Publié le 22 Feb 2016 - 13:14
PUBLICATION D’UN LIVRE SUR LA MAGISTRATURE AU SENEGAL

Le juge Babacar Ngom débusque les ‘’avatars’’ de la justice

 

La présentation du livre du juge Babacar Ngom sur l’indépendance de la magistrature a été une occasion pour les hommes de droit de faire un diagnostic du fonctionnement de la justice sénégalaise.

 

‘’Comment renforcer l’indépendance de la Magistrature au Sénégal ?’’ C’est le titre du livre du magistrat Babacar Ngom, juge au tribunal d’instance de Dakar.  L’ouvrage a été présenté au public, ce samedi, à l’Espace Harmattan. Selon le professeur de Droit Abdoulaye Dièye, il s’agit d’un livre de 121 pages réparties en deux parties. La première évoque la base textuelle du principe de l’indépendance de la justice. La seconde traite de la portée de cette indépendance. A ce propos, un diagnostic sans complaisance a été fait par les avocats, magistrats et professeurs de droit présents à la cérémonie. Le diagnostic de Me Abdoulaye Babou est sans appel : ‘’Ni l’Assemblée nationale, ni la justice n’est libre, à cause de l’Exécutif qui guillotine toutes les institutions.’’

‘’Le pouvoir exorbitant’’ du Procureur

Mais pour l’auteur du livre, ‘’la magistrature peut être indépendante, car nous avons hérité d’un pays avec une longue tradition démocratique’’. Selon son analyse, la justice n’est pas comprise par les populations. C’est pour leur permettre de la comprendre qu’il a écrit le livre. Car, sans cette compréhension, les populations peuvent légitimement se demander si la justice est réellement indépendante. A cette question, le juge Ngom répond qu’il y a ‘’des avatars’’ qui empêchent la justice d’être indépendante, comme il le faut. Parmi ces avatars, il y a ‘’le pouvoir exorbitant’’ du Procureur, or celui-ci est sous la tutelle de l’Exécutif, puisque le ministre de la justice est le Chef du parquet.

L’autre écueil soulevé par le magistrat, c’est la nomination des juges d’instruction par le Garde des Sceaux. L’auteur pense, à juste raison, que le ministre peut donner des orientations. Donc, pour ‘’une meilleure garantie de l’indépendance de la justice’’, le juge Ngom pense qu’il est possible de couper ce lien entre le ministre et le parquet. Mieux, le juge préconise dans son ouvrage, l’élection d’un Procureur général de la République qui sera le chef hiérarchique de tous les procureurs de la République. Car, jusque-là, le Procureur général de la Cour suprême n’a pas d’ascendance sur ces derniers.

‘’Le président de la République n’a aucune part importante dans la nomination des magistrats’’

Le fait que le président de la République et le ministre de la justice soient respectivement président et vice-président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est également considéré comme un handicap à l’indépendance de la magistrature. ‘’La carrière des magistrats doit être gérée par les magistrats eux-mêmes. Mais souvent, nous sommes déçus quand il y a CSM. Car nous ignorons comment les collègues évoluent’’, s’est désolé le juge Ngom qui prône un mécanisme d’évaluation, avant toute nomination. Mais, selon les révélations faites par l’ancien ministre de la justice, le Pr Serigne Diop, le Chef de l’Etat n’a aucune part active dans la nomination des magistrats, lors des réunions du CSM, sauf s’il s’agit des hautes juridictions. ‘’Ni le Président, ni le ministre ne connaît les magistrats’’, a martelé l’ex-Garde des Sceaux, tout en précisant que ‘’c’est la direction des services judiciaires qui prépare les dossiers’’.

Selon ses explications, tout se prépare en pré-conseil lors duquel le ministre rencontre les membres du CSM. Lors de ces rencontres, poursuit le Pr Serigne Diop, ‘’les débats sont rudes et le ministre ne connaît personne et même s’il avance un nom, il pourrait être suspecté’’. En vérité, conclut-il, ‘’ce sont les membres du CSM qui nomment et le Président ne fait qu’entériner’’. Toutefois, dit-il, ‘’cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour l’amélioration et la critique’’. Le non-respect du principe de l’inamovibilité du juge fait aussi partie des griefs soulevés. A ce propos, le magistrat Alioune Niane dénonce le recours abusif de l’intérim et de l’argument de la nécessité de service pour bafouer ce principe. Le magistrat à la Cour des comptes a également déploré le manque d’autonomie financière de la justice. ‘’Même pour acheter un stylo, on passe par le ministère des Finances’’, se désole-t-il.

‘’Les mauvais textes ne peuvent pas rendre un magistrat corrompu’’

Au vu de tous ces écueils, le magistrat Ngom recommande, dans son ouvrage, la nécessité d’aller vers un système équilibré où chacun des pouvoirs, Exécutif et Judiciaire, joue son rôle. A son avis, on ne peut réformer la justice, en laissant en rade les autres institutions et la peur d’avoir ‘’un gouvernement des juges’’ ne devrait pas pousser à renoncer à ces réformes. ‘’Il faut qu’on arrive à comprendre que le magistrat indépendant, c’est celui à qui le peuple a délégué son pouvoir et non une quelconque faction politique’’, déclare le magistrat Niane. Son collègue El Hadj Abdoul Aziz Seck de renchérir : ‘’S’il y a indépendance de la justice, c’est dans l’intérêt de tout le monde.’’

Cependant, pour le Pr Serigne Diop, au-delà des textes, les ressources humaines ne sont pas à négliger dans la mesure où, souligne-t-il, ‘’tout est question d’homme et de responsabilité’’. ‘’Les plus mauvais textes ne rendent pas un juge corrompu’’, peste le professeur de Droit. Un avis partagé par le juge Ngom, puisqu’il conclut dans son ouvrage que ‘’quelle que soit la faiblesse du système, le magistrat doit rendre la justice en toute indépendance’’. 

FATOU SY

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