Publié le 5 Sep 2017 - 15:52
TABASKI 2017

Comment l’Elevage a gagné le pari ovin

 

Dans la capitale sénégalaise, les vendeurs ont accusé des reliquats de plus de 40 000 moutons, d’après la Direction de l’Elevage. Cette dernière, dans une logique de ‘‘sur-approvisionnement’’ du marché, épargne aux Sénégalais le diktat des prix.  

 

Vendredi dernier, jour et veille de tabaski, dans la soirée, ce sont les clients qui se faisaient draguer, de manière presque agressive, par les vendeurs de moutons au stade Léopold Sedar Senghor. ‘‘Grand, viens voir cette belle bête. Elle ne vaut que 85 000 F Cfa’’, lance un vendeur enturbanné dont le wolof hasardeux laissait peu de doute sur sa nationalité malienne. Dramani, comme il se fait appeler, tient à ce que tout ce qui reste de la dizaine de bête dans son enclos soit écoulé cette nuit même. Fort d’une expérience décennale dans la vente de moutons à Dakar, il dit sentir que cette année, comme l’année dernière, il va falloir vendre, bazarder ; quitte à le faire à perte. Lui a senti que, depuis quelques années, le vent a tourné, que ce sont les acheteurs qui l’ont en poupe. Il s’y soumet volontiers. ‘‘C’est comme ça. Peut-être qu’on n’aura pas les bénéfices escomptés, mais on s’en sortira’’, se résigne-t-il.

Dans la même veine, d’autres, en manque de clients, viennent s’arracher littéralement les acheteurs qui débarquent des rutilantes voitures, taxis, ou qui sont à pied, lorsque la démarche laisse indiquer qu’ils viennent chercher une bête pour le sacrifice de la Tabaski. Un empressement que les vendeurs expliquent par le fait que les lumières du parking du Stade LSS allaient être éteintes, sous peu, à 22 heures, puisque c’était également veille de match de l’équipe nationale du Sénégal. Le parking, un grand espace ouvert où se mêlent épaves de voitures, garages de mécanos, restaurants, bus en partance pour l’intérieur du pays, grouille d’une activité encore plus fiévreuse. Les marchandages, bien que serrés, tournent clairement à l’avantage des acheteurs. ‘‘A la veille de la fête, les prix sont forcément cassés’’, jubile Mor Touré accompagné de ses deux enfants qui s’émerveillent ou ironisent sur la taille des moutons. Depuis la pénurie dantesque de 2014, le rapport de forces semble s’être largement inversé en faveur des clients, après les vives critiques qui avaient dénoncé la cherté des bêtes, il y a trois ans. Le ministère en charge de l’Elevage prend depuis lors les devants.

Pour le marché dakarois, à la date du mercredi dernier, 30 août, ‘‘une circulation de plus de 800 000 têtes a été notée dont 346 000 dans les marchés hebdomadaires et 514 000 dans les marchés journaliers’’, fait savoir le directeur de l’Elevage, Dame Sow. A deux jours de la Tabaski déjà, ces statistiques dépassaient le chiffre officiel final de l’année dernière, 681 000 bêtes. Ce qui explique peut-être le reliquat de 40 000 bêtes pour cette année dans la capitale sénégalaise. ‘‘L’autre indicateur est le marché terminal de Dakar. Si on prend en référence le jour de la Tabaski de l’année dernière, on avait enregistré 240 000 têtes. A la date du mercredi 30, on a atteint 247 000 moutons. C’est légèrement en hausse sans compter que, dans la nuit, il y a eu beaucoup d’autres bêtes qui sont arrivées à Dakar. C’est déjà très visible dans les grands points de vente de la capitale que vous connaissez. En circulant, on se rend compte de visu que le marché est bien approvisionné en bétail et qu’il y a un rush.’’

Dispatching pragmatique

De visu, les points de vente ont effectivement été bien approvisionnés. Le dispatching s’est fait de manière pragmatique, puisqu’à Rufisque, par exemple, les moutons mauritaniens ont été polarisés dans ce lieu de vente, alors qu’à Stade LSS, il y a eu beaucoup de moutons sénégalais. Le Parc des petits ruminants, Yengoulène, la Foire de Dakar, pour ne citer que ceux-là, ont été également ben garnis pour parer à toute éventualité. ‘‘Il y a une mobilisation de l’offre grâce à l’action gouvernementale. Le gouvernement a fait tout ce qu’il devrait faire en matière de préparation. Depuis février (2017), Mme la ministre a fait l’ensemble des 14 régions’’, se félicite le directeur de l’Elevage. La capitale n’a pas exclusivement concentré toutes les attentions du ministère, puisque les régions de Sédhiou et de Kolda qui ont particulièrement été lésées sur l’approvisionnement l’année dernière ont été correctement ravitaillées, après une directive du Premier ministre. Dame Sow assure que, de Kidira et du Ferlo, les vendeurs ont été orientés exprès vers les capitales régionales du sud pour irriguer également ce marché en ruminants, dépassant au double les chiffres de l’an dernier.

Les autorités ont dû également combler le gap du marché intérieur. La filière animale étant un secteur dynamique, la consommation intérieure de viande oblige la direction de l’Elevage à envisager l’importation de bêtes pour ravitailler correctement le marché. ‘‘De moitié, on dépend de l’extérieur pour approvisionner notre marché. Il y a eu beaucoup de prélèvements liés aux baptêmes, aux fêtes religieuses et aux abattages pour la ‘’dibiterie’’. Donc, pendant la tabaski, il y a un gap à combler à travers les importations principalement de la Mauritanie et du Mali. Cette année, nous avons un record d’importations. L’année dernière, c’était 329 000 têtes ; cette année, on était, le mercredi, à 452 000 moutons sans compter les entrées qui se poursuivaient. C’est un record parce que les années passées, on était au maximum à 350 000. Il y a une mobilisation de l’offre nationale’’, explique Dame Sow.

Au parking de LSS, en tout cas, les acheteurs sont de moins en moins exposés aux desiderata d’une loi de l’offre et de la demande, particulièrement à leur désavantage il y a quelques années. Mor Touré est, lui, conscient du risque qu’il court en attendant la veille de la fête pour acheter, puisqu’en 2014, il avait été victime du manque de moutons et avait dû se délester de 150 000 F Cfa pour une bête somme toute chétive. Cette année, pour un peu plus de la moitié cette somme, 85 000 F, sa bête avait des dimensions plus honorables. Malgré cette célébration plutôt bien organisée par l’Etat et bienheureuse pour les consommateurs, le directeur de l’Elevage nuance les bons résultats. ‘‘D’une année à l’autre, le comportement des vendeurs, des acheteurs, des clients, peut-être différent’’. Mor prie que ce statu quo demeure.    

OUSMANE LAYE DIOP

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