Les députés s’engagent pour des réformes prioritaires

La Commission nationale des Droits de l'homme du Sénégal (CNDH), en partenariat avec l'ONU et ses agences, organise depuis mercredi à Saly un atelier parlementaire de trois jours autour d’enjeux législatifs clés : le droit de la famille, la protection de l’enfant et l’élimination des mutilations génitales féminines (MGF). En collaboration avec le HCDH, l’UNFPA, ONU Femmes, le PNUD et l’UNICEF, et avec le soutien du Canada, cette rencontre vise à favoriser un dialogue constructif entre parlementaires, ONG, experts et institutions partenaires, pour identifier des réformes législatives prioritaires et renforcer la protection des droits humains au Sénégal.
Président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Maître Abdoulaye Tall souligne la nécessité de réformer en profondeur le Code de la famille, en vigueur depuis plus de cinquante ans. Qualifié de ‘’droit hybride’’ mêlant droit positif, coutumes et normes religieuses, ce corpus législatif, dit-il, montre aujourd’hui ses limites face aux exigences contemporaines. ‘’Bien que des avancées aient été enregistrées, de nombreux défis persistent, notamment en matière d’équité dans l’application des textes, d’harmonisation avec les normes internationales et de protection effective des droits des femmes et des enfants’’, déclare Me Abdoulaye Tall.
Parmi les dispositions appelées à être révisées, Pr. Amsatou Sow Sidibé, présidente de la Commission nationale des Droits de l’homme du Sénégal, cite des points sensibles tels que la responsabilisation de la femme dans la famille, l’âge légal du mariage des filles, la question de la puissance paternelle, l’autorité parentale exclusivement masculine, ainsi que l’accès difficile des femmes vulnérables à la justice familiale, et l’élimination des mutilations génitales féminines.
Des chiffres alarmants sur les MGF, un pays toujours sans Code de l’enfant !
La persistance des mutilations génitales féminines constitue une autre préoccupation majeure. Selon les données récentes du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), plus de 4,4 millions de filles dans le monde risquent chaque année d’être excisées.
Au Sénégal, malgré une législation adoptée dès 1999, le taux de prévalence est estimé à 25 %, avec de fortes disparités régionales, allant de 90 % dans la région de Kédougou à moins de 1 % dans celle de Diourbel. ‘’En dépit des efforts consentis, le niveau des MGF stagne depuis deux décennies. Il est impératif que les parlementaires renforcent leur engagement pour une application rigoureuse de la loi’’ a exhorté Me Tall.
‘’Les enfants continuent de souffrir’’
En matière de protection de l’enfance, le constat est tout aussi préoccupant : le Sénégal demeure le seul pays de la sous-région ouest-africaine à ne pas disposer d’un Code de l’enfant. Un projet de texte a été élaboré en 2016, mais il reste bloqué au niveau du Secrétariat général du gouvernement.
L’éparpillement des dispositions relatives aux droits de l’enfant dans plusieurs textes législatifs (Code pénal, Code du travail, loi contre la mendicité, etc.) rend leur application complexe et peu lisible pour les acteurs de terrain. ‘’Depuis 1914, le Sénégal réfléchit à l’élaboration d’un Code de l’enfant. Plus d’un siècle plus tard, nous en sommes toujours au même point. Les textes sont dispersés, la protection de l’enfance demeure incomplète, et pendant ce temps, les enfants continuent de souffrir : ils errent dans les rues, mendient et sont exposés à toutes formes d’abus. Cette situation est difficilement acceptable. Il est temps que cela change’’, a souligné Pr. Amsatou Sow Sidibé.
Alors que la Constitution sénégalaise garantit l’égalité des sexes et la protection de l’intégrité physique, les parlementaires s’engagent à faire progresser les réformes structurelles nécessaires pour mieux défendre les droits des femmes et des enfants. Cet atelier de Saly se veut un moment clé pour faire avancer l’égalité, la justice et la dignité humaine.
Pape Mbar Faye