Publié le 29 Nov 2022 - 22:07
VOTE PROJET DE BUDGET DU MINISTÈRE DE LA FEMME

La révision du Code de la famille encore demandée

 

Hier, c'était au tour de la ministre de la Femme, de la Famille et de la Protection des enfants de défendre le projet de budget de son département. À la différence des passages des autres ministères, les interventions ainsi que le vote se sont déroulés dans la parfaite cohésion. Les femmes parlementaires se sont montrées engagées et intéressées par le budget alloué à leur ministère de tutelle qui est arrêté à 30 milliards F CFA.

 

Le passage de Fatou Diane Guèye, Ministre de la Femme, de la Famille et de la Protection des enfants à l'Assemblée nationale, a été plutôt calme et posé, par rapport aux séances précédentes. Hier, les femmes parlementaires ont été les stars de la journée. Elles ont montré leur accord pour le budget alloué au ministère, qui s'élève à 30 milliards 789 millions F CFA.

À tour de rôle, chacune d'elle est montée sur la tribune pour s'en féliciter et dire ses doléances. Entre plaidoyers et hommages rendus à leur ministre de tutelle, les députées ont partagé, avec quelques hommes, la tribune de l'hémicycle. Pas d'engueulements, encore moins d'invectives.

Dans cette sérénité grandissante, une voix est venue faire la différence, de par sa portée. C'est Mame Diarra Fam qui, comme à son habitude, a joué au show dès la fin de son intervention en faisant des enjambées pour retrouver sa chaise. Tout cela s'est fait sous les applaudissements et le rire généralisé de ses collègues. La Pikinoise a interpellé la ministre sur le sujet sensible de l'équité et de l'équilibre entre les femmes.

"Il faut travailler pour toutes les femmes. Il ne faut surtout pas les différencier à travers leurs aspirations politiques. Que ce soit une femme du pouvoir ou de l'opposition, elles sont toutes sous votre tutelle. À vrai dire, à part notre première dame, c'est vous la maman de tous les enfants et de toutes les femmes'', a-t-elle déclaré.

Cependant, la députée qui défend très souvent la diaspora ne s'est pas limitée à ces interpellations. Elle s'en est prise aux hommes auteurs de grossesses et ayant tendance à les nier. Pour elle, il faut réfléchir sur la question et trouver des solutions. Et pour jeter quelques piques, elle lance : "Certains hommes engrossent des femmes et prennent la fuite. Dans ces conditions, il est toujours très difficile pour la victime de trouver des papiers pour son enfant, notamment quand il s'agit d’établir un passeport. Par conséquent, il faut réformer pour que les femmes aient la possibilité de chercher elles-mêmes des papiers, le passeport surtout pour leurs enfants.''

''Il faut augmenter les financements''

La députée Dior Mbengue, elle, a demandé à Fatou Diané Guèye d’apporter son soutien aux enfants victimes de trisomie 21. Si Mme Mbengue salue les financements donnés souvent aux femmes par la ministre, une autre de ses collègues voit autrement. Selon Oulimata Sidibé, les financements donnés aux femmes sont insuffisants. Elle explique : "250 000 F CFA, c'est vraiment très peu comme financement. Il faut augmenter cela à 500 000, voire à un million.''

La parlementaire demande ainsi solennellement à la ministre de descendre sur le terrain pour mieux s'enquérir de la situation des femmes. ''Il faut aller à la rencontre des femmes. Dans la région de Ziguinchor par exemple, qui est une zone stratégique aux richesses énormes que les femmes essaient d'exploiter. Il faut donc les aider dans leurs activités'', suggère-t-elle.

La parlementaire ne demande pas seulement que les financements soient donnés aux femmes transformatrices de produits locaux, mais elle plaide surtout pour un suivi de ces financements. Pour elle, on apporte certains soutiens financiers pour des raisons politiques. ''Pour les bourses familiales, par exemple, on en fait de la politique pour la plupart, en ne les donnant pas aux nécessiteux. Dans ce type de soutien, le monde rural doit être privilégié'', soutient-elle.

Jour férié pour la Journée mondiale de la femme

Parmi les doléances phares, on peut légitimement citer celle de Daba Wagna. "Madame la Ministre, je voudrais vous demander solennellement de décréter jour férié la Journée mondiale de la femme''. D'ailleurs, cette idée est partagée par nombre de députés. Certaines sont allées même plus loin pour réclamer une décentralisation de la journée de la femme. Elles plaident ainsi pour que la célébration de cette journée ne soit pas limitée seulement à Dakar. Pour mieux l'élargir, elles demandent que toutes les régions abritent la journée.

