Publié le 19 May 2020 - 22:47
TOURISME ET TRANSPORTS AERIENS

Un secteur à genoux

 

La répartition des 77 milliards de F CFA prévus pour les entreprises impactées par la crise du coronavirus, n’agrée pas tous les acteurs. Grands oubliés de ce partage jugé inéquitable, les autres acteurs de la plateforme aéroportuaire crient leur détresse, tandis que des spécialistes soutiennent que l’Etat devrait davantage songer à la relance de la destination Sénégal post-Covid-19, au lieu d’injecter toute une manne financière dans les entreprises.

 

C’est une répartition qui fâche. Les 45 milliards de F CFA alloués à Air Sénégal, sur une enveloppe de 77 milliards destinés aux entreprises impactées par le coronavirus, dans les domaines du tourisme et des transports aériens, n’en finissent pas de susciter la colère de certains acteurs. Pour se justifier, la tutelle invoquait une perte de 20 milliards de F CFA en, seulement trois mois de crise, pour la compagnie nationale. Dans une lettre datant du 24 avril, les acteurs du secteur réunis autour du Syndicat des personnels des activités aéronautiques du Sénégal (Synpaas) se plaignaient : ‘’Le partage est terriblement déséquilibré et risque de laisser en rade plusieurs sociétés de la plateforme aéroportuaire. Une telle démarche va inéluctablement sonner la mort de plusieurs entreprises du secteur et créer les conditions de pertes d’emplois pour des centaines de travailleurs.’’

Même si, à ce jour, il est difficile de donner avec exactitude l’ampleur des dégâts de la pandémie sur la situation financière de la compagnie nationale, tout le monde convient que ces dégâts seront énormes. En tout cas, des sources dignes de foi confient à ‘’EnQuête’’ que l’entreprise faisait jusqu’à 5 milliards de francs CFA de vente par mois, soit 15 milliards en 3 mois. ‘’Quand on passe de ce chiffre à presque zéro, il va de soi que la situation est très compliquée. Mais cela ne justifie pas les pertes alléguées de 20 milliards. Ce qui est, en revanche certain, c’est que sans le soutien de l’Etat, la compagnie ne tiendrait pas’’, confie un spécialiste. 

Pour étayer son propos, il rappelle que beaucoup de compagnies aériennes ont déjà déposé leur bilan et l’hémorragie continue dans le secteur. ‘’Même les grandes compagnies sont en train de souffrir, a fortiori les petites comme Air Sénégal’’, renchérit notre interlocuteur, citant Air France qui perdait jusqu’à 2,5 millions d’euros par jour et qui a bénéficié d’un appui de 7 milliards d’euros de l’Etat français pour survivre à la crise.
 
L’Etat arrose les entreprises et néglige la promotion de la destination
 
En fait, en sus des 45 milliards alloués à Air Sénégal sur l’enveloppe de 77 milliards, 15 milliards sont réservés pour le crédit hôtelier, 12 milliards pour le paiement des hôtels réquisitionnés, 5 milliards pour soutenir et accompagner les entreprises du portefeuille de l’Etat. Une répartition des plus controversées. A en croire certains spécialistes, le ministère devait surtout orienter cette manne financière importante vers la promotion de la destination Sénégal. ‘’Accompagner le plan de développement d’Air Sénégal sans penser à la promotion de la destination qui est presque à terre, souligne un expert, ça ne sert à rien du tout. Après cette crise sans précédent, il faudra bien penser à la relance du secteur touristique, sans lequel la compagnie nationale ne saurait être viable. En effet, si les touristes ne viennent pas, Air Sénégal n’aurait pour clients que des Sénégalais… Ce n’est pas suffisant pour permettre à une compagnie nationale de survivre’’. 
 
Selon lui, il aurait suffi d’aider l’entreprise à supporter ses charges liées notamment à la prise en charge des salaires et autres, et à certains frais inhérents à son fonctionnement. ‘’Pour les prêts, compte tenu de cette situation, la compagnie va simplement négocier des différés de paiement avec ses créanciers. Le gros du budget devait aller à la promotion’’, insiste-t-il, donnant l’exemple de certaines destinations concurrentes comme le Maroc et la Tunisie qui mettent des centaines de milliards dans la promotion. ‘’Il est impossible de les concurrencer avec 2 à 4 milliards’’, informe notre interlocuteur.
 
Des emplois et des entreprises menacés
 
Par ailleurs, selon les estimations faites par l’IATA (Association du transport aérien international), à la date du 23 avril dernier, il y aurait 2,6 millions de passagers de moins pour le Sénégal. Ce qui a entrainé pas mal de pertes pour toutes les entreprises de la plateforme aéroportuaire. Lesquelles comptaient également sur un appui de l’Etat pour survivre à la pandémie. ‘’Au même titre que les hôteliers et la compagnie nationale, le gestionnaire (Limak-AIBD-Summa) et tous les prestataires de l’aéroport vont être impactés avec l’arrêt du trafic’’, soutiennent les camarades de Serigne Moustapha Gaye. L’absence de trafic, renchérissent-ils, signifie une absence de revenus pour tout le monde.
 
Avec cette situation plus que morose, de nombreuses craintes sont nourries à l’endroit des travailleurs des différentes entreprises de la plateforme aéroportuaire. En plus de suspendre les programmes de recrutement, à Air Sénégal, tout le personnel a été mis en congé anticipé. C’était, dit-on, pour éviter de les envoyer en chômage technique. Mais si l’on en croit des employés de la boîte, les effets ne diffèrent guère du chômage technique. D’après ce travailleur, il ne reçoit même plus la moitié de son salaire. Ce qui est en porte-à-faux avec les directives présidentielles qui exigeaient le paiement de 70 % au moins du salaire. ‘’Les temps sont vraiment durs, mais on comprend. Tout est à l’arrêt. Nous espérons simplement que nous sortirons bientôt de cette crise’’, confie le membre du personnel.
 
Hier, une importante réunion a été tenue par le ministère de tutelle. Interpellé, le département réserve la primeur de sa réponse à l’assemblée qu’il va tenir aujourd’hui avec les gouverneurs des 14 régions.
 
MOR AMAR
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