Publié le 19 Aug 2025 - 15:10
THIÈS – HIVERNAGE 2025  

Le canal inachevé de Nguinth, entre menace sanitaire et bombe écologique

 

Alors que les fortes pluies ont déjà causé des dégâts considérables dans plusieurs régions du Sénégal, la ville de Thiès a, pour l’instant, été épargnée. Mais dans certains quartiers, la peur des inondations reste vive. À Nguinth, un canal d’évacuation des eaux pluviales, laissé inachevé depuis deux ans, inquiète fortement les riverains.

 

Présenté à son lancement comme une solution durable contre les inondations, l’ouvrage est aujourd’hui devenu un véritable cauchemar pour les populations. Abandonné, envahi par les herbes et jonché de détritus, il s’est transformé en dépotoir à ciel ouvert et en zone de stagnation d’eaux insalubres. ‘’À cause de ce canal, nous vivons une situation compliquée, du point de vue sécuritaire comme sanitaire’’, déplore le quinquagénaire Ibrahima Barr, un habitant du quartier.

L’eau qui y stagne, en hivernage comme en saison sèche, dégage une odeur nauséabonde et favorise la prolifération de moustiques et de reptiles qui s’invitent jusque dans les maisons. Le canal est également devenu un terrain de jeu pour les enfants, attirés par les poissons qui y pullulent. Mais ce loisir tourne parfois au drame : plusieurs cas de noyade ont été signalés. Ibrahima Barr raconte avoir lui-même sauvé de justesse un élève tombé dans l’eau. ‘’Sans réfléchir, je me suis jeté dans le canal pour sortir le gamin, qui était déjà presque englouti’’, témoigne-t-il, encore marqué par l’incident.

Au-delà des risques de noyade, l’ouvrage engendre de graves nuisances sanitaires. L’humidité permanente favorise la recharge rapide de la nappe phréatique, ce qui provoque le remplissage quasi instantané des fosses septiques. ‘’On vide nos fosses, trois jours après, elles sont à nouveau pleines’’, se plaint un autre habitant, dénonçant le coût élevé des vidanges facturées à 30 000 F CFA.

Le site, situé au fond d’une cuvette, accentue aussi les risques de débordement en cas de fortes pluies. Les riverains craignent que l’hivernage transforme le canal en une véritable inondation à ciel ouvert. De plus, transformé en décharge sauvage, le canal accueille pneus usagés, plastiques et autres déchets, accentuant la pollution et faisant de cet espace une ‘’bombe écologique’’ au cœur du quartier. Les habitants se disent trahis à cause des promesses non tenues des élus. Au début des travaux, certains ménages avaient été délocalisés, tandis que d’autres avaient reçu l’assurance qu’ils ne seraient pas concernés et que le projet améliorerait leurs conditions de vie.

Deux ans plus tard, c’est la désillusion. ‘’Actuellement, nous qui sommes restés, nous souffrons vraiment’’, dénonce Malick Ba.

Alors que les pluies s’intensifient, la population lance un cri d’alerte aux autorités pour relancer et achever les travaux. ‘’S’ils ne peuvent pas terminer le chantier, qu’au moins ils ouvrent un passage pour que l’eau circule’’, implore Ibrahima Barr, inquiet pour la sécurité des enfants et la santé des habitants. Ironie du sort, certains habitants estiment que ce canal, source de nuisances aujourd’hui, pourrait devenir un atout si les pouvoirs publics choisissent de l’aménager différemment.

Situé à la périphérie de Thiès-Nord, le site pourrait être transformé en lagune artificielle ou en espace d’attraction, offrant une plus-value écologique et touristique à la commune.

 Le marché central paralysé par les eaux de pluie : commerçants et clients à bout de patience

 Par ailleurs, un autre quartier, un autre décor. En effet, les fortes pluies qui se sont récemment abattues sur la capitale du rail ont transformé le marché central de Thiès en un véritable bourbier. Les eaux stagnantes envahissent ruelles et étals, rendant la circulation difficile et menaçant la survie économique des commerçants.

Au cœur du marché, l’eau sale s’infiltre jusque dans les espaces de vente, dérangeant aussi bien les vendeurs de légumes que ceux de poissons, de fruits ou d’habits. L’odeur nauséabonde des eaux stagnantes, mêlée à celle du poisson, rend l’air irrespirable. ‘’Regardez mes étals. Les sacs de carotte et de pomme de terre sont trempés ; les clients n’osent même plus s’approcher’’, se désole Fatou Ndiaye, vendeuse de légumes depuis plus de quinze ans. Comme beaucoup, elle tente de sauver sa marchandise à l’aide de planches et de palettes, les pieds nus dans l’eau.

Même constat chez M. Gaye, vendeur de poisson. ‘’On vit cette situation chaque année, et chaque année on nous fait les mêmes promesses. Rien ne change. Nos poissons sont exposés à la saleté, et ça décourage les clients. Comment va-t-on nous en sortir si on ne vend rien pendant des jours ?‘’, se demande-t-il.

La situation ne concerne pas seulement les allées intérieures. L’accès au marché est tout aussi problématique. Le rond-point Diakhao, axe vital pour rejoindre le centre-ville, est saturé avec de gros embouteillages. Voitures et charrettes avancent difficilement entre flaques et nids-de-poule, aggravant le désordre. Venue faire ses courses, Aïcha Fall, mère de famille, a dû rebrousser chemin. ‘’J’ai mis plus d’une heure pour venir de Grand-Thiès à cause des bouchons. Et maintenant, je ne peux même pas faire mes achats. Il y a trop d’eau, c’est dangereux’’.

Face à ces conditions précaires, certains commerçants préfèrent fermer boutique, en attendant une accalmie. Mais pour les vendeurs de denrées périssables, chaque journée sans vente équivaut à une perte financière difficilement supportable. Un délégué des commerçants, qui a requis l’anonymat, lance un appel pressant : ‘’Nous ne voulons pas des visites de courtoisie ou des caméras. Nous voulons des canalisations fonctionnelles, un système d’évacuation digne de ce nom. Le marché central ne peut pas continuer à fonctionner comme une mare.’’

Chaque hivernage, les mêmes scènes se répètent dans ce centre névralgique de l’économie thiessoise. Faute d’un dispositif efficace d’assainissement, commerçants et clients s’accommodent tant bien que mal d’une situation devenue insupportable.

Ndeye Diallo ( Thiès)

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