Publié le 26 Feb 2019 - 18:49
SCRUTIN PRESIDENTIEL 24 FEVRIER 2019

Les grandes lignes du vote de dimanche

 

Après une journée de vote calme et les premières tendances qui se sont dégagées, le scrutin de dimanche donne à voir quelques fluctuations qui seront importantes sur le champ politique à court et long termes.

 

Dakar voit marron : Bby doit être comme un jeune damoiseau pour qui la fiancée capricieuse cède finalement à sa cour assidue. Macky Sall réussit la prouesse de mettre dans son escarcelle l’imprenable et symbolique département dakarois. Ce qui, jusque-là, relevait d’un fantasme politicien pour les marron-beige, s’est enfin concrétisé, cerise sur le gâteau, jusque dans le bastion électoral du maire révoqué de Dakar. Grand-Yoff est tombé ainsi que les dernières poches de résistance pro-Khalifa : Mermoz, Liberté, ce qui restait des Parcelles-Assainies... Bref, dans le département et la région éponyme, les tendances favorables à Bby vont compliquer les projections optimistes de l’opposition. Une issue d’autant plus jouissive pour la majorité que l’opposition a pratiquement perdue dans tous les centres de vote.

Le candidat Macky Sall et sa coalition doivent toutefois contenir leur jubilation, puisqu’avec cette avance très étriquée sur Ousmane Sonko et Idrissa Seck, les effets victorieux sont vite annihilés, si les deux venaient à cumuler leurs suffrages. Le point de presse conjoint de ce dimanche soir ne laisse pas de doute que les forces seront unies, si la confrontation par les urnes devait se prolonger. Sans compter, théoriquement, les apports du Pur et de Madické2019.

Thiès rentre dans les rangs orange : Un département de gagné, un de perdu. Si Bby s’est saisie de Tivaouane, elle a perdu Thiès. Et Idrissa Seck doit avoir la banane. Ce département (jadis sa chasse gardée) qui se rétrécissait en sa défaveur à chaque échéance électorale depuis 2007, lui revient cette fois. Battu aux dernières législatives, il n’a dû son salut qu’en conservant de manière symbolique la commune éponyme. Son bastion, situé dans la deuxième région numériquement plus importante du pays, lui a souri à nouveau ce dimanche. Avec 120 054 voix, il reprend ‘’son bien’’ contre 100 422 pour la coalition Bby. Excepté le directeur de La Poste Siré Dia, les autres responsables Bby du département, qui lui promettaient l’enfer pour cette présidentielle, ont fait les frais de la renaissance du sphinx thiessois.

Pronunciamiento de Sonko à Ziguinchor : Sensation en juillet 2017 et révélation-confirmation moins de deux ans plus tard. Il sera difficile de trouver un aspirant à la magistrature suprême qui se soit imposé aussi rapidement sur la scène politique en si peu de temps. Ousmane Sonko s’est senti trop à l’étroit dans sa gigoteuse des législatives (30 000 voix et député au plus fort reste) et s’est taillé lui-même les habits d’un gros gaillard, ce dimanche. Avec des moyens limités, l’expérience presque inexistante et une coalition composée de forces politiques très modestes, le candidat estampillé ‘‘anti-système’’ a pourtant étalé les pontes ‘’apéristes’’ et gagne les départements de Bignona (51 438 voix), Ziguinchor (41 291) et Oussouye (9 209).

En somme, le leader de la coalition Sonko-Président remporte la région de Ziguinchor que l’on disait acquise à la majorité présidentielle. Benoit Sambou, Aminata Angélique Manga, Doudou Ka et même le renfort du transfuge et maire de Ziguinchor Abdoulaye Baldé n’ont pu contenir les effets du charme électoral innovant de l’expert fiscal. Une configuration David vs Goliath qui s’est prolongée en dehors de son désormais nouveau bastion du Sud. En plus d’avoir imposé une dualité à Macky Sall dans les votes de la diaspora (Usa, Arabie saoudite, Espagne, Cap-Vert, Pays-Bas, Maroc, Allemagne, Portugal, entre autres) les suffrages dans les grands centres urbains, le département de Dakar notamment, le placent juste derrière le leader de Bby, et au coude-à-coude avec Idrissa Seck. Les railleries sur le candidat virtuel vont cesser, à coup sûr. Et quelle que soit l’issue de ce scrutin, Ousmane Sonko peut légitimement rêver du fauteuil présidentiel, à l’avenir. Seule ombre à cette prestation honorable, sa relation bipolaire avec la presse sénégalaise qu’il encense tantôt et brûle aussitôt après. Ses déclarations ‘‘incendiaires’’ le soir du scrutin où il a accusé publiquement les journalistes de la 2Stv et du Groupe Futurs médias (Gfm) sont manifestes de cette versatilité.

Encore des couacs : L’opposition va encore avoir du sucre à casser sur le dos du ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye. Des manquements ont été, une nouvelle fois, relevés dans le vote. Si la logistique n’a pas fait défaut dans l’ensemble et que le scrutin s’est déroulé calmement, les erreurs matérielles sur le fichier électoral ont persisté ce dimanche. Moins prononcés certes que lors des législatives de 2017, mais presque aussi décevantes. Beaucoup de personnes ont été déroutées en apprenant qu’elles ont été délocalisées de leur lieu de vote habituel et n’ont finalement pas réussi à accomplir leur devoir citoyen. D’autres électeurs, faute de concordance entre les données sur leurs cartes d’identité et celles sur le fichier électoral, ont également été privés de vote. Le ministre Mbaye Ndiaye, au centre Hlm Grand-Médine des Parcelles-Assainies, a été confronté à ce problème, mais a pu aller voir le préfet pour pouvoir voter. Tout le contraire de beaucoup de citoyens lambda. D’autres bizarreries sur le fichier interpellent également. Dans le département de Kanel, par exemple, sur les 108 113 inscrits, les votants hors bureau originel sont de 71 253 sur les 70 106 suffrages valablement exprimés. Bien sûr, Macky Sall n’a pas raté ses vis-à-vis avec 65 679 voix.

Abdoulaye Wade, seul au monde : Il est comme un vieux lion vaincu et condamné à l’exil et à l’isolement par une meute plus jeune. Malgré la sympathie incontestable que lui voue le peuple sénégalais, l’ancien président de la République n’a pas réédité l’impact des législatives de 2017 sur la présidentielle. Que ce soit pour son appel au sabotage du vote ou son appel au boycott, il aura été courtoisement ignoré. Ce qui semblait assez évident d’ailleurs, puisque certains de ses proches collaborateurs (Mamadou Diop Decroix ainsi que beaucoup de maires libéraux ayant rejoint la coalition Idy2019) ont manifesté leur désir de participer au processus. Mais le ‘‘vieux’’ n’y perd pas grand-chose au change. Non seulement il a été l’extension vivante du Parti démocratique sénégalais (Pds) qu’il a fait participer à cette élection par procuration, mais son calcul du boycott le préserve d’une éventuelle déconvenue face à Macky Sall. Le chef de la coalition au pouvoir ne pourra pas se targuer, en cas de victoire, d’avoir réussi à étaler cette constellation de génies politiques de l’opposition chapeautée par Me Wade. En évitant l’antagonisme à Macky, Abdoulaye Wade conserve également une marge de manœuvre dans les négociations politico-judiciaires compliquées pour l’avenir de son fils.

OUSMANE LAYE DIOP

Section: 
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