Publié le 23 Nov 2022 - 23:52
VOTE DU BUDGET DU MINISTÈRE DU COMMERCE

Les députés déplorent la démarche attentiste des autorités sur le contrôle des prix 

 

Malgré les mesures annoncées pour la baisse du coût de la vie au Sénégal, les députés ont pointé du doigt l’inertie des autorités face au diktat des prix pratiqués par les commerçants.

 

‘’Pourquoi attendre que la souffrance des Sénégalais soit extrême pour afin agir ?’’. La question a été posée hier au ministre du Commerce, de la Consommation et des Petites et moyennes entreprises venu hier  défendre le budget 2023 de son département.

Selon l’honorable Massata Samb, c’est le mal des autorités sénégalaises. Et les mesures prises par le gouvernement afin de réduire le coût de la vie ne sont que le prolongement de cette réalité. Le député de l’opposition n’a pas été seul à déplorer le manque de réactivité du gouvernement face aux prix imposés par les commerçants aux consommateurs, notamment sur le contrôle des prix. Nombreux ont été les parlementaires à déplorer la disparition des visites  d’agents de contrôle dans les commerces. Pour le député Massata Samb, au-delà du contrôle des prix, les produits périmés encore vendus sur certains étales menacent la santé des Sénégalais.

Une complainte approuvée par Abdou Karim Fofana, avec la nécessité de renforcer davantage l'effectif et les moyens des services dédiés au contrôle. Ceci, par la  poursuite du processus de recrutement d'agents assermentés, non sans préciser le recrutement de 1 000 jeunes qui viendront en appoint pour appuyer les effectifs du département du commerce.

En commission, le ministre du Commerce a fait savoir que les services chargés du contrôle économique ont réalisé plus de 22 000 contrôles sur la pratique de prix illicites, la tromperie sur la qualité, les infractions aux règles de facturation, le défaut de mention obligatoire, le défaut d'inscription au registre de commerce, la vente illicite de pain et le défaut de publicité des prix.

Tout ceci ne n’est que de la poudre aux yeux, assure Sanou Dione. Le parlementaire lance même à la face du ministre du Commerce : ‘’Tout ce que vous allez faire, c’est exposer ces jeunes chargés de contrôler les commerçants.’’ Le député annonce également que malgré les baisses annoncées par le gouvernement, les prix n’ont pas réellement bougé dans beaucoup de commerces. Et que la réalité est simple : ‘’Vous (les autorités) ne pouvez pas appliquer les mesures prises pour réduire le coût de la vie.’’

Depuis la fin du troisième trimestre, le gouvernement a lancé une série de discussions avec les acteurs du secteur du commerce afin de trouver des pistes de réduction des prix des denrées de grande consommation. Chargé de coordonner cette politique, le ministre du Commerce a mené, il y a quelques jours, des visites de terrain afin de constater l’effectivité de la baisse des prix décidée par les autorités sur plusieurs produits.

Devant les députés, Abdou Karim Fofana est revenu sur la structure de prix des denrées pour assurer que les concertations sur la vie chère ont permis d’en comprendre la composition et d’aller vers une baisse ou d’avoir une sincérité des prix avec leur justification au plan économique. Toutes ces nouvelles donnes seront connues des consommateurs, à la suite d’études d’impact économique et budgétaire autour de cette problématique.

Modernisation des marchés

Lieux d’exercice du commerce, les marchés ont suscité l’intérêt des parlementaires. Entre insalubrité, promiscuité, manque d’espace ou encore série d’incendies, ces espaces inquiètent beaucoup. L’occasion pour la députée Mame Diarra Fam de pousser un coup de gueule sur la situation du marché syndicat de Pikine, totalement abandonné par les autorités. ‘’Il faut nous dire ce que vous comptez faire pour le marché. Cet État doit corriger ce qui se passe à Pikine. Rien ne marche dans cette banlieue proche. Les gros-porteurs bloquent la circulation dans la rue, lorsqu’ils viennent livrer leurs produits’’, peste la députée de la diaspora.

La modernisation des marchés est une revendication que le ministre du Commerce explique par la nécessité ‘’d’organiser nos marchés qui ont la réputation de fonctionner tous les jours, sans interruption et sans gestionnaire dédié’’. Aussi, rapporte-t-il, avec le Programme de modernisation des marchés (Promogem), l'État du Sénégal a initié le financement de la première phase de cinq ans, pour un montant global de 30 milliards F CFA. Cette phase concerne les cinq marchés suivants : Ndoumbé Diop de Diourbel, Syndicat de Pikine, Tilène de Ziguinchor, Sandaga de Dakar et le marché de Kaolack.

Pour le budget 2023, l'État va poursuivre encore les efforts pour intervenir dans les localités comme Kolda, tout en créant un cadre pour appuyer les marchés Syndicat, Nguiranène de Touba, Ndoumbé Diop de Diourbel, Tilène de Ziguinchor, etc.

Par ailleurs, promet le ministre, son département élargira ses interventions dans le monde rural pour démocratiser l'accès aux marchés modernes, avec le concours des populations locales qualifiées et les collectivités territoriales.

Le ministre des Finances vante les mérites du franc CFA

Selon Amadou Moustapha Ba, il y a plus d’avantages à utiliser le franc CFA que d’inconvénients.  

Le débat sur le franc CFA s’est invité à l’Assemblée nationale. Lors du passage du ministre du Commerce dans le cadre du marathon budgétaire, les députés de l’opposition ont interpellé le gouvernement sur la nécessité d’engager courageusement des réflexions sur le franc CFA, en soutenant que cet instrument monétaire favorise une interconnexion économique défavorable aux États membres de la Zone franc par rapport aux pays de la Zone euro.

C’est ainsi qu’en commission, Mamadou Moustapha Ba, Ministre des Finances et du Budget, s’est lancé dans un cours économique sur les avantages que tire le Sénégal de l’utilisation du franc CFA. Le ministère des Finances a décliné quatre points positifs du franc CFA : la parité fixe qui a le mérite de permettre d'avoir, aujourd'hui, une inflation maîtrisée due à la discipline budgétaire. Il a ainsi comparé le Sénégal à des pays avec des taux d'inflation relativement importants. C'est le cas du Ghana (37 %), du Nigeria (20 %) en octobre 2022. Ensuite, Mamadou Moustapha Ba a soutenu qu'en supprimant le risque de change à l'intérieur de la zone, on parvient à rassurer les investisseurs, au regard des investissements directs étrangers (IDE) dans les autres pays qui ont des monnaies flottantes. La valeur du cedi au Ghana, par exemple, a perdu 34 %, dira-t-il.

En troisième lieu,  le ministre a signalé la crédibilité de la politique monétaire, avec l'indépendance de la Banque centrale, avant d'indiquer l'avantage du rôle catalyseur dans le cadre de la solidarité et de l’intégration régionale.

Ces explications n’ont toutefois pas convaincu le député Samba Dangue qui a demandé aux autorités de plaider, au moins, pour la réduction du taux d’arrimage du franc CFA à l’euro, en attendant la mise en service de l’éco, ni l’honorable Ndèye Salata Diop qui a interpellé le ministre des Finances sur l’impossibilité pour les détenteurs de billets en francs CFA en France de les convertir en euro.

‘’C’est incompréhensible que dans un pays qui fabrique les billets CFA, qui a un accord monétaire avec les pays de la Zone franc, qu’on ne puisse pas changer les billets CFA en euro. Nos compatriotes sont extrêmement fatigués de cette situation. Ils sont obligés de passer par le Sénégal pour obtenir de l’euro qu’ils vont utiliser en Europe. Les bureaux de change refusent systématiquement de prendre des billets CFA’’, fulmine-t-elle.


Abdou Karim Fofana s’écharpe avec les députés de Yewwi

L’Assemblée nationale a connu, hier, son premier moment chaud de ce marathon budgétaire 2022. Abdou Karim Fofana a voulu répondre aux reproches que lui a faits le député de la coalition Yewwi Askan Wi, Abass Fall, sur ses  passages récurrents sur les plateaux de télévision.

Mais le ministre du Commerce a provoqué un tollé général à l’hémicycle qui a abouti à son retrait de la salle, de même que celui du président de l'Assemblée nationale. ‘’J'ai l’impression que le fait que je sois porte-parole du gouvernement dérange certains dans ce pays.

Quand j'ai fini ma journée de travail, en tant que porte-parole  du gouvernement, j’ai le droit de faire le plateau média que je veux. J’ai quelqu’un pour me masser chez moi. Que vais-je faire ailleurs ? La Constitution me le permet. Je donnerai toujours mon point de vue sur les politiques publiques. Ce que je n’accepterai jamais, c’est ce terrorisme intellectuel. Chaque Sénégalais a le droit de dire ce qu’il veut sur n’importe quel sujet, y compris la question du troisième mandat. Nous sommes en démocratie. Vous avez le droit de parler sur les plateaux télé, alors ne le refusez pas aux autres !’’, exige Abdou Karim Fofana.

Toutefois, le ministre du Commerce a versé dans la provocation, en signalant que Birame Soulèye Diop, député et maire de Thiès-Nord, est dans une formation politique dont le leader théorise l’interdiction du cumul de mandats. Ce qui a fait bondir le n°2 du Pastef qui a demandé un droit de réponse. Moment choisi pour les députés de la majorité et de l’opposition pour se donner en spectacle. Des échanges houleux et des tentatives d’intimidation entre parlementaires ont fait monter le niveau de décibels dans la salle.   

À la reprise de la séance, après une demi-heure de suspension, les députés de la coalition Yewwi Askan Wi ont boycotté le temps de parole du ministre du Commerce. Ils ne sont retournés dans la salle qu’une fois que le ministre des Finances et du Budget, Amadou Moustapha Ba, a pris le micro pour répondre aux interpellations des députés.

Lamine Diouf

 

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