Publié le 17 Mar 2016 - 08:49
REFERENDUM DU 20 MARS 2016

Un rendez-vous  historique de tous les dangers 

 

Ce 20 mars devrait se tenir le quatrième référendum de l’histoire du Sénégal contemporain, dont l’initiateur, le Président Macky Sall, a eu l’insigne maladresse de prétendre qu’il verrait le triomphe du « OUI », puisque selon lui le « NON » n’aurait jamais prospéré dans ce pays.

Cette date coïncidera aussi avec le second tour de l’élection présidentielle au Niger et au Bénin, deux pays frères dont les présidents sortants ou leur successeur désigné ont échoué dans leur projet de réélection dès le premier tour, ce funeste « un coup, KO ! », qui a si bien réussi jadis aux fils Bongo et Eyadema, ou encore au proconsul français en Côte d’Ivoire…

Enfin, ce même dimanche, décidément très chargé, verra également le dinosaure françafricain                                                                                             de Brazzaville tenter la même opération de passage en force, en s’octroyant un troisième mandat consécutif, à la suite d’une manipulation constitutionnelle frauduleuse validée par un référendum truqué ; totalisant ainsi plus de 32 ans de pouvoir absolu à la tête du Congo !

Revenons au Sénégal, première colonie française en Afrique et banc d’essai de toutes les expérimentations françafricaines (et, désormais, washingtoniennes), avant leur généralisation au reste du continent. Bien que l’enjeu du prochain référendum soit d’ordre strictement institutionnel et non électoral, la procédure choisie par son initiateur a eu pour effet de le dénaturer en plébiscite. Une erreur de méthode qui a résulté d’une grave faute politique du PR, celle d’un double reniement : d’abord en abjurant son engagement solennel à appliquer les conclusions issues des Assises Nationales consignées dans la Charte de Gouvernance Démocratique, puis en rejetant implicitement les recommandations pertinentes et consensuelles présentées par la CNRI, pourtant créée à son initiative et, surtout parfaitement conformes à son propre mandat initial.

Or, c’est précisément ce double reniement qui va le conduire à une récidive fatale, cette fois-ci ouvertement, en renonçant  à ramener son septennat légal au quinquennat promis. Un « wax waxeet » public et retentissant, qui a ravivé dans l’opinion le souvenir tristement célèbre de son sinistre prédécesseur et maître en politique, A Wade !    Il s’en est suivi une fausse querelle autour de la valeur de l’avis consultatif du Conseil constitutionnel, présenté comme une décision de justice exécutoire, qui a été définitivement tranchée par la communauté des juristes universitaires qui, a dénoncé  l’alibi comme « un subterfuge juridique utilisé pour accomplir un dessein politique personnel ».

Passons sur le curieux vide juridique du Code électoral en matière de campagne et de scrutin référendaires, permettant toutes sortes d’abus partisans dans la préparation et le déroulement du processus en cours, sans compter les menaces de violences susceptibles d’en découler, au point qu’un concitoyen chef de Parti s’est résolu à introduire un recours en sursis à exécuter devant la Cour Suprême. Un seul exemple suffit à illustrer les possibles conséquences fâcheuses de la précipitation et de la partialité manifestes des autorités administratives  il s’agit du taux d’abstention sans précédent constaté lors du vote des militaires et paramilitaires et corps assimilés, les 12 et 13 mars, contraints de s’acquitter de leur devoir civique le jour même de l’ouverture de la campagne officielle…                                                                      A cause de la confusion délibérément entretenue par le pouvoir en place et ses suppôts sur les véritables enjeux de la révision constitutionnelle proposée, du fait notamment de l’absence de campagne radio-télévisée officielle dans les media du service public avec une répartition paritaire du temps d’antenne entre partisans du « OUI » et du « NON » et sous la supervision et le contrôle du CNRA, il semble évident que quel que soit le résultat final de cette consultation référendaire, il sera difficile sinon impossible d’en dégager une quelconque conclusion significative, en termes de réforme institutionnelle tout au moins. Mais n’était-ce pas là justement le but visé par son initiateur ?

En effet, que le « OUI » passe, même d’une courte tête, et l’on criera au plébiscite du Président Macky Sall ; que le « NON » l’emporte, avec ou sans raz de marée, il sera forcément interprété comme un cinglant désaveu de sa personne autant que de son régime de continuité néolibérale, tandis que si, comme par le passé, le parti de l’abstention demeure  majoritaire au Sénégal, toute conclusion autre que la permanence de la fracture entre le pays réel et le pays légal serait inévitablement suspectée de parti-pris ou d’arbitraire !

Toujours est-il que la question de fond soulevée par ce référendum intempestif reste celle de son contenu réformateur institutionnel : quasiment nul du côté de l’offre présidentielle, il contraste radicalement avec l’avant-projet de Constitution soumis par la CNRI, dans le cadre d’une refondation d’un Etat authentiquement souverain, démocratique et républicain.       C’est pourquoi la vraie trahison du PR a consisté à préférer son projet personnel et unilatéral à l’œuvre collégiale, concertée et consensuelle d’une communauté de citoyens incarnée par le Président des Assises Nationales et de la CNRI, Amadou Makhtar Mbow, dont le 20 mars marquera, par ailleurs, l’anniversaire de ses 96 ans… et auxquels il est redevable de sa brillante élection du 25 mars 2012. Quel plus beau cadeau lui offrir, en cette occasion, qu’un « NON » franc et massif, qui effacerait à jamais la honteuse  tradition du « OUI » frauduleux à la servitude volontaire, inaugurée par le pseudo-référendum gaulliste du 28 septembre 1958 et étrangement invoquée par le « jeune » Président Macky Sall…

C’est en cela que le problème essentiel auquel se trouve confronté le peuple sénégalais aujourd’hui, celui de la primauté de l’intérêt général et national sur les intérêts privés et/ou étrangers, est, en dernière analyse, partagé par nos frères nigériens, béninois et congolais qui se rendront aux urnes en ce dimanche fatidique, pour apporter leur réponse à une question qui, au fond, se pose à l’ensemble de nos compatriotes africains ; voire au-delà, quoiqu’en des termes plus ou moins spécifiques selon les régions du monde, à toute l’humanité. Il s’agit de décider si nous voulons poursuivre ce 3ème millénaire débutant et menaçant comme nous avons achevé le précédent, dans le fer, le feu et le sang ; ou si, au contraire, nous estimons nécessaire et urgent de rompre définitivement avec un passé et un présent dévastateurs et mortifères pour les humains autant que pour l’écosystème planétaire.

Espérons, pour finir, que les multiples scrutins de ce dimanche historique, malgré les graves manquements déjà observés ici ou là, pourront se dérouler dans la paix et la sécurité, la transparence et la régularité, préalables de la libre expression d’un suffrage universel sincère.           

Ku bëreey daan !

                                             Dakar, le 16 mars 2016          Dialo Diop

    Secrétaire général du RND

 

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