Publié le 4 Dec 2021 - 21:37
ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN GAMBIE, CE SAMEDI

Barrow et l’ombre de Jammeh

 

Les électeurs se rendent ce samedi matin dans les urnes en Gambie. Ce pays possède un système de vote unique. Les électeurs ne vont pas utiliser de bulletin de vote en papier pour choisir leur prochain président. Ils devront utiliser... des billes.

 

Concrètement, après avoir montré leur pièce d'identité au président du bureau de vote, à son assesseur et aux représentants des candidats à la présidentielle, une bille est remise aux électeurs par un officiel de la CEI. Les électeurs vont ensuite derrière un rideau où se trouvent six bidons cylindriques d'environ 60 centimètres de haut portant chacun la couleur et l'effigie d'un candidat. Les votants font glisser leur bille dans le bidon du candidat de leur choix. L'introduction de la bille dans l'urne fait tinter une clochette, dont le bruit est comparable à celui produit par un vélo. Les officiels sont ainsi capables d'entendre si quelqu'un tente de voter plus d'une fois.

Les urnes sont fermées avec des scellés de sécurité ayant une couleur rouge. Chaque scellé porte un numéro de série unique. Les scellés en couleur blanche sont utilisés pour fermer l'orifice de l'urne. Il y a ensuite un filtre pour séparer les billes du sable ou de la sciure utilisé pour éviter les nuisances sonores dans l'urne. Le nombre de billes déversées de chaque urne est le résultat obtenu par le candidat dans le bureau de vote.

En tout, 962 157 Gambiens se sont inscrits pour voter dans 1 554 bureaux de vote répartis sur l'ensemble du territoire. Il y a 53 circonscriptions électorales réparties dans les sept régions du pays. Une fois les bureaux de vote fermés, le système permet un dépouillement rapide et plus aisé des voix car, les billes sont renversées sur des plateaux qui contiennent 200 trous. Ensuite, les billes sont comptées, de la même façon que des bulletins en papier traditionnels.

Quand l’ancien Président Yahya Jammeh ravit la vedette à Barrow

En exil en Guinée équatoriale, depuis 2017, l’ancien président de Gambie Yahya Jammeh a été l’absent le plus présent dans la campagne électorale qui vient de se terminer dans son pays.  Désormais allié à Mama Kandeh, candidat à la présidentielle et opposant le plus virulent au régime du président Adama Barrow, ces cinq dernières années, Yahya Jammeh est régulièrement intervenu par téléphone amplifié sur haut-parleur dans les rassemblements publics de Kandeh, pour dire tout le mal qu’il pense de l'administration Barrow.

Ce qui a souvent fait dérailler la campagne d’Adama Barrow dont l’alliance programmée avec Yahya Jammeh a volé en éclat. Barrow a souvent été obligé d’apporter des explications ou de riposter aux attaques du duo Kandeh-Jammeh. Or, les prises de parole de Jammeh ont fait la une d’une partie importante de la presse locale et animé les discussions des Gambiens, sur les réseaux sociaux. De ce fait, l’ancien Président est souvent parvenu à ravir la vedette à Adama Barrow.

La Commission vérité et réconciliation s’est aussi invitée dans la campagne

La Commission Vérité, Réconciliation et Réparation de Gambie (TRRC) a remis son rapport final sur les crimes et abus de droits humains supposés commis entre 1994 et janvier 2017, sous le règne de l'ancien Président Yahya Jammeh, une semaine avant la fin de la campagne électorale. Ce faisant, elle a réussi à replacer le thème des abus commis sous Yahya Jammeh comme un enjeu principal de l’élection. Le rapport soumis au président Adama Barrow documente et fait des recommandations sur deux ans d'enquêtes et d’auditions de témoins, parmi lesquels des victimes et des auteurs d'abus présumés.

Il a été documenté sur 14 000 pages répartis en 33 volumes. C'est un travail d'investigation et d'audition sur 427 dossiers d'abus graves des droits de l'homme, pour 218 recommandations à des fins de poursuites, selon le président de la Commission, Lamin Cissé.

L’électorat jeune sera déterminant

Dans leurs besaces, les six candidats à la présidentielle ont fait une multitude de promesses en direction de l’électorat des jeunes qui constitue plus de la moitié des inscrits sur le fichier national. La plupart de ces jeunes, situés dans la tranche d’âge comprise entre 18 et 25 ans, n’ont connu d’élections que sous l’ancien président Yahya Jammeh. La Gambie connait un taux de chômage très élevé chez les jeunes qui ont naturellement beaucoup d’attentes. Et même s’ils se méfient des promesses politiciennes, ils comptent faire de leur vote l’instrument capable de changer leur vie pour le meilleur.

Au moment d’aller aux urnes, la Commission électorale indépendante et les services de sécurité du pays ont tenu à rassurer tout le monde du dispositif logistique et sécuritaire mis en place pour la tenue du scrutin. Le scrutin présidentiel de samedi devra départager six candidats, dont le président sortant Adama Barrow, après une campagne électorale sans histoires. 

Le scrutin suscite l'attention de la communauté internationale, avec la présence de plusieurs observateurs envoyés par des organisations comme la CDEAO, l'Union Africaine, l'Union européenne mais aussi, le Commonwealth.

JEAN-BAPTISTE SAGNA (CORRESPONDANCE PARTICULIERE)

 

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