est signé pour aller bloquer 400 milliards Cfa. Demain, combien coûtera le marché ? Lui ne le sait pas, moi non plus. Personne ne peut dire aujourd'hui combien ça va coûter. Ils n'en sont pas encore là. Ils en sont simplement à dire : ''OK, on va faire ce projet-là, vous pensez que ça va coûter 400 milliards, réservez les 400 milliards''. Mais, dans le contrat commercial, ils ont dit que les montants sont indicatifs et que le prix réel sera discuté lorsque le Sénégal aura terminé son étude technique, financière etc. A ce moment-là, les parties s'asseyeront, discuteront et arriveront sur un prix. Donc, Birahim Seck est allé trop vite en besogne.

''la géographie de l'aide change...''

Et ce n'est pas bon de vilipender son pays : ''L'Etat est nébuleux, l'Etat est ceci, l'Etat est cela...'' Je suis toujours en réunion avec les bailleurs, mais les bailleurs entendent. Les ambassades entendent et vont tout de suite faire des notes qu'ils envoient. Aujourd'hui, la réalité est que la géographie de l'aide change. Autant on a bavé avec les partenaires classiques pour obtenir dans le passé des prêts,   avec des conditions extrêmement dures, autant, aujourd'hui, les Chinois sont ''surliquides'' et ils essaient de conquérir l'Afrique. Mais je pense qu'il faut qu'on arrive à faire nos routes, nos autoroutes...

 

Section: