‘’Je suis obligé d’appliquer les décisions prises par les instances de l’université’’

Le recteur de l’université Alioune Diop sort de sa réserve. Jusqu’ici muet, malgré les soubresauts notés dans son établissement, le professeur Mahy Diaw revient sur les événements qui se sont déroulés au niveau de l’UADB. Il clame haut et fort que ce n’est pas le recteur qui prend les décisions, mais l’assemblée de l’université et il est obligé de les appliquer.
Monsieur le Recteur, les étudiants ne veulent pas de la session unique. Ils réclament de meilleures conditions d’études, la lumière sur la mort de l’étudiant Badara Ndiaye, entre autres revendications. En quoi c’est difficile de satisfaire ces doléances ?
Je dois rappeler que la coordination qui a été mise en place jusqu’à sa dissolution, a été montée à partir du mois de juin 2021. Nous avons été obligés, au cours d’une assemblée de l’université, au mois d’août 2021, de dissoudre cette coordination, parce qu’au cours du mois de juin et de juillet, la coordination a eu à déposer quelques mots d’ordre. Ce qu’on pouvait remarquer, c’est qu’aucune plateforme revendicative ne reconduisait une autre.
A chaque fois qu’il y a une plateforme, on remarquait qu’elle était différente de la plateforme précédente. Et il est arrivé au mois de juillet 2021 toujours, il y avait une session d’examen qui avait été proposée par les différentes UFR (Unité de formation et de recherche). Par la violence, les étudiants se sont opposés à ce qu’on fasse les examens au mois de juillet. Ce qu’ils avaient refusé par la violence au mois de juillet 2021, c’est ce qu’ils réclament aussi par la violence au mois de décembre 2021.
Donc, par la violence, ils ont arrêté la possibilité de faire une première session au mois de juillet. Par la violence, ils réclament qu’on fasse deux sessions au mois de décembre 2021, alors que cette session avait été proposée par les UFR au mois de juillet 2021.
Vous voulez dire que ces étudiants sont violents ?
Ce qu’on peut remarquer, c’est que depuis la mise en place de cette coordination, c’est plutôt par des actions de violence qu’ils se sont fait remarquer.
C’est ce qui explique la dissolution de ces instances ?
Ce n’est pas moi qui dissous une instance quelconque. Ce sont les décisions des instances statuaires de notre université.
Quel sort allez-vous réserver aux revendications des étudiants ?
Ce que je dois faire remarquer, c’est qu’entre le mois de juin et de juillet, il y a eu des plateformes des étudiants dont l’une ne recoupait pas l’autre. Au mois de juillet, ils ont empêché la tenue de la première session dans la violence. A partir du 7 décembre, dans la violence, ils réclament (c’est vous qui le dites, moi, je n’ai pas vu) et imposent par la violence qu’on fasse deux sessions. Ce qu’ils avaient refusé, il y a cinq mois, c’est ce qu’ils réclament cinq mois après, tout en sachant que nous sommes tenus par les délais. Ce que je veux faire remarquer, pendant la violence du 7 décembre, il y a eu beaucoup de saccages d’infrastructures dans la maison. En raisonnant par analogie, de la même manière, quand ils se sont opposés à la tenue de la session par la violence, ils veulent l’imposer au mois de décembre, je ne voudrais pas que, demain, ils imposent la restauration de tout ce qu’ils ont saccagé pour la manifestation du 7 décembre 2021.
Vous leur dites quoi ?
Ce sont des décisions d’instance. Il ne me revient pas, moi recteur, de revenir sur les décisions d’instance qui sont très claires. La première décision devait avoir lieu à partir du 26 juillet. Par la violence, la coordination s’est opposée à la tenue de cette première session. Par la violence, ils réclament les deux sessions, le 7 décembre 2021, soit cinq mois plus tard. S’il y a des décisions à prendre à nouveau, ce seront les instances de l’assemblée de l’université qui vont les prendre, mais pas moi seul. Comme dans le cas de la présence des policiers au niveau de l’université, je suis obligé d’appliquer les décisions prises par les instances de l’université.
L’université Alioune Diop de Bambey est présentement remplie d’éléments du Groupement mobile d’intervention (GMI). Avec cette présence, l’image de l’université n’est-elle pas écornée au plan international ?
Je dois encore préciser, de nouveau, que ce n’est pas le recteur qui prend la décision de convoquer les éléments du GMI au niveau d’une université. Ce sont les décisions de l’assemblée de l’université qui, à la suite des événements du 7 décembre 2021, suite aux violences qui ont chassé le personnel administratif, technique et de service de la maison, des étudiants qui voulaient passer leurs examens et qui n’ont pas réussi à le faire, on a été obligé de recourir à la force publique, pour que les gens qui veulent travailler dans la maison le fassent dans de bonnes conditions de sécurité. Mais ce n’est pas le recteur qui impose la présence des policiers dans la maison ; ce sont des décisions de l’assemblée de l’université et le recteur est obligé de l’appliquer. Je suis autorisé à recueillir la puissance publique pour maintenir l’ordre dans l’université. Je suis obligé de le faire pour la sécurité des gens qui travaillent dans la maison.
Cela ne dégage pas une bonne image…
C’est la tradition des universités sénégalaises. Nous ne sommes pas la première université à recourir aux forces de l’ordre. Et nous ne serons pas la dernière. C’est dans la tradition universitaire de notre pays.
On vous a trouvé aphone, lors du décès de l’étudiant Badara Ndiaye que certains lient à l’intoxication alimentaire qui avait eu lieu à l’université. Est-ce qu’une enquête a été ouverte pour situer les responsabilités ?
Je dois d’abord m’incliner sur la mémoire de cet étudiant. Nous présentons nos condoléances aux parents du regretté, à toute la communauté universitaire. Par rapport à cette situation, vous savez que nous, on n’est pas médecin. Moi, je suis recteur. Ce qui s’est passé, s’est passé au niveau du Crous (Centre régional des œuvres universitaires et sociales) et il y a les investigations nécessaires qui ont été faites. Les résultats ont été donnés à qui de droit. Ce qui en est sorti, d’après les informations que nous avons, il ne s’agit pas d’intoxication.
L’université Alioune Diop a grandi, mais les infrastructures font défaut. N’est-il pas venu le moment d’augmenter les capacités d’accueil, surtout qu’à Bambey, se pose avec acuité le problème d’hébergement ?
L’université sénégalaise est en train de monter en puissance, comme l’université Alioune Diop. C’est vrai que toutes ces dernières années, les étudiants n’ont de cesse réclamé la construction des infrastructures. Il faut noter que, dans un premier temps, on a commencé par réhabiliter des infrastructures. On a ensuite demandé qu’on mette un lycée (le second lycée de Bambey dont la première pierre avait été posée en 2007 par le défunt ministre Moustapha Sourang). On était en cours de construction d’un forage.
On a aussi réhabilité un amphithéâtre au niveau du Département de médecine qu’un mécène sénégalais a attribué à l’université. Nous sommes en phase de construire deux autres infrastructures. Et il est singulier de noter que dans les revendications des étudiants, jamais la question des infrastructures ne se pose plus. C’est vrai qu’on a intérêt à faire plus, mais il y a des choses qui ont été faites et on ne peut pas dire que, depuis quelques années, qu’il n’y a pas une amélioration notable des conditions d’infrastructures dans cette université.
Propos Recueillis par Boucar Aliou Diallo (Diourbel)