Les fluctuations de la pauvreté depuis 2011

Le Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal émergent (Bos) a rendu publics, hier, les résultats d’une étude sur la pauvreté au Sénégal, entre 2011 et 2022. En sus de cela, l’étude a fait état d’une certaine recommandation.
Les résultats de ‘’l’Étude sur la transition dans la pauvreté et les inégalités de revenus entre 2011 et 2018’’ menée par le Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal émergent (Bos) ont été rendus publics, hier. L’étude avait pour but de contribuer à une meilleure compréhension des incidences socioéconomiques des programmes de protection sociale sur la réduction de la pauvreté et des inégalités de revenus au Sénégal, en utilisant des méthodes économétriques et des simulations de scénarios. Plus spécifiquement, l’étude visait à analyser l’évolution de la pauvreté, entre 2011 et 2018, et à identifier la transition dans la pauvreté, les facteurs clés associés à l’impact du genre sur la pauvreté et à évaluer l’impact du genre sur la pauvreté, la santé et l’éducation.
Hier, lors de la cérémonie de restitution, le rapporteur du Bos a souligné que les résultats attendus de cette étude vont permettre de connaitre la forme de la pauvreté́ dominante, d’expliquer l’évolution de la pauvreté et de déterminer les transitions dans la pauvreté. De plus, les dimensions qui contribuent le plus à l’écart entre les différentes catégories de ménage, selon Baye Elimane Gaye, devront être identifiées.
Les différentes politiques socioéconomiques entreprises par l’État du Sénégal, dit-il, semblent insuffler une nouvelle dynamique dans la lutte contre la pauvreté, à l’instar des autres pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Selon lui, si on se fie aux données de 2018, le Sénégal a le plus faible taux de pauvreté́ (37,8 %) dans l’espace UEMOA. Mieux, les principaux indicateurs de pauvreté́ ont reculé́, entre 2011 et 2018, d’après l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Il s’agit du taux de pauvreté (-5 %), la profondeur (-3,5 %) et la sévérité (-2,4 %).
Entre 2011 et 2018, selon l’étude, le taux de pauvreté a connu une baisse de 5 points de pourcentage. Toutefois, il existe des disparités selon le genre et le milieu de résidence. En effet, poursuit le document, 21,8 % des ménages dirigés par des femmes sont pauvres, contre 42,7 % sous l’autorité d’un homme. ‘’Au Sénégal, les ménages sont majoritairement dirigés par des hommes (76 %), mais la pauvreté est moins répandue dans les foyers dirigés par des femmes comparativement à ceux dirigés par des hommes (ANSD, 2021). Par rapport au milieu de résidence, la pauvreté est plus accentuée en milieu rural (53,6 %, contre 19,8 % pour le milieu urbain) où il ressort une baisse plus importante du niveau de pauvreté par rapport à 2011 (5,2 points contre 2,1 points pour le milieu urbain)’’, renseigne le document.
Selon toujours l’étude, ‘’les résultats de l’enquête révèlent que le taux d’extrême pauvreté́ est passé de 12,2 % à 6,8 % sur la même période. En ce qui concerne le niveau de pauvreté par région en 2018, il ressort de l’analyse que celles de Sédhiou (65,7 %), Kédougou (61,9 %), Tambacounda (61,9 %), Kolda (56,6 %), Kaffrine (53,0 %) et Ziguinchor (51,1 %) sont les plus touchées. Ces performances sont confirmées par d’autres chiffres sur la pauvreté.
En effet, au Sénégal, le nombre de pauvres est passé de 6 300 000 entre 2001 et 2011, à 6 032 056 entre 2012 et 2019. Il est noté une stabilisation, voire une réduction de la masse d’individus pauvres, malgré́ la croissance démographique encore forte du pays. Ainsi, la mise en place du PSE a freiné la transition des ménages vulnérables dans la pauvreté’’.
En analysant la pauvreté en 2018 selon le milieu de résidence et selon les chefs de ménage, l’étude affirme que la pauvreté est plus faible chez les ménages dirigés par une femme (12 % en milieu urbain et 38 % en milieu rural) que chez les ménages dont le chef est un homme (23 % et 56 % respectivement). En milieu urbain, la baisse de la pauvreté est plus importante chez les ménages sous l’autorité d’une femme (5 points contre 1 point pour les hommes), tandis qu’en milieu rural la baisse est presque identique selon le genre du chef de ménage.