La question de la décentralisation est abordée, dans la foulée, par Ndiaga Niang, d'ailleurs l'un des rares hommes à avoir pris la parole hier. ''Toutes les communes doivent abriter la case des tout-petits, mais aussi la maison de la femme. C'est une façon d'être juste et loyal avec tout le monde, sinon ce serait de l'iniquité'', dit-il.

Boucounta Thior, elle, a insisté sur le soutien financier aux femmes insulaires qui, selon elle, vivent dans des situations pénibles. "Les femmes qui vivent dans les îles du Saloum ont besoin d'être soutenues. Pour leur gagne-pain, ces femmes sont obligées d'aller en mer à l'aide de pirogues à pagaie. Alors, il faut penser à ces gens qui sont dans le Sénégal des profondeurs'', informe-t-elle à ce propos.

Révision du Code de la famille

Plusieurs députés ont dénoncé les violences et les conditions douloureuses que vivent les femmes. Les interpellations en ce sens se sont multipliées au cours des débats. C'est pourquoi, lors de sa prise de parole, Fanta Sall n'a pas raté les hommes irresponsables. Elle regrette le fait que des hommes malmènent les femmes. ‘’Beaucoup de femmes sont en train de vivre l'enfer dans leur foyer'', dit-elle.

Ce constat triste l'a ainsi poussée à se poser une question d'un grand sens : "Où en est-on avec le Code de la famille ? Il faut agir pour sauver ces victimes de leurs souffrances. Elles subissent des choses inadmissibles ! Ceci dit, il faut faire quelque chose concernant l'autorisation parentale. Certains hommes divorcés refusent de signer cette autorisation. Cela bloque toujours la maman qui veut faire voyager son enfant.''

La dénonciation des souffrances que subissent les femmes a aussi préoccupé un autre homme, Ismaïla Diallo. Ce parlementaire plaide pour une meilleure protection. Évoquant l'affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko, M. Diallo de dire : "Il faut protéger les femmes. Qu'on arrête de les instrumentaliser. Ce genre d'acte a failli mettre à feu à notre pays.''

Numéro vert pour dénoncer ces violences

Très décriées par les parlementaires, les violences faites aux femmes sont bien prises en compte par le ministère de tutelle. Par ailleurs, le rapport produit informe de l’existence de mesures prises en sens.

Il existe, en effet, un numéro vert, le 116, pour dénoncer les violences conjugales. À propos de ce numéro, il est aussi précisé qu'il était dédié auparavant aux enfants. Toutefois, compte tenu de la faible activité remarquée, son champ d'action a été élargi pour prendre en charge toute la famille. Mieux, une campagne de communication sera lancée à cet effet, ''pour permettre à toute femme, quand bien même qu'elle serait à Kédougou, d'alerter les services compétents quand son intégrité physique est menacée''.

À ce numéro vert, s'ajoutent d'autres moyens sécuritaires en vue. C'est le cas de la plateforme de signalement annoncée par la ministre et qui sera lancée dans les jours à venir. ''Les opératrices sont recrutées et seront formées pour recevoir tous les appels venant de tous les coins du pays, en cas de menaces. Il y a aussi un dispositif qui est en train d'être mis en place pour faire un suivi après l'appel en mettant à contribution les 3 000 ''Bajenu Gox'' (femmes relais dans les quartiers). Ces dernières seront formées à la prise en charge de la femme victime de violence en attendant d'activer les autres dispositifs''.

15 milliards pour la protection de l'enfance

Les interventions ont aussi tourné autour de la situation des enfants. Afin de sauver cette couche de la population, des mesures ont été prises. La ministre est revenue sur les fonds mobilisés en ce sens : "Sur la protection de l'enfance, elle a fait noter qu'un budget de 15 milliards F CFA est alloué à son département. Ce qui démontre la volonté de son ministère de faire de la protection de l'enfance une priorité. Aussi, il y a un budget de 11 milliards alloué au programme famille.''

Sur la question de l'autonomisation des femmes, la ministre se dit consciente de l'insuffisance des fonds mobilisés. ''Même si le montant de deux milliards dédié à ce programme est jugé faible, il n'en demeure pas moins que les femmes de ménage font partie des couches vulnérables, ainsi que les personnes handicapées’’.

Dans le cadre de sa mission d'améliorer les conditions de la femme, la ministre a décidé de mettre en place d'autres stratégies. À cet effet, elle annonce pour les jours à venir les assises nationales pour l'entrepreneuriat féminin. Ces assises permettront aux femmes d'échanger, de discuter sur des sujets de développement. D'après Fatou Diane Guèye, ce sera aussi l'occasion d'évaluer les milliards dépensés pour les financements des femmes depuis des décennies. En plus de discuter pour trouver un nouveau modèle de financement et aussi de nouvelles approches.

El hadji Fodé Sarr

Section: