Publié le 23 Mar 2025 - 01:42
PROBLÈMES FONCIERS ET ADMINISTRATIFS - CITOYENS EN DÉTRESSE  

Le médiateur tire la sonnette d'alarme

 

Le médiateur de la République a rendu public son rapport d’activités pour les années 2023 et 2024, mettant en lumière les réalisations, les défis et les perspectives de l’institution. Ce document, riche en données et analyses, souligne que les réclamations des citoyens constituent le cœur de métier de l’institution, tandis que le traitement des contentieux administratifs et les problèmes fonciers dans le monde rural occupent une place centrale dans ses préoccupations.

 

Selon le rapport, le médiateur de la République a reçu 279 réclamations entre janvier et juin 2023. Parmi celles-ci, 18 ont été déclarées irrecevables, car elles concernaient des litiges strictement privés, ne relevant ni de l’Administration publique ni d’une mission de service public. Neuf dossiers étaient en cours devant les juridictions et quatre ont été rejetés pour non-respect des formalités de saisine préalable de l’administration concernée.

En revanche, 14 dossiers ont connu une issue favorable, grâce à une médiation réussie, tandis que trois réclamations ont été jugées non fondées. Au total, 231 dossiers restent en cours de traitement.

Le document insiste sur la célérité avec laquelle les réclamations sont traitées, de leur réception à leur transmission à l’administration concernée. Conformément à la loi, le médiateur de la République ne peut être saisi qu’après que le réclamant a épuisé les recours administratifs préalables. Cette procédure vise à garantir que chaque dossier est examiné avec rigueur et impartialité.

Contentieux administratif : l’inexécution des décisions de justice, un défi persistant

Le rapport aborde également la question épineuse du contentieux administratif, en particulier l’inexécution des décisions de justice. Mamadou Seck Diouf, représentant du médiateur de la République, a rappelé la position de l’institution, soulignant que l’inexécution des décisions de justice est rarement due à des contraintes techniques, mais plutôt à un manque de culture de l’État de droit au sein de l’administration. Il a insisté sur la nécessité de renforcer cette culture pour garantir que les décisions de justice soient respectées et exécutées.

Monsieur Seck Diouf a également évoqué les difficultés liées au formalisme administratif, qui peuvent parfois entraver l’accès des citoyens à la justice. Cependant, il a réaffirmé que ces obstacles ne doivent pas empêcher les citoyens de faire valoir leurs droits. Le médiateur de la République joue un rôle crucial en tant qu’intermédiaire entre les usagers et l’administration, facilitant la résolution des litiges et veillant à ce que les décisions de justice soient appliquées.

Les problèmes fonciers dans le monde rural : un enjeu majeur

Le rapport 2023-2024 du médiateur de la République consacre une partie importante aux problèmes fonciers dans le monde rural, identifiant plusieurs causes profondes de ces conflits qui persistent et s’aggravent au fil des années. Parmi les principaux points soulevés figurent  plusieurs points :

Une législation obsolète et un faible impact de l’Acte III de la décentralisation

Les lois régissant le foncier rural sont jugées obsolètes et inadaptées aux réalités modernes. Ces textes, souvent hérités de l’époque coloniale, ne prennent pas en compte les évolutions socioéconomiques et les besoins actuels des populations rurales. Cette inadéquation entraîne des interprétations divergentes, des litiges fréquents et une insécurité juridique pour les exploitants agricoles et les communautés locales.

Malgré les réformes engagées dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation, la gouvernance foncière reste largement centralisée. Les autorités locales, pourtant proches des réalités du terrain, manquent de moyens et de compétences pour gérer efficacement les questions foncières. Cette centralisation limite l’efficacité des interventions et contribue à la persistance des conflits.

Le manque de transparence et d’équité et la faible implication des populations locales

Les critères d’attribution des terres sont souvent flous et sujets à des interprétations arbitraires. Ce manque de transparence favorise la corruption, les injustices et les inégalités dans l’accès à la terre. Les populations rurales, déjà vulnérables, se retrouvent souvent exclues des processus décisionnels, ce qui alimente les tensions et les conflits.

Les communautés rurales sont fréquemment exclues des processus d’immatriculation et de gestion des terres. Cette exclusion renforce leur marginalisation et leur vulnérabilité, tout en alimentant les tensions entre les différents acteurs. Une meilleure implication des populations locales dans la gestion foncière est essentielle pour garantir une répartition équitable des ressources.

Les conflits entre communes urbaines et rurales

Les litiges liés au lotissement des terres sont fréquents, notamment en raison de la concurrence pour l’accès aux ressources entre les communes urbaines et rurales. Ces conflits, souvent exacerbés par l’expansion des villes et la pression foncière, nécessitent des mécanismes de médiation et de résolution adaptés.

Par ailleurs, la gestion centralisée du foncier rural par l’administration territoriale entrave l’autonomie des communautés locales. Cette implication excessive limite la capacité des populations à gérer leurs propres terres et contribue à une gestion inefficace des ressources foncières.

En outre, les femmes rencontrent des difficultés spécifiques pour obtenir des droits fonciers, malgré leur rôle crucial dans l’agriculture et la gestion des ressources naturelles. Les normes sociales et les pratiques discriminatoires continuent de limiter leur accès à la terre, ce qui perpétue les inégalités de genre.

L’absence de planification foncière et le défaut de collaboration entre administrations

Le manque de plans d’occupation et d’affectation des sols (Poas) contribue à une gestion désorganisée des terres. Sans une planification adéquate, il est difficile de garantir une utilisation durable et équitable des ressources foncières.

Les services techniques étatiques et les administrations foncières ne coordonnent pas suffisamment leurs actions. Ce manque de collaboration entraîne des lacunes dans la gestion des informations foncières et limite l’efficacité des interventions.

Pour rappel, en mai 2024, le médiateur de la République, Demba Kandji, a réaffirmé son engagement pour une meilleure réglementation du foncier lors d’un atelier d’échanges organisé par la médiature de la République. Cet événement, qui a réuni des acteurs clés tels que l’Association des anciens gouverneurs, des mouvements de la société civile, l’Association des chefs de village et d’autres parties prenantes de la zone sylvo-pastorale, visait à identifier des solutions durables aux problèmes fonciers.

Monsieur Kandji a souligné que "la préoccupation majeure du Sénégal, c’est la terre. Où habiter ? Où cultiver ?". Il avait insisté sur la nécessité de mener des réflexions approfondies pour élaborer des propositions concrètes à soumettre aux décideurs. "Nous avons entrepris cette réflexion pour essayer, dans le cadre de nos pouvoirs de proposition et de suggestion, de ficeler des directives à confier à ceux qui décident", avait-il déclaré.

Le rapport conclut en appelant à une réforme en profondeur de la gouvernance foncière, notamment par la modernisation de la législation, la décentralisation effective des compétences et une meilleure implication des populations locales. Il recommande également de renforcer la transparence dans l’attribution des terres et de promouvoir une culture de l’État de droit au sein de l’Administration.

AMADOU CAMARA GUEYE

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