Le budget de consommation annuel chez les pauvres est de 243 978 F CFA
Les résultats ont aussi révélé que 78 % des ménages expliquent leur pauvreté par un manque d’emploi, 15,5 % par absence d’instruction, 22,5 % par manque de terre, 54,4 % par cherté de la vie. Le budget de consommation annuel chez les pauvres est de 243 978 F CFA contre 785 526 F CFA chez les non-pauvres. Soit un écart de 541 548 F CFA.
Selon toujours le document, 64,9 % de la différence du budget de consommation entre pauvres et non-pauvres est expliquée par les disparités en termes d’éducation, santé, milieu résidence. Alors que pour les 37,1 %, cette différence est due à une discrimination pure.
L’étude a aussi montré que 26 % des ménages interrogés sont dans l’extrême pauvreté (zone 1), (entre 68 161 F CFA et 203 875 F CFA), 26 % sont très pauvres (zone 2) (entre 204 000 F CFA et 250 824 FA CFA), 25 % dans la médiane supérieure (zone 3) (entre 250 829 F CFA et 292 439 F CFA) et 23 % sont proches du seuil de pauvreté (zone 4), (entre 292 455 F CFA et 333 401 F CFA).
‘’Les résultats issus des panels synthétiques ont montré́ qu’entre 2011 et 2018, la proportion de la population sortant de la pauvreté́ (5,53 %) est supérieure à̀ celle basculant dans la pauvreté (0,19 %). En d’autres termes, 5,53 % de la population sort de la pauvreté́, tandis que 0,19 % tombe dans la pauvreté’’, dit-on.
‘’Toutefois, la proportion de ménages frappés par la pauvreté́ est toujours inquiétante : environ 37 %. La part de la population basculant dans la pauvreté́ est plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain.
Une analyse de la matrice de transition en fonction du milieu de résidence montre que la part de la population sortant de la pauvreté est plus importante en milieu urbain (3,89 %) qu’en milieu rural (2,52 %).
En outre, les résultats ont montré que la proportion de ménages basculant dans la pauvreté est deux fois plus élevée dans les ménages dirigés par une femme que dans les ménages dirigés par un homme. L’analyse a montré également que des efforts de sortie sont notés dans des secteurs prioritaires tels que les services (tourisme, éducation, santé, commerce).
Toutefois, les ménages des branches d’activités du commerce et de l’agriculture ont les taux de transition dans la pauvreté les plus élevés’’, souligne le document.
Les recommandations de cette étude
Un diagnostic approfondi de la situation de la pauvreté au Sénégal, selon l’étude, a permis de mettre en exergue les performances réalisées par le pays, mais aussi les nombreux défis à relever. Afin de parvenir à réduire le nombre d’individus en situation de pauvreté, l’étude formule un certain nombre de recommandations.
Elle demande, entre autres, de mener un processus de structuration sur le financement de la protection sociale ; l’orientation des transferts de fonds en faveur des pauvres, en adoptant une approche sortie de pauvreté ; le renforcement de la résilience des ménages en ciblant surtout ceux du milieu rural et dirigés par des femmes ; une prise en compte dans la stratégie de sortie les disparités entre les régions.
Concernant les recommandations stratégiques, elles invitent à un accompagnement de la mise en œuvre des orientations du PSE en matière de protection sociale, en utilisant la méthodologie des labos développée par le Bos, tout en favorisant une approche intégrée et harmonisée avec les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture ; à une prise en compte dans les scénarii, les chocs de grande amplitude récents liés à la Covid-19 et la crise russo-ukrainienne ; à effectuer une analyse sur l’efficience de certaines filières agricoles comparativement aux appuis et subventions de l’État, afin d’identifier les spéculations et les stratégies les plus pertinentes pour favoriser la résilience des ménages agricoles.
Il sera aussi question d’élaborer les comptes satellites de la protection sociale pour prendre en compte la contribution de cette dernière à l’économie nationale, de dissocier les fonctions de pilotage et de coordination du secteur de la protection sociale de celles chargées de l’opérationnalisation des programmes de protection sociale et mieux clarifier les rôles et responsabilités des acteurs. Il y a aussi des recommandations opérationnelles et techniques.
Interrogé sur l’impact de la Covid-19 et de la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur la pauvreté, Baye Elimane Gaye a confié qu’il faudra attendre la fin d’une autre étude qui sera effectuée par l’Agence nationale pour la statistique et la démographie (ANSD). Elle prendra en compte ces deux crises que le pays subit.
CHEIKH THIAM