Publié le 3 Jun 2020 - 18:45
RÉOUVERTURE DES CLASSES AVORTÉE

Chronique d’un échec annoncé

 

Les enseignants ne sont pas surpris du report de la réouverture des classes. Ils n’en sont pas moins amers de la tournure des événements. Ils pointent l’impréparation qui a conduit à ce fiasco.

 

L’école est dans un flou total. La date de la réouverture des classes vient d’être reportée sine die. Le secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels), Souleymane Diallo, se fait le porte-parole de ses collègues au téléphone d’’’EnQuête’’, pour dire leur ‘’écœurement et inquiétude’’. Même si, au fond, ils ne sont pas surpris de la tournure des événements, puisque les informations reçues de la base disaient que, dans tous les établissements, les conditions matérielles n’étaient pas prêtes pour la reprise des cours le 2 juin. 

Aujourd’hui, il redoute les conséquences de ‘’l’impréparation et de la désorganisation du retour des enseignants dans des conditions élevées de la transmission de la maladie’’. ‘’Nous ne sommes pas trop surpris. Par contre, nous sommes écœurés, d’abord, par le communiqué stigmatisant du ministre de l’Education nationale Mamadou Talla qui dit que, s’il y a report, c’est à cause de la contamination des enseignants. Il doit se sentir seul et unique responsable’’. Le syndicaliste de dénoncer ‘’l’incompétence et l’échec du gouvernement à mettre à disposition le matériel pour sécuriser les établissements et les élèves’’. 
 
En effet, poursuit-il, ‘’beaucoup d’écoles, à la date du 2 juin, ne sont pas dotées de matériel nécessaire, conformément au protocole sanitaire. Incapable de respecter ce protocole sanitaire, l’Etat est obligé de reporter la date. Il devait avouer clairement que les conditions ne sont pas réunies et admettre, à côté de ce risque élevé de la contamination, l’impréparation de l’Administration. Cet échec était prévisible’’, dénonce le secrétaire général du Sels. Pour qui, il n’est plus question de rouvrir les établissements, tant que l’Etat ne maîtrisera pas cette pandémie. Souleymane Diallo exige du gouvernement la protection et la sécurisation des enseignants, y compris leur sécurité sanitaire. 
 
Il pointe du doigt l’Etat qui, à ses yeux, est responsable de cette contamination et stigmatisation dont sont victimes des enseignants.
 
‘’Le privé laissé en rade’’
 
Dans le même ordre d’idées, le secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saemss) Saourou Sène a dénoncé la démarche solitaire des autorités, sur un plateau télé. ‘’A une semaine de l’ouverture, tout le monde devait avoir des éléments chiffrés. Nous avons eu deux réunions avec le ministre de l’Education nationale Mamadou Talla’’, a-t-il dénoncé. Avant d’appeler à une concertation plus large avec les différents acteurs, pour une démarche inclusive. ‘’Nous sommes restés dans l’optique de sauver l’année. Il nous faut naturellement plus d’efforts, d’organisation et que le partage soit au quotidien. Ce n’est jamais bon, dans ces situations, que quelqu’un prenne des décisions isolé. Il annonce que le G7 va s’organiser pour faire une synthèse afin de produire des solutions.
 
En outre, Saourou Sène a déclaré que la décision du privé de ne pas démarrer le 2 juin ne l’a pas surpris. ‘’La dotation en matériel n’est pas suffisante dans le public. Comment cela ne pourrait pas l’être dans le privé ?’’, s’est demandé Saourou.  En écho à ces propos, le président de l’Union des écoles privées du Sénégal, Insa Diallo, a noté la non-désinfection de certaines écoles, à la veille de la rentrée. ‘’Depuis une semaine, on travaillait avec l’inspectrice d’académie de Dakar Khadidiatou Diallo, mais le problème de désinfection a été grand. Pour les écoles Hyacinthe Thiandoum, Sacré-Cœur, cours Sainte Marie de Hann, Sainte Bernadette, il avait demandé le secours de la mairesse de Dakar Soham Wardini, parce qu’elles n’étaient pas désinfectées. Ce n’est que le lundi qu’il a eu une réponse favorable, c’est-à-dire la veille. En ce moment, cours Sainte Marie de Hann, Sainte Bernadette, Sacré-Cœur avaient déjà payé de leur propre argent pour la désinfection, avant l’arrivée du secours’’. 
 
Cette aide a été réorientée vers une autre école. Dans la commune de Ouakam, dit-il, il n’y a eu aucune école désinfectée dans le public comme dans le privé. A Yoff, avance-t-il, si ce n’était pas l’aide reçue du ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr, la commune serait dans la même situation. 
 
 
Mamadou Talla et Dame Diop s’expliquent
 
Les ministres de l’Education et de la Formation professionnelle se sont exercés, hier, au périlleux exercice d’explication du fiasco de la rentrée des classes avortée.
 
Hier, le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, et celui de la Formation professionnelle, Dame Diop, ont sorti un communiqué conjoint pour s’expliquer sur la non-réouverture des classes. ‘’La préparation de la reprise, expliquent-ils, a toujours été guidée par le souci de sauver l’année scolaire, tout en préservant la santé des populations, conformément aux orientations données aux autorités administratives, présidents des comités régionaux et gestion des épidémies (CRGE)’’. C’est dans ce cadre que l’Etat, ‘’en relation avec les collectivités territoriales et partenaires de l’école, a doté l’ensemble des écoles et établissements d’éducation et de formation professionnelle en matériels de protection, en application du protocole sanitaire validé par le Comité national de gestion des épidémies’’. 
 
‘’Cette belle synergie, selon les deux ministres, qui a prévalu depuis le début de la crise pour accompagner cette importante activité, est à saluer et à maintenir pour garantir de meilleures conditions de redémarrage des enseignements-apprentissages, dans une dynamique partenariale associant syndicats d’enseignants, société civile, parents d’élèves, etc.’’.
 
Ils soulignent que ‘’les dispositions d’ordre sanitaire, sécuritaire, pédagogique et logistique ont été prises pour assurer, en concertation avec tous les institutionnels et la communauté éducative, une reprise progressive et maîtrisée des enseignements-apprentissages. Cependant des cas de personnels enseignants testés positifs à la Covid-19 ont été enregistrés dans la région de Ziguinchor. C’est pourquoi Son Excellence le Président de la République a décidé de reporter des cours initialement prévus le 2 juin, à une date ultérieure’’.
 
Ils disent se réjouir de cette décision du chef de l’Etat ‘’qui vise à éliminer tout risque de propagation du virus dans l’espace scolaire, en vue de protéger, au-delà des élèves et les enseignants, toute la population sénégalaise’’. Et ils terminent par ‘’saluer le sens de responsabilités des enseignants qui ont massivement rejoint leur lieu de service et prier pour un prompt rétablissement de ceux parmi eux touchés par la maladie’’.
 
AIDA DIENE

 

 

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