Publié le 12 Feb 2014 - 09:15
A LA DÉCOUVERTE DE KEUR MOR ABDOULAYE SÉYE

Un village  mouride  centenaire qui manque de tout

 

Village religieux, Keur Mor Abdoulaye Sèye participe depuis plus de 100 ans à la formation des dignitaires mourides. Situé à une vingtaine de kilomètres de la commune de Louga, le village est caractérisé par un manque notoire d'infrastructures sociales de base. EnQuête est allé à la découverte de ce village niché au cœur du Ndiambour. Reportage

 

Situé à une vingtaine de kilomètres de la commune de Louga, Keur Mor Abdoulaye Sèye est un village religieux créé il y a de cela plus de 100 ans, par Serigne Mor Abdoulaye Sèye. Également appelé Lampoup Ndiambour (la lumière de Ndiambour), Serigne Mor Abdoulaye Sèye a fondé ce village, dans le but de mieux adorer son seigneur, mais aussi d'enseigner le Saint Coran à ses disciples qui se comptaient par milliers. Serigne Abdou Marnane Sèye, imam de la mosquée du village, raconte : ''Mor Abdoulaye Sèye avait constaté que le nombre de ses disciples ne cessait d'augmenter.

Il décida alors de fonder ce village. Avant l'arrivée de Serigne Touba, on l'appelait ''Mor Diw''. C'est le fondateur du mouridisme qui a amené le mot ''Serigne'' (marabout). ''Le marabout, poursuit l'imam, m'a dit qu'il n'a jamais cultivé. Il passait tout son temps à adorer son seigneur. Ce sont les gens qui habitaient aux alentours qui cultivaient des champs pour lui, les mercredis et les dimanches de chaque semaine''.

Parmi les dignitaires mourides les plus célèbres qui ont bénéficié de la sagesse du saint homme, on peut citer, entre autres : Serigne Djily Wadane Mbacké, plusieurs petits-fils de Serigne Cheikh Gaïndé Fatma dont Serigne Modou Faty Kheury Mbacké, Serigne Ibra Mbacké, Serigne Makhmadane Mbacké, Serigne Aïdara Mbacké de Darou Mouhty et Mor Madieng Fallo qui a quitté son village Goyar pour venir mémoriser le Coran à Keur Mor Abdoulaye sèye .

Après son rappel à Dieu, son fils aîné Mame Alsane Sèye a poursuivi son œuvre. Des générations de Mbacké Mbacké y sont venus mémoriser le Saint Coran. Le village reste un lieu privilégié pour l'enseignement religieux. Il compte 5 daaraas (écoles coraniques) qui accueillent en moyenne plus de 100 talibés.

L'imam raconte qu'au moment où Serigne Mor faisait allégeance à Serigne Touba, il avait fini d'écrire de ses propres mains 8 exemplaires du Saint Coran. Ainsi, ''au moment où Cheikhoul Khadim partait en exil, il a dit à son frère Mame Thierno Birahim, à travers une lettre : ''Je ne sais pas ceux de mes talibés que tu vas garder auprès de toi, mais fais en sorte que Mor Abdoulaye Sèye en fasse partie.'' Le village fut et restera toujours un village religieux. Pendant toute l'année, des hommes de Dieu viennent s'y ressourcer. Le gamou annuel du village est le lieu de convergence de milliers de talibés. Le village de cultivateurs compte de nombreux émigrés parmi ses fils.

‘’Au Sénégal, si vous ne faites pas de la politique, on vous oublie’’

Pour autant, le village manque de tout. Aucune infrastructure : pas de route goudronnée, ni d'électricité, aucune école française, pas même un dispensaire. Rallier le village par véhicule relève d'un véritable parcours du combattant. La piste poussiéreuse est tantôt sablonneuse, tantôt cahoteuse. Il compte plus d’un millier d’âmes. Certaines maisons sont en paille, quelques rares en dur. A l’intérieur du village, des baobabs, des azadirachta indica ou ‘’niim’’ et des animaux en divagation constituent le décor.

‘’Nous n’avons que de l’eau salée. Un grand village comme le notre mérite au moins de l’électricité et une route bien goudronnée. A chaque fois que des talibés veulent rallier le village avec leurs voitures, c'est compliqué. Concernant l’électricité, on a fait la demande à tous les régimes qui se sont succédé. Et pourtant, 5 km nous sépare d’un village qui est électrifié’’, se désole Serigne Cheikh Bachir Sèye, porte-parole de la famille. ‘’Le malheur au Sénégal est que si vous ne faites pas de la politique, on vous oublie.

Nous pourrions bel et bien battre le macadam, ou mettre la pression, pour obtenir gain de cause. Mais nous ne le ferons pas, parce que nous sommes des religieux’’.  Salimata Mbow, la quarantaine, ne dit pas autre chose :  ‘’J’ai entendu dire que du temps de Senghor, les gens sont venus ici tracer une route qui devait relier la ville de Louga à celle de Sagatta Gueth, en passant par notre village. Mais depuis lors, les projets ont été rangés dans les tiroirs. Le pouvoir actuel doit réagir, car à la limite, cela va ressembler à un manque de considération de la part des autorités.’’

''Un talibé qui quitte Dakar, une fois à Louga, est obligé de garer sa voiture, et de prendre une Peugeot. Ce n’est pas facile.’’  A en croire la dame, rien ne manque, dans le village, à part les infrastructures sociales de base. ‘’On a tout ce qu’il nous faut côté nourriture, élevage. Mais vous savez que nous sommes à l'heure de la mondialisation. Nous avons besoin d'électricité et du téléphone. Une forte pluie a fait tomber les fils de haute tension et depuis lors, c’est silence radio'', conclut la dame.

 

PAR CHEIKH THIAM

 

